Sophie a garé sa voiture une rue avant darriver chez sa belle-mère. La pendule marquait 17h45 elle était arrivée plus tôt que prévu. *Peut-être quelle appréciera ma ponctualité cette fois*, pensa-t-elle en lissant les plis de sa nouvelle robe. Le cadeau une broche ancienne quelle avait cherchée pendant des mois chez les antiquaires était soigneusement emballé sur la banquette arrière.
En approchant de la maison, Sophie remarqua que la fenêtre du rez-de-chaussée était entrouverte. La voix de sa belle-mère lui parvint distinctement :
*« Non, Élodie, tu te rends compte ? Elle ne sest même pas donné la peine de demander quel gâteau je préfère ! Elle a commandé un dessert à la mode Notre fils a toujours adoré la tarte Tatin, et elle »* Une pause. *« Elle ne comprend même pas ça. Sept ans de mariage ! »*
Sophie se figea. Ses pieds semblaient collés au trottoir.
*« Bien sûr, je te lai déjà dit elle ne convient pas à Thomas. Elle travaille jour et nuit dans cette clinique et nest presque jamais à la maison. Quelle maîtresse de maison fait ça ? Hier, je suis passée chez eux la vaisselle sale, la poussière sur les meubles Et elle, bien sûr, était occupée avec une opération compliquée ! »*
Un froid la traversa. Sophie sappuya contre la grille, les genoux tremblants. Pendant sept ans, elle avait tout fait pour être la belle-fille parfaite : cuisine, ménage, anniversaires, visites quand sa belle-mère était malade. Et tout ça pour rien
*« Non, je ne dis rien, mais est-ce quune femme comme elle est vraiment faite pour mon fils ? Il a besoin dune vraie famille, de chaleur, dattention Et elle, toujours en conférence ou de garde la nuit. Elle ne pense même pas aux enfants ! Tu imagines ? »*
Un bourdonnement emplissait sa tête. Machinalement, elle sortit son téléphone et composa le numéro de son mari.
*« Thomas ? Je vais être un peu en retard. Oui, tout va bien, cest juste les embouteillages. »*
Elle fit demi-tour et retourna à sa voiture. Assise là, le regard fixe, les mots quelle venait dentendre résonnaient : *« Tu devrais mettre plus de sel », « De mon temps, les femmes restaient à la maison », « Thomas travaille tellement dur, il a besoin de soins particuliers »*
Son téléphone vibra un message de Thomas : *« Maman demande où tu es. Tout le monde est là. »*
Sophie inspira profondément. Un sourire étrange apparut sur ses lèvres. *« Très bien,* pensa-t-elle. *Sils veulent la belle-fille parfaite, ils lauront. »*
Elle démarra et fit marche arrière vers la maison de sa belle-mère. Un plan venait de naître.
Finis les efforts pour leur plaire. Il était temps de leur montrer ce quune *« vraie »* belle-fille pouvait être.
Sophie entra avec le sourire le plus large possible. *« Ma chère maman ! »* sexclama-t-elle en serrant sa belle-mère avec un enthousiasme exagéré. *« Pardonne-moi mon retard, mais jai fait trois magasins pour trouver exactement les bougies que tu aimes ! »*
Sa belle-mère resta bouche bée, surprise par cette soudaine effusion. *« Je pensais »*, commença-t-elle, mais Sophie enchâina :
*« Oh, et figure-toi que jai croisé ton amie Élodie en chemin ! Une femme si gentille, toujours si franche, nest-ce pas ? »* Elle fixa sa belle-mère dun air entendu, observant son visage pâlir.
Pendant tout le dîner, Sophie joua la comédie de sa vie. Elle servait à sa belle-mère les meilleurs morceaux, sextasiait bruyamment sur chaque mot et ne cessait de demander des conseils sur la tenue de la maison.
*« Mamie chérie, combien de temps faut-il faire mijoter le bœuf bourguignon ? Et les tapis, cest mieux de les aspirer le matin ou le soir ? Je devrais peut-être arrêter de travailler ? Après tout, Thomas a besoin dune vraie famille, non ? »*
Thomas la regardait, stupéfait, tandis que les invités échangeaient des regards. Mais Sophie continua :
*« Je me disais Je devrais peut-être minscrire à des cours de cuisine ? Abandonner cette stupide chirurgie Une femme doit être la gardienne du foyer, nest-ce pas, maman ? »*
Sa belle-mère tapotait nerveusement sa fourchette contre son assiette. Sa confiance seffritait minute après minute. Le lendemain, Thomas retrouva Sophie dans la cuisine, encore ébranlé par la veille.
« Tu savais, pour les écoutes ? » demanda-t-il, la voix basse.
Elle leva les yeux de sa tasse de café. « Je savais depuis longtemps quelle parlait. Mais hier jai enfin entendu ce quelle ne disait pas à voix haute. »
Il hocha lentement la tête. « Maman vient de mappeler. Elle dit quelle a exagéré. Quelle voulait juste notre bonheur. »
Sophie sourit, cette fois sincèrement. « Alors peut-être quon va enfin pouvoir construire notre bonheur. Sans interprètes. Elle posa sa main sur la sienne. Dehors, la pluie fine du matin lavait les feuilles des arbres. Dans la cuisine, le silence était doux, pour la première fois en sept ans.







