Après avoir examiné sa fille Élodie, Polina a vu des marques rouges laissées par une ceinture. Quelque chose s’est brisé en elle. Elle écarta doucement les enfants et se redressa.

En examinant sa fille, Élodie aperçut les marques rouges laissées par une ceinture. Quelque chose se brisa en elle. Elle écarta doucement les enfants et se redressa.

Élodie rentrait du travail à contrecœur. Le vent dautomne tirait sur les pans de son manteau, et les nuages plombés semblaient peser sur ses épaules. Mais ce nétait pas le temps qui accablait la jeune femme. Une visite inattendue était arrivée chez eux ce jour-là.

En pleine réunion importante avec un client, Thomas lavait appelée :
« Élodie, ne te fâche pas, mais jai récupéré Maman à la gare. Elle sennuyait des petits. Elle reste deux ou trois jours. »

Ces mots glacèrent Élodie. Sa belle-mère, Geneviève Dupont, était une véritable épine dans son pied. En dix ans de mariage, elle navait jamais réussi à sentendre avec elle.

« Thomas, nous étions daccord, dit-elle en contenant son irritation. Tu devais me prévenir à lavance. »

« Désolé, mon cœur. Elle a appelé à limproviste, disant quelle devait passer des examens à lhôpital régional. Et quelle en profiterait pour nous voir. Je ne pouvais pas refuser. »

Élodie soupira profondément. Bien sûr quil ne pouvait pas. Thomas avait toujours été trop indulgent avec sa mère, malgré toutes ses frasques.

« Daccord, je reste tard au bureau. Je dois finir ce projet pour demain. »
« Ne tinquiète pas, Maman soccupera des enfants. Elle leur a apporté des cadeaux, et je dois voir un client en urgenceun problème avec le logiciel. »

Alors Élodie retardait son retour autant que possible. Devant elle se dressait la perspective insupportable de passer la soirée avec la femme qui, autrefois, les avait jetés, elle et le petit Mathis, sous la pluie, laccusant de tous les maux.

Son téléphone vibra dans sa poche. Un message de Thomas :
« Toujours avec le client. Je rentre tard. Tout va bien ? »

Élodie soupira et répondit :
« Presque arrivée. Je me débrouillerai. »

Les souvenirs des premières années de leur mariage lui revinrent. À lépoque, ils vivaient dans la maison de sa belle-mèrevaste, mais aussi froide que le cœur de sa maîtresse.

Six ans plus tôt.
La jeune Élodie était devant la cuisinière, remuant la soupe. Quelque part à létage, Mathisà peine cinq moispleurait. Elle sessuya les mains à son tablier, sur le point de monter, quand Geneviève entra dans la cuisine.

« Tu nentends pas cet enfant pleurer ? » gronda sa belle-mère.
« Jallais justement moccuper de lui », répondit Élodie calmement.

« Tu es toujours en train dy aller, ricana Geneviève. Et rien nest jamais fait. Mon Thomas dormait comme un ange à son âge. Ça doit être tes gènes. »

Élodie serra les lèvres. Elle entendait ce genre de remarques presque quotidiennement.

Geneviève plongea son regard dans la casserole.
« Et quest-ce que cest que cette mixture ? Thomas ne mange pas ça. »
« Cest sa soupe préférée, objecta Élodie. Cest lui qui me la demandée. »

« Absurdités. Je suis sa mère. Je sais mieux que toi ce quil aime ! »

Geneviève saisit la casserole et vida son contenu dans lévier. Les yeux dÉlodie semplirent de larmes.
« Pourquoi avez-vous fait ça ? Jai passé deux heures à la préparer ! »
« Ne sois pas dramatique. Occupe-toi du bébé, et je préparerai moi-même un vrai dîner pour mon fils. »

Quand Thomas rentra ce soir-là, sa mère laccueillit dans lentrée :
« Mon fils, tu sais quoi ? Ta femme na rien fait de la journée ! Le bébé pleurait et elle ne sest même pas occupée de lui. Heureusement que jétais là. »

Thomas regarda sa mère, las.

« Maman, je suis sûr quÉlodie soccupe de Mathis. »

« Bien sûr que tu la défends ! sexclama Geneviève. Elle ta enroulé autour de son doigt et tu en es ravi. Et moi, je ne suis plus rien pour toi ! »

Elle éclata en sanglots théâtraux et partit dans sa chambre. Thomas jeta un regard apologétique à sa femme.
« Désolé, elle sinquiète simplement »

« Thomas, elle jette la nourriture que je prépare, murmura Élodie. Elle dit à Mathis que je suis une mauvaise mère. Cest insupportable. »

« Tiens bon encore un peu, supplia-t-il. Nous déménagerons bientôt, je te le promets. »

Mais les semaines devinrent des mois, et la situation ne fit quempirer.

Une voiture qui passa la tira de sa rêverie. Élodie reprit conscience et pressa le pas. Elle était presque arrivée.

Sans remarquer comment elle avait atteint lentrée, elle se précipita dans lascenseur et posa son front contre le mur froid.
« Tout ira bien, chuchota-t-elle. Juste quelques jours »

Quand les portes souvrirent, Élodie entendit quelque chose qui lui glaça le sangdes pleurs désespérés denfant. Cétait la voix de Camille.

Elle courut vers lappartement. Ses mains tremblaient en essayant dinsérer la clé. Enfin, la porte céda.

Ce quelle vit la pétrifia.

Dans le salon se tenait Geneviève Dupont. Dans sa mainune ceinture, dont elle frappait la petite Camille. La fillette, recroquevillée, sanglotait dans un coin. Mathis tentait de protéger sa sœur, les larmes coulant sur son visage.

« Je vais tapprendre à ne pas toucher aux affaires de ta grand-mère ! » cria la belle-mère, levant la main pour un nouveau coup.

Élodie sentit son visage senflammer.
« Quest-ce que vous faites ?! » hurla-t-elle en se précipitant vers les enfants.

Geneviève se tourna, sans honte :
« Ah, te voilà enfin ! Ta fille a renversé du thé sur mon nouveau sacun modèle cher, je te signale !et en plus, elle a répondu ! »

Élodie serra ses enfants en larmes.
« Vous frappez ma fille ?! Vous avez perdu la raison ?! »

« Ne me dis pas comment élever les enfants ! rétorqua-t-elle. Jai élevé mon fils seule ! Je pourrais faire de toi une personne convenable si tu mécoutais ! »

En examinant Camille, Élodie vit les stries rouges laissées par la ceinture. Quelque chose céda en elle.

Elle écarta doucement les enfants et se redressa.
« Sortez de ma maison. »

Geneviève la regarda, sincèrement stupéfaite :
« Je ne pars pas ! Je suis venue voir mon fils et élever mes petits-enfants ! »

« Maman, dit Mathis dune voix tremblante, Mamie a frappé Camille parce quelle a renversé du thé par accident. Et puis Camille a dit que cétait mal de frapper les enfants, alors Mamie sest encore plus énervée »

« Silence ! » aboya Geneviève, mais Élodie sinterposa.

« Ne criez pas sur mon fils ! Vous avez frappé ma fille. Vous lauriez frappé, lui aussi, sil navait pas eu le réflexe de sécarter ! »

À ce moment, la porte dentrée souvrit. Thomas entra.
« Que se passe-t-il ici ? Pourquoi les enfants pleurent-ils ? »

Lexpression de Geneviève changea instantanément. Ses yeux semplirent de larmes.
« Mon fils, Élodie ma crié dessus ! Jai juste grondé Camille, et elle a monté toute une scène ! »

Le regard de Thomas se posa sur la ceinture dans sa main.
« Maman, quest-ce que cest ? »

« Je lai sortie de ton vieux cartable Je voulais nettoyer la boucle »

« Papa ! sanglota Camille. Mamie ma frappée avec cette ceinture parce que jai renversé du thé par accident ! »

Thomas sapprocha de sa fille et lui caressa le dos.
« Montre-moi où tu as mal, ma chérie »

Voyant les marques sur les jambes de lenfant, il se redressa lentement. Ses yeux habituellement doux devinrent durs.
« Maman, vous frappez mes enfants ? »

Il alla vers larmoire et louvrità lintérieur se trouvait une caméra de sécurité.
« Nous avons installé un système pour surveiller les enfants en notre absence. Je viens de voir lenregistrement. »

Geneviève pâlit.
« Thomas, voyons ! Tu sais combien jaime mes petits-enfants ! Cétait juste une petite correction De mon temps, on élevait les enfants comme çaet nous avons bien tourné ! »

« De votre temps, répéta-t-il dune voix glaciale, les enfants ne devaient pas avoir peur de leurs grands-mères. De votre temps, les adultes apprenaient à parler aux enfants, pas à les frapper. »

« Cest ça, la parentalité moderne ! Les enfants vous marchent dessus ! Et toi, Thomas, tu es sous la coupe de ta femme ! Je suis venue pour taider, tu sais ! Jai une opération dans une semaineje pensais que tu pourrais peut-être rester avec moi »

« Quelle opération ? » sinquiéta-t-il.

« Une opération sérieuse, soupira-t-elle dun air entendu. Les médecins disent quil faut enlever quelque chose »
« Quoi exactement, Maman ? »
« Peu importe ! Ce qui compte, cest que jai besoin de soutien ! Je pensais peut-être que tu pourrais venir chez moi quelque temps ? La maison est grande Et Élodie peut rester ici si elle veut. »

Thomas secoua la tête :
« Maman, est-ce pour ça que vous êtes venue ? Pour essayer encore de briser ma famille ? »

La sonnette retentit. Un homme aux cheveux gris et au regard bienveillant entraJean-Louis Moreau, le père dÉlodie.

« Bonjour, dit-il en regardant autour de lui. Je passais voir les petits Que se passe-t-il ici ? »

Les enfants coururent vers leur grand-père.
« Papi ! Mamie Geneviève ma frappée avec une ceinture ! » sanglota Camille.

« Ne vous mêlez pas de ça ! » siffla Geneviève. « Cest une affaire de famille ! »

« Quand quelquun fait du mal à mes petits-enfants, déclara Jean-Louis avec fermeté, cest aussi mon affaire. »

Il suggéra à tous de sasseoir.
« Parlons comme des adultes. Geneviève, asseyez-vous, je vous prie. »

Quelque chose dans son ton la fit obéir.

« Vous savez, commença-t-il, quand ma Élodie sest mariée, je nétais pas ravi non plus. Je trouvais Thomas trop citadin pour notre fille de campagne Mais je leur ai donné une chance, et jai vu à quel point ils saimaient. »

Il se tourna vers la belle-mère :
« Et vous, vous essayez de contrôler la vie de votre fils, de le garder pour vouset vous ne faites que léloigner. Et maintenant, vous retournez les petits-enfants contre vous. »

« Quen savez-vous ?! senflamma-t-elle. Jai élevé mon fils seule ! Mon mari est mort tôttout est retombé sur moi ! »

« Et vous avez peur de finir seule, dit-il doucement. Cest pour ça que vous avez inventé cette histoire dopération »

Geneviève baissa les épaules.
« Juste un petit examen Mais jai vraiment peur »

« Maman, dit Thomas en sapprochant. Si vous avez besoin daide, vous naviez quà demander. Pourquoi mentir ? Pourquoi essayer de détruire ce qui mest cher ? »

« Je ne voulais pas balbutia-t-elle. Cest juste quand je vous vois heureux sans moi, jai limpression que vous navez plus besoin de moi »

« Vous êtes ma mère, affirma-t-il fermement. Bien sûr que jai besoin de vous. Mais pas comme çaen colère, essayant de diriger ma vie. Jai besoin de vous comme ma mère, qui respecte mes choix et aime mes enfants. »

« Je ne sais pas comment être autrement » chuchota-t-elle.

« Essayez, suggéra Jean-Louis. Commencez par vous excuser auprès des petits. Les enfants savent pardonner quand ils voient de la sincérité. »

Difficilement, Geneviève leva les yeux :
« Pardonnez votre grand-mère Je Jai eu tort. »

À sa surprise, Camille hocha la tête :
« Daccord mais ne le refaites plus. Ça fait mal. »

« Je ne le ferai plus », promit-elle.

Jean-Louis sortit une bouteille de compote maison de son sac.
« Maintenant, dînons ensemble. Jai une tarte aux pommes dans la voiturespécialement pour les petits. »

Plus tard, autour de la table, latmosphère était encore tendue, mais moins hostile. Geneviève observait silencieusement Élodie couper délicatement la tarte, et Thomas plaisanter avec les enfants.

Après le dîner, Jean-Louis proposa :
« Geneviève, je pense quil vaut mieux que vous veniez chez moi ce soir. Jai de la place. Le temps que les choses se calment, inutile de précipiter les choses. »

Elle accepta, contre toute attente.

En partant, Camille tira la manche de sa grand-mère :
« Vous ne vous disputerez plus vraiment ? »
« Vraiment. »
« Alors vous viendrez à mon spectacle ? Je joue un flocon de neige à lécole »

Quelque chose brilla dans les yeux de Geneviève.
« Merci Si tes parents sont daccord, jaimerais venir. »

Un mois passa. Les premières gelées dhiver enveloppèrent la terre.

Aujourdhui était un rendez-vous importantle premier depuis lincident. Sur la suggestion de Jean-Louis, ils sétaient réunis chez lui. Geneviève avait accepté les conditions : pas de conseils non sollicités, pas de manipulation, et aucune critique envers Élodie.

« Tu es prête ? » Thomas passa un bras autour des épaules de sa femme.
« Je ne sais pas mais je vais essayer. »

En arrivant, la belle-mère était déjà là. Elle portait une robe bleue simplepas la tenue tape-à-lœil dont elle se servait autrefois pour éclipser sa belle-fille.

Pendant le déjeuner, ils parlèrent de sujets neutres. Ensuite, Jean-Louis emmena les enfants leur montrer sa collection de pièces, laissant les adultes seuls.

« Je vois un psychologue, déclara soudain Geneviève. Sur les conseils de Jean-Louis Ça ma aidée à comprendre beaucoup de choses. »

Elle regarda Élodie :
« Jai été odieuse toutes ces années Et ce que jai fait à Camille il ny a pas dexcuse. Je je croyais perdre tout ce qui comptait pour moi. Et au lieu de comprendre pourquoi, jai tout détruit encore plus. »

Pour la première fois, Élodie vit non pas une femme autoritaire, mais une personne seule, effrayée de se retrouver complètement isolée.

« Geneviève, dit-elle lentement. Je ne peux pas dire que tout est oublié mais je suis prête à recommencer. Pour Thomas. Pour les enfants. »

« Merci » des larmes scintillèrent dans les yeux de la belle-mère. « Cest plus que je ne mérite. »

Camille courut dans la pièce avec une petite boîte :
« Papi ma donné une pièce porte-bonheur ! Vous voulez voir ? »

Geneviève la prit délicatement, comme si elle craignait que la fillette change davis.
« Elle est très jolie Merci de me lavoir montrée. »

Quand la famille se prépara à partir, la belle-mère sapprocha dÉlodie :
« Tu sais Jai toujours pensé que Thomas avait fait le mauvais choix. Mais maintenant, je voisje me trompais. Il a choisi une femme forte. Comme jaurais aimé lêtre. »

« Vous êtes forte aussi, répondit Élodie. Juste différemment. »

Cette nuit-là, après avoir couché les enfants, Élodie resta longtemps à la fenêtre, regardant la neige tomber. Elle ne savait pas comment évoluerait leur relation avec Geneviève. Mais pour la première fois depuis longtemps, elle sentit de lespoir.

Et Geneviève, rentrée chez elle, sortit un vieil album photo. Sur une photo jaunie, le petit Thomas souriait, assis sur ses genoux.

« Je vais essayer dêtre meilleure » se promit-elle. « Pour mon fils. Pour mes petits-enfants. Et peut-être même pour moi. »

Le chemin de la réconciliation ne faisait que commencer. Mais la premièreet plus difficileétape avait été franchie.

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