**Le Rêve Étrange dÉlodie**
Élodie arriva chez son ex pour récupérer ses affaires et trouva sa sœur en peignoir.
Quest-ce que tu connais de lamour ? Trois mois à memmener au restaurant, à moffrir des fleurs, puis tu disparais comme si tout cela navait jamais existé ! Son téléphone glissa presque de sa main moite démotion.
Écoute, je ne tai jamais promis léternité. On sest amusés, cest tout, répondit Antoine dune voix calme qui lagaçait encore plus.
On sest *amusés* ? Élodie retint un tremblement dans sa voix. Parfait. Formidable. Je vais venir demain récupérer mes affaires. Et tu ne me reverras plus.
Demain, ce nest pas possible. Je suis occupé.
Occupé à quoi ? Un rendez-vous avec une autre idiote ?
Élodie, ne commence pas. Viens après vingt heures.
Non. Je viens à midi. Tes occupations ne mintéressent pas. Cela prendra dix minutes, et tu pourras continuer ta vie sans moi.
Elle raccrocha sans attendre, jeta son téléphone sur le canapé et enfouit son visage dans ses mains. Les larmes quelle retenait depuis une semaine jaillirent enfin. Pourquoi tombait-elle toujours sur des hommes qui la traitaient comme une distraction temporaire ?
Un coup discret à la porte.
Élodie, ça va ? Sa mère apparut avec une tasse de thé.
Tout va bien. Elle essuya ses larmes. Juste fatiguée.
Sa mère sassit près delle.
Cest encore Antoine ?
Élodie acquiesça, incapable de parler.
Ma chérie, combien de temps vas-tu souffrir pour quelquun qui ne te mérite pas ?
Je ne souffre pas. Je veux juste récupérer mes affaires et tourner la page.
Quest-ce quil te reste là-bas ? Quelques livres, un pull ?
Mon parfum préféré, deux chemisiers et lalbum photo de mamie. Je ne peux pas les laisser là.
Sa mère soupira.
Veux-tu que jy aille ? Ou bien que Sophie sen charge ?
Au nom de sa sœur aînée, Élodie fronça les sourcils.
Non, surtout pas Sophie ! On ne se parle plus en ce moment.
Mon Dieu, encore une dispute ? Pourquoi cette fois-ci ?
Elle pense toujours savoir mieux que moi. Elle ma dit quAntoine était creux et que je perdais mon temps. Elle doit être ravie davoir eu raison !
Elle le dit par amour, murmura sa mère.
Élodie secoua la tête. Sophie était parfaite en tout : première de classe, diplôme universitaire avec mention, carrière brillante, mari idéal. Facile pour elle de donner des conseils. Tandis quÉlodie, à trente-deux ans, avait un cœur brisé, un appartement en location et un travail quelle détestait.
Jirai seule, dit-elle fermement. Et je tournerai la page.
Le lendemain, Élodie se réveilla avec un mal de tête. Elle navait pas dormi, répétant mentalement la confrontation à venir. Elle se maquilla soigneusement, enfila une robe neuve et des escarpins.
Dans le taxi, elle répéta son discours. Elle serait froide et digne. Pas de larmes, pas de reproches. Elle prendrait ses affaires et partirait, la tête haute.
Limmeuble dAntoine était silencieux. Elle monta par lascenseur jusquau septième étage, son cœur battant à lidée de son ex. Elle sonna.
Personne ne répondit. Peut-être était-il parti pour ses « occupations » ? Elle sonna à nouveau, plus longtemps. Des pas résonnèrent derrière la porte.
La porte souvrit. Élodie resta bouche bée.
Sophie, sa sœur aînée, se tenait sur le seuil. En peignoir, les cheveux encore humides, le visage étonné.
Élodie ? Quest-ce que tu fais ici ?
Élodie ne trouva pas ses mots.
Et toi ? Dans le peignoir. Chez mon ex.
Sophie passa une main sur son visage.
Écoute, ce nest pas ce que tu crois…
Qui cest, Sophie ? Antoine apparut, en train de boutonner sa chemise. En voyant Élodie, il sarrêta, mi-surpris, mi-agaçé.
Ah, cest toi. Je tai dit après vingt heures.
Élodie regarda alternativement Antoine et Sophie. Quelque chose se brisa en elle.
Vous… vous êtes ensemble ? Ma sœur et mon ex ?
Sophie savança.
Élodie, parlons ailleurs. Pas ici.
Parler ? De quoi ? De comment vous vous moquiez de moi dans mon dos ? Sa voix tremblait. Depuis combien de temps ? Quand nous étions encore ensemble ?
Antoine croisa les bras.
Rien ne sest passé entre nous quand tu étais là. Sophie et moi, on sest revus après…
Revus par *hasard* ? Élodie rit amèrement. Et le peignoir, cétait aussi un hasard ?
Arrête, dit Sophie fermement. Tu ne comprends pas.
Alors explique-moi. Explique comment ma propre sœur se trouve chez mon ex, en peignoir !
Elle ne put continuer. Sa gorge se serra. Elle se retourna et courut vers lascenseur, appuyant frénétiquement sur le bouton.
Élodie, attends ! Sophie la suivit dans le couloir, retenant son peignoir. Laisse-moi texpliquer !
Ne mapproche pas ! Je lai vu de mes propres yeux. Quest-ce que tu pourrais ajouter ?
Les portes de lascenseur se refermèrent sur le visage effaré de Sophie et celui dAntoine, qui posa une main sur lépaule de sa sœur.
Dehors, le soleil brillait, ironique. Élodie erra dans les rues, bousculant les passants. Son téléphone vibrait dans son sac Sophie, sans doute. Elle navait aucune envie de répondre. Jamais.
Elle entra dans un café et commanda un espresso quelle ne boirait pas. Elle avait juste besoin de sasseoir pour ne pas seffondrer.
La serveuse lui jeta un regard compatissant.
Tout va bien, madame ?
Oui, merci. Juste une mauvaise nuit.
Seule, elle fixa la tasse, observant les cercles tremblants à la surface. Comment était-ce possible ? Sophie, toujours si parfaite, si droite, celle qui lui faisait la morale sur les hommes et les relations. Et maintenant, elle était avec… Antoine ?
Son téléphone sonna à nouveau. Sa mère. Elle hésita, puis décrocha.
Élodie ? Quest-ce qui se passe ? Sophie ma appelée en pleurs…
Quest-ce quelle ta dit ?
Que vous vous êtes disputées à cause dun malentendu. Que tu nas pas compris…
Un malentendu ? Jai trouvé ma sœur en peignoir chez Antoine ! Quel malentendu ?
Un silence à lautre bout du fil.
Maman, tu mentends ?
Oui. Sophie a dit quelle taidait.
Maider ? Élodie éclata dun rire amer. De quelle manière ?
Je ne sais pas. Elle veut texpliquer.
Je ne veux rien entendre. Ne mappelle plus pour ça.
Elle raccrocha et éteignit son téléphone. Elle ne voulait pas rentrer chez elle, où sa mère ou Sophie lattendraient. Elle décida daller chez son amie Camille, celle qui avait toujours dit : « Je naime pas ce Antoine, il a quelque chose de faux. »
Camille laccueillit à bras ouverts.
Mon Dieu, tu es livide ! Que sest-il passé ?
Élodie raconta tout, entre sanglots et silences. Camille écouta sans linterrompre.
Je narrive pas à y croire, termina Élodie. Sophie, toujours si morale… et maintenant ça ?
Camille réfléchit.
Et si cétait vrai ? Si elle avait une explication ?
Toi aussi, tu prends son parti ? Jai vu de mes propres yeux !
Je ne prends aucun parti. Mais écoute-la. Si cest ce que tu penses, tu auras toujours le temps de rompre.
Élodie secoua la tête.
Je ne veux rien entendre. Ni la voir.
Elle passa la nuit chez Camille, incapable de rentrer. Le lendemain, elle alluma son téléphone pour prévenir son travail. Des dizaines dappels manqués de Sophie, quelques-uns de sa mère, et… un message dAntoine.
*« Élodie, tu te trompes. Sophie voulait taider. Laisse-la texpliquer. »*
Elle effaça le message. Quelle histoire avaient-ils inventée ?
Elle ne se rendit pas au travail, prétextant des raisons familiales. La journée sétira, ponctuée de films et de silences. Mais son esprit revenait sans cesse à limage : Sophie en peignoir, les cheveux mouillés, Antoine boutonnant sa chemise…
Le soir, on sonna à la porte. Camille alla ouvrir.
Bonjour. Élodie est là ? Je dois lui parler.
Sophie. Camille regarda Élodie, qui fit non de la tête.
Désolée, mais elle ne veut pas parler pour linstant.
Sil vous plaît, insista Sophie, la voix tremblante. Cest important. Elle doit connaître la vérité.
La vérité ? Élodie sapprocha. Jai vu de mes propres yeux !
Sophie était pâle, les yeux rougis.
Je peux entrer ?
Élodie voulut refuser, mais Camille sécarta déjà.
Dans le salon, Sophie sassit, nerveuse.
Je vais tout texpliquer. Écoute-moi jusquau bout.
Élodie croisa les bras.
Vas-y.
Je ne suis pas avec Antoine. Et je ne lai jamais été.
Alors pourquoi étais-tu chez lui ? En peignoir ?
Sophie respira profondément.
Je suis venue récupérer tes affaires.
Quoi ? Et pour ça, tu as pris une douche et enfilé son peignoir ?
Pas le sien. Le tien. Tu te souviens de ce peignoir en soie bleu clair, avec les oiseaux brodés ?
Élodie se souvint. Un cadeau de ses collègues.
Ça nexplique pas pourquoi tu étais mouillée.
Sophie baissa les yeux.
Antoine ma renversé son café dessus.
Quoi ?
Je suis allée le voir hier soir. Après que tu as dit à maman que tu irais chercher tes affaires. Je voulais comprendre ce qui sétait passé entre vous.
Pourquoi ? Cest quoi ton problème ?
Parce que tu es ma sœur. Et je te voyais souffrir.
Elle marqua une pause.
Il ne voulait pas me laisser entrer, mais jai insisté. On a parlé dans la cuisine. Il a dit que vous nétiez pas faits lun pour lautre, quil ne voulait pas de relations sérieuses…
Rien de nouveau, coupa Élodie.
Attends. Ensuite, jai dit que je prendrais tes affaires pour toi. Il a accepté, mais en cherchant tes choses, il a renversé son café sur moi.
Élodie la dévisagea, incrédule.
Et tu es restée la nuit ?
Non ! Antoine ma proposé de me doucher et ma donné ton peignoir en attendant que mes vêtements sèchent. Il les a lavés et mis sur le radiateur. Jai enfilé le peignoir, et cest là que tu es arrivée.
Et pourquoi il nétait pas habillé ?
Il venait de se lever. Il avait mal dormi.
Élodie réfléchit. Lhistoire semblait invraisemblable, mais… cela ressemblait à la vérité. Sophie ne lui avait jamais menti.
Tu veux que je te croie ?
Je sais ce que ça semble être, murmura Sophie. Mais cest la vérité. Je ne taurais jamais trahie. Jamais.
Elle sortit un sac.
Voilà tes affaires. Ton parfum, tes chemisiers, lalbum photo. Et ton peignoir. Tout ce que tu avais laissé.
Élodie regarda le sac, puis le visage de sa sœur. Ses yeux étaient pleins dune douleur sincère.
Pourquoi tu ne mas pas dit que tu allais le voir ?
Parce que tu aurais refusé. Tu es trop fière. Je voulais téviter cette souffrance.
Élodie sentit une boule dans sa gorge. Elle avait pensé le pire de sa sœur, qui navait voulu que laider.
Je… je ne sais pas quoi dire.
Dis-moi que tu me crois.
Élodie se tut, mais sa colère fondait peu à peu.
Pourquoi tu ne mas pas expliqué tout de suite ?
Jai essayé ! Mais tu as couru sans mécouter.
Cétait vrai. Élodie se souvint de Sophie criant : « Laisse-moi texpliquer ! » Mais elle avait refusé dentendre.
Pardon, murmura-t-elle. Jaurais dû técouter.
Sophie pleura de soulagement. Elles sembrassèrent, silencieuses.
Quest-ce que tu as dit à Antoine ? demanda Élodie enfin.
La vérité. Quil était un idiot de te laisser partir. Et quil le regretterait un jour.
Élodie sourit.
Et il a répondu quoi ?
Rien de cohérent. Je crois quil avait peur que la grande sœur vienne défendre la petite.
Elles rirent ensemble, libérant la tension des derniers jours. Camille les laissa seules.
Tu sais, dit Élodie pensivement, jai toujours cru que tu étais parfaite. Que tout était facile pour toi. Et moi… je faisais toujours les mauvais choix.
Sophie secoua la tête.
Ce nest pas vrai. Moi aussi jai fait des erreurs. Je ne ten parlais juste pas.
Comme quoi ?
Serge et moi, on a failli divorcer lannée dernière.
Quoi ? Mais vous êtes le couple parfait !
Personne nest parfait. On traversait une mauvaise passe. Il travaillait trop, je me sentais seule. On ne se parlait plus.
Pourquoi tu ne mas rien dit ?
Javais honte. Je te donnais des conseils sur les relations, et je perdais les miennes.
Quest-ce qui a changé ?
On a recommencé à parler. Honnêtement. De ce quon ressentait, de nos peurs. Cest le plus difficile, et le plus important.
Elles parlèrent jusquà tard dans la nuit. Sophie resta dormir avec Élodie. Le lendemain, elles rentrèrent ensemble, retrouvant leur mère inquiète.
Mon Dieu, je croyais en avoir fini avec vos disputes ! Vous êtes pourtant adultes !
On ne sera jamais assez adultes pour ne plus avoir besoin de toi, maman, sourit Élodie en lembrassant.
Plus tard, en sirotant un thé, Élodie sortit ses affaires du sac. Tout y était : le parfum, les chemisiers, lalbum photo. Et le peignoir, bleu clair, avec ses oiseaux brodés.
Tu sais, dit Sophie, cest peut-être mieux ainsi. Au moins, tu es sûre quAntoine ne vaut pas tes larmes.
Élodie hocha la tête.
Et que jai une sœur qui sera toujours là pour moi. Même quand je me comporterai comme une idiote.
*Surtout* quand tu te comporteras comme une idiote, rit Sophie.
Élodie sourit. La vie avait détranges façons de donner des leçons. Elle était partie récupérer ses affaires chez son ex, et avait trouvé quelque chose de bien plus précieux : une nouvelle complicité avec sa sœur. Peut-être était-ce le sens de toutes ces épreuves apprendre à valoriser ce qui compte vraiment.







