**Journal intime**
Deux ans après le divorce, jai croisé mon ex-femme : jai enfin tout compris, mais elle na esquissé quun sourire amer avant de rejeter ma supplique désespérée de tout recommencer
Quand notre deuxième enfant est né, Aurélie a cessé de prendre soin delle. Avant, elle changeait de tenue cinq fois par jour, obsédée par son apparence. Pourtant, au retour de la maternité à Lyon, elle semblait avoir oublié jusquà son existence, enveloppée dans un vieux pull informe et un jogging déformé aux genoux, qui flottait sur elle comme un drapeau de défaite.
Dans cet « élégant » ensemble, ma femme ne se contentait pas de vaquer à ses tâches elle y survivait, jour et nuit, sendormant souvent dans ces guenilles comme si elles étaient devenues sa seconde peau. Lorsque je lui demandais pourquoi, elle haussait les épaules en murmurant que cétait plus pratique pour les réveils nocturnes. Une logique sinistre, jen conviens, mais toutes ces maximes quelle me servait autrefois comme des sermons « Une femme doit rester une femme, même en enfer ! » sétaient évaporées. Aurélie avait tout oublié : son institut de beauté adoré à Marseille, le gymnase quelle vénérait comme un temple, et pardonnez-moi laudace elle ne mettait même plus de soutien-gorge le matin, traînant dans la maison avec une nonchalance désespérante.
Son corps, lui aussi, avait sombré. Tout sétait effondré la taille, le ventre, les jambes, même son cou autrefois gracile nétait plus quune ombre. Ses cheveux ? Un cauchemar : tantôt une masse sauvage et emmêlée comme après une tempête, tantôt un chignon bâclé doù séchappaient des mèches suppliantes. Le pire ? Avant la grossesse, Aurélie était éblouissante un vrai dix sur dix ! Quand nous nous promenions dans les rues de Bordeaux, les hommes se retournaient, leurs regards collés à elle. Cela flattait mon orgueil ma déesse, à moi seule ! Et maintenant plus rien de cette splendeur, juste une silhouette fanée.
Notre maison reflétait sa chute un marais de chaos. La seule chose quelle maîtrisait encore était la cuisine. Je lavoue sans honte : Aurélie était une magicienne aux fourneaux, critiquer ses plats aurait été un péché. Mais le reste ? Une tragédie.
Jai tenté de la secouer, supplié quelle ne sabandonne pas ainsi. Elle souriait, vague promesse aux lèvres. Les mois passaient, ma patience fondait. Voir ce spectre de femme chaque jour devenait insupportable. Une nuit dorage, jai prononcé larrêt : le divorce. Aurélie a essayé de me retenir, ressassant ses vaines promesses, mais sans cris, sans combat. Quand elle a compris que ma décision était irrévocable, elle a soupiré, le cœur lourd :
*« Comme tu veux Je croyais que tu maimais. »*
Je nai pas relevé. Les papiers signés, nous avons reçu nos actes à la mairie de Toulouse fin de lhistoire.
Je ne suis sans doute pas un père exemplaire à part la pension, je nai rien fait pour eux. Lidée de revoir celle qui mavait autrefois ébloui me donnait la nausée.
Deux ans plus tard. Errant dans les rues animées de Paris, jai aperçu une silhouette au loin une démarche si familière, légère, presque dansante. Elle marchait droit vers moi. Mon cœur sest arrêté : Aurélie ! Mais quelle Aurélie ! Renaissant de ses cendres, plus radieuse encore quà nos débuts lincarnation de la féminité. Talons hauts, coiffure impeccable, tout en harmonie la robe, le maquillage, les bijoux Et ce parfum, celui dautrefois, qui ma submergé de souvenirs.
Mon visage a dû tout trahir choc, nostalgie, honte car elle a éclaté dun rire victorieux :
*« Quoi, tu ne me reconnais pas ? Je tavais dit que je men sortirais Tu nas pas voulu me croire. »*
Elle a daigné me laisser laccompagner à son cours de gym, évoquant brièvement les enfants « Ils vont bien, pleins de vie. » Delle-même, peu de mots, mais inutiles : son éclat, cette assurance nouvelle parlaient plus fort que tout.
Mes pensées se sont reportées à ces jours sombres : son corps épuisé par les nuits blanches, engoncé dans ce maudit jogging, ce chignon triste comme un aveu de défaite. Comme cela mavait exaspéré cette grâce perdue, cette flamme éteinte ! Cétait la même femme que javais abandonnée, avec nos enfants, aveuglé par mon égoïsme.
Au moment de nous séparer, jai balbutié : *« Je peux tappeler ? Jai compris, laisse-moi une seconde chance. »* Mais elle na eu quun sourire froid, secouant la tête avec une détermination implacable :
*« Tu as mis trop de temps à comprendre, mon cher. Adieu. Elle sest éloignée sans un regard en arrière, ses talons cliquetant sur le pavé comme un rappel du temps irrémédiablement perdu. Je suis resté là, figé, tandis que le vent emportait son parfum et avec lui, les cendres de ce que jaurais pu sauver.







