Un jour, Alice revint chez son ex pour récupérer ses affaires et trouva sa sœur en peignoir.
Quest-ce que tu connais de lamour ? Trois mois de restaurants, des fleurs, et puis plus rien, comme si tout navait jamais existé ! murmura-t-elle, son téléphone glissant presque de ses mains moites démotion.
Écoute, je ne tai jamais promis léternité. On sest amusés, cest tout, répondit Théo dun ton si calme quil la fit bouillir davantage.
Amusés ? Alice exhala, essayant de maîtriser le tremblement de sa voix. Parfait. Alors je viendrai demain chercher mes affaires. Et tu ne me reverras plus.
Demain, cest compliqué. Je suis occupé.
Occupé à quoi ? À séduire une autre idiote ?
Alice, ne commence pas. Je serai libre après vingt heures.
Non. Je viendrai à midi. Peu importe tes occupations. Cela prendra dix minutes, et tu pourras reprendre ta belle vie sans moi.
Elle raccrocha avant quil ne réponde, lançant son téléphone sur le canapé avant de sy effondrer, le visage entre ses mains. Les larmes quelle retenait depuis une semaine jaillirent enfin. Pourquoi toujours la même histoire ? Pourquoi choisissait-elle des hommes qui la traitaient comme un divertissement passager ?
Un léger coup frappé à la porte.
Alice, ça va ? Sa mère entra, une tasse de thé à la main.
Tout va bien. Elle essuya discrètement ses larmes. Je suis juste fatiguée.
Sa mère posa la tasse et sassit près delle, lentourant de son bras.
Jai tout entendu. Encore Théo ?
Alice hocha la tête, incapable de parler.
Ma chérie, combien de temps vas-tu souffrir pour un homme qui ne te mérite pas ?
Je ne souffre pas, rétorqua-t-elle. Je veux juste récupérer mes affaires et tourner la page.
Quest-ce qui reste là-bas ? Des livres, un pull ?
Mon parfum préféré, deux chemisiers et lalbum photo de grand-mère. Je ne peux pas les abandonner.
Sa mère soupira et caressa ses cheveux.
Veux-tu que jy aille ? Ou bien Claire ?
Au nom de sa sœur aînée, Alice fronça les sourcils.
Non, surtout pas Claire ! Je ne lui parle plus en ce moment.
Mon Dieu, encore une dispute ? Pourquoi cette fois-ci ?
Elle croit toujours savoir mieux que moi. Elle disait que Théo était superficiel, que je perdais mon temps. Elle doit être ravie davoir eu raison !
Elle ne pense quà ton bien, murmura sa mère.
Alice secoua la tête. Claire était parfaite en tout : première de classe, diplôme universitaire avec mention, carrière brillante, mari idéal. Facile pour elle de donner des leçons. À trente-deux ans, Alice navait quun cœur brisé, un logement en location et un travail quelle détestait.
Jirai seule, affirma-t-elle. Et on tournera cette page.
Le lendemain matin, Alice se réveilla avec un mal de tête. Elle avait mal dormi, ruminant sa rencontre avec Théo. Elle voulait être impeccable quil regrette de lavoir perdue. Elle se maquilla soigneusement, enfila une robe neuve et des escarpins.
Dans le taxi, elle répéta mentalement ce quelle dirait. Froide, digne. Aucune larme, aucun reproche. Elle prendrait ses affaires et partirait la tête haute.
Limmeuble de Théo était silencieux. Alice monta par lascenseur au septième étage, sarrêtant devant sa porte. Son cœur battait si fort quelle craignait quon lentende. Elle inspira profondément et sonna.
Silence. Peut-être était-il parti ? Elle sonna à nouveau, plus longtemps. Des pas résonnèrent derrière la porte, et elle se redressa, prête à laffronter.
La porte souvrit. Alice resta bouche bée. Sur le seuil se tenait Claire, sa sœur aînée. En peignoir, les cheveux encore humides, lair déconcertée.
Alice ? fit-elle en reculant. Que fais-tu ici ?
Alice fut incapable de parler. Des pensées incohérentes tourbillonnaient dans sa tête.
Et toi ? finit-elle par lâcher. En peignoir. Chez mon ex.
Claire passa une main sur son visage.
Écoute, ce nest pas ce que tu crois
Qui est là, Claire ? Théo apparut, boutonnant sa chemise. En voyant Alice, il sarrêta, mi-surpris, mi-agaçé.
Ah, cest toi. Javais dit après vingt heures.
Alice regarda alternativement Théo et Claire. Quelque chose se brisa en elle.
Vous vous êtes ensemble ? Sa voix tremblait. Ma sœur et mon ex ?
Claire savança.
Alice, parlons ailleurs. Pas ici
Parler ? De quoi ? De comment vous vous moquiez de moi dans mon dos ? Alice sentit une nausée monter. Depuis quand ? Quand on était encore ensemble ?
Théo soupira et croisa les bras.
Rien ne sest passé entre nous pendant que tu étais avec moi. Nous nous sommes revus après
Revus ? Alice éclata dun rire amer. Et vous avez fini au lit par hasard ?
Arrête, dit fermement Claire. Tu te fais des idées.
Quest-ce que je suis supposée penser ? Alice haussa la voix. Explique-moi comment interpréter ma sœur en peignoir chez lhomme avec qui jétais encore
Elle ne put finir. Sa gorge se serra. Elle fit demi-tour et courut vers lascenseur, appuyant furieusement sur le bouton.
Alice, attends ! Claire la suivit, retenant son peignoir. Laisse-moi texpliquer !
Ne mapproche pas ! Alice recula. Jai vu de mes propres yeux. Quelles explications veux-tu donner ?
Les portes de lascenseur souvrirent. Elle y sauta, pressant le bouton de létage. La dernière image quelle eut fut celle de Claire, désemparée, et Théo, posant une main sur son épaule.
Dehors, le soleil brillait, ironique. Elle marcha sans but, bousculant des passants. Son téléphone vibrait dans son sac Claire, sans doute. Elle navait aucune envie de répondre. Jamais.
Elle entra dans un café et commanda un espresso quelle ne boirait pas. Ses mains tremblaient tant quelle les coinça entre ses genoux.
La serveuse posa la tasse et la regarda avec compassion.
Tout va bien ?
Oui, merci. Alice força un sourire. Juste une mauvaise nuit.
Seule, elle fixa son café, observant les cercles formés par ses mains tremblantes. Comment était-ce possible ? Claire, toujours parfaite, modèle de vertu, celle qui lui faisait la morale sur les hommes. Et maintenant, avec Théo ?
Son téléphone sonna de nouveau. Elle allait léteindre, mais vit le nom de sa mère. Elle répondit.
Alice ? Sa mère semblait inquiète. Que se passe-t-il ? Claire ma appelée en pleurs
Quest-ce quelle ta dit ? linterrompit Alice.
Que vous vous êtes disputées à cause dun malentendu. Que tu as mal interprété
Un malentendu ? Alice faillit crier. Jai trouvé ma sœur en peignoir chez Théo ! Quel malentendu ?
Un silence sensuivit.
Maman, tu mentends ?
Oui. Ta sœur a dit quelle taidait.
Maider ? Alice éclata de rire, attirant les regards. De quelle manière ?
Je ne sais pas. Elle veut que tu lécoutes. Que ce nest pas ce que tu crois.
Alice secoua la tête.
Je ne veux rien entendre. Ne me rappelle pas pour ça.
Elle raccrocha et éteignit son téléphone. Elle paya son café intact et partit.
Rentrer chez elle ? Sa mère lattendrait sûrement, prête à jouer les médiatrices. Ou pire, Claire. Alice alla chez son amie Sophie, celle qui avait toujours dit : « Je naime pas ce Théo, il a lair faux. »
Sophie laccueillit à bras ouverts.
Mon Dieu, tu es livide ! Que sest-il passé ?
Alice raconta tout, entrecoupant son récit de sanglots. Sophie lécouta sans linterrompre.
Je narrive pas à y croire. Claire elle était toujours si droite.
Sophie remua son thé pensivement.
Peut-être y a-t-il une explication ? Ça ne lui ressemble pas.
Tu prends son parti ? senflamma Alice. Je lai vue !
Je ne prends aucun parti. Mais écoute-la avant de juger.
Alice refusa. Elle passa la nuit chez Sophie, incapable daffronter sa famille. Le lendemain, elle alluma son téléphone pour prévenir son travail. Des dizaines dappels manqués de Claire, quelques-uns de sa mère, et un message de Théo.
*Alice, tu te trompes. Ta sœur est venue pour taider. Laisse-la texpliquer.*
Elle effaça le message sans le finir. Quelle histoire avaient-ils inventée ?
Elle ne se rendit pas au travail, prétextant des problèmes familiaux. Toute la journée, elle regarda de vieux films chez Sophie, essayant de ne pas penser à ce quelle avait vu : Claire en peignoir, Théo boutonnant sa chemise
Le soir, on frappa à la porte. Sophie alla ouvrir. Alice entendit une voix familière.
Bonjour. Alice est là ? Je dois lui parler.
Claire. Sophie regarda Alice, qui secoua la tête.
Désolée, elle ne veut pas parler pour le moment.
Sil te plaît. Cest important. Elle doit savoir la vérité.
La vérité ? Alice sapprocha. Jai vu la vérité de mes yeux !
Claire était sur le seuil, pâle, les yeux rougis. Loin de la sœur sûre delle quAlice connaissait.
Je peux entrer ? demanda-t-elle doucement.
Alice voulut refuser, mais Sophie sécarta déjà. Elles sassirent dans le salon, Claire tripotant nerveusement la lanière de son sac.
Je vais tout expliquer. Écoute-moi jusquau bout.
Alice croisa les bras.
Vas-y.
Je ne sors pas avec Théo. Je ne lai jamais fait.
Alors que faisais-tu chez lui ? En peignoir ?
Claire inspira profondément.
Je suis venue chercher tes affaires.
Quoi ? Alice ricana. Et pour ça, tu as pris une douche et enfilé son peignoir ?
Non. Le tien. Tu te souviens de ce peignoir en soie bleu ciel, celui que tes collègues tavaient offert ? Tu lavais laissé chez Théo.
Alice se souvint effectivement de ce peignoir.
Ça nexplique pas pourquoi tu étais mouillée.
Claire baissa les yeux.
Parce que Théo ma renversé son café dessus.
Quoi ?
Je suis allée le voir hier soir. Après que tu as dit à maman que tu irais chercher tes affaires. Je voulais lui parler. Comprendre ce qui sétait vraiment passé entre vous.
Pourquoi ? rétorqua Alice. Ça ne te regardait pas.
Parce que tu es ma sœur, répondit simplement Claire. Et je te voyais souffrir.
Elle marqua une pause.
Quand je suis arrivée, Théo ne voulait pas me laisser entrer. Mais jai insisté. Nous avons discuté dans la cuisine. Il a dit que votre relation navait pas de futur, quil nétait pas prêt
Rien de nouveau, coupa Alice.
Attends. Puis je lui ai dit que je voulais prendre tes affaires. Que ce serait trop dur pour toi de le revoir. Il a accepté, mais en cherchant tes affaires, il a renversé son café sur moi.
Alice la regarda avec scepticisme.
Et tu es restée dormir ?
Non ! Théo ma proposé de me doucher et ma donné ton peignoir en attendant que mes vêtements sèchent. Il les a lavés. Je sortais de la douche quand tu es arrivée.
Et pourquoi nétait-il pas habillé ?
Il venait de se réveiller. Il avait mal dormi.
Alice se renversa dans son fauteuil, digérant ces explications. Lhistoire semblait invraisemblable, et pourtant Claire ne lui avait jamais menti.
Et tu veux que je te croie ?
Je sais ce que ça ressemble. Mais cest la vérité. Je ne taurais jamais trahie.
Claire sortit un sac de son sac à main.
Voilà tes affaires. Ton parfum, tes chemisiers, lalbum photo. Et ton peignoir.
Alice regarda le sac, puis le visage de Claire. Dans ses yeux, une douleur sincère.
Pourquoi ne mas-tu rien dit ?
Parce que tu aurais refusé. Tu es trop fière pour admettre ta peine. Je voulais tépargner cette rencontre.
Alice sentit une boule dans sa gorge. Elle avait cru le pire de sa sœur, qui ne cherchait quà laider.
Je je ne sais pas quoi dire.
Dis que tu me crois. Parce que cest vrai. Je ne te ferais jamais de mal.
Un silence. La colère, la déception fondaient, remplacées par la honte.
Pourquoi ne mas-tu pas expliqué tout de suite ?
Jai essayé ! Mais tu es partie sans mécouter.
Cétait vrai. Alice se souvint de Claire criant : *Laisse-moi texpliquer !* Mais elle navait pas voulu entendre.
Pardon. Jaurais dû técouter.
Claire se mit à pleurer. Alice sassit près delle et la serra dans ses bras.
Quas-tu dit à Théo ? demanda-t-elle plus tard.
La vérité, sourit Claire. Quil est un idiot de tavoir laissée partir. Et quil le regrettera.
Alice sourit malgré elle.
Et il a répondu quoi ?
Rien de cohérent. Je crois quil avait peur que la grande sœur vienne défendre la petite.
Elles rirent, libérant la tension des derniers jours. Sophie séloigna discrètement.
Tu sais, dit Alice, jai toujours cru que tu étais parfaite. Que tout était facile pour toi. Tandis que moi
Claire secoua la tête.
Ce nest pas vrai. Jai fait des erreurs, moi aussi.
Comme quoi ?
Comme quand jai failli divorcer lannée dernière.
Quoi ? Vous êtes le couple parfait !
Personne ne lest, sourit Claire. Nous traversions une période difficile. Nous parlions à peine.
Pourquoi ne men as-tu pas parlé ?
Javais honte. Après tous les conseils que je tai donnés
Quest-ce qui a changé ?
Nous avons recommencé à parler. Honnêtement. De nos peurs, de nos désirs. Cétait difficile, mais essentiel.
Elles parlèrent jusquà tard dans la nuit. Claire resta dormir chez Sophie. Le lendemain, elles rentrèrent chez leur mère, qui les serra contre elle.
Mon Dieu, je croyais ne plus avoir à vous réconcilier. Vous êtes adultes !
Jamais assez pour ne pas avoir besoin de toi, maman, sourit Alice.
Plus tard, assise à la cuisine, Alice sortit ses affaires du sac. Tout y était : le parfum, les chemisiers, lalbum. Et le peignoir bleu ciel.
Tu sais, dit Claire, cest peut-être mieux ainsi. Maintenant, tu sais que Théo ne mérite pas tes larmes.
Alice hocha la tête.
Et que jai une sœur qui viendra toujours à mon secours. Même si je me comporte comme une idiote.
Surtout dans ce cas, rit Claire.
Alice sourit. La vie avait détranges façons de donner des leçons. Elle était partie récupérer ses affaires chez son ex, et avait retrouvé quelque chose de bien plus précieux : sa sœur.







