La jeune femme Lyuba Proskurina était hospitalisée.

**Journal intime Une nouvelle vie**

Jeune femme, Élodie Moreau était hospitalisée. Dabord pour une appendicite, puis des complications lavaient retenue. On ne la laissait pas partir. Mais pourquoi se presser ? En arrêt maladie, le travail pouvait attendre. Quant à moi, ma colocataire du foyer de lusine de textile, Aurélie, devait être ravie de profiter seule de son cher Julien, qui pouvait désormais rester jusquà laube.

Moi, je navais personne. Je navais pas la beauté blonde dAurélie, trop discrète pour mes vingt-six ans. Aurélie se marierait bientôt, et on me donnerait une nouvelle voisine. Le logement manquait à lusine, mais les ouvrières affluaient.

Je songe en regardant le ciel bleu par la fenêtre, jetant un coup dœil à ma voisine de chambre, Fernande. Elle dormait souvent, mais à son réveil, nous bavardions doucement. Je lui avais raconté ma solitude : mes parents morts, mon frère aîné ayant tout dilapidé, finissant en prison pour vol.

« Je suis seule, tante Fernande.
Pas de mari ? me demanda-t-elle, scrutant mon visage.
Jamais. Ma seule amie va se marier. Et vous, une famille ?
Bien sûr ! répondit-elle avec fierté. Pas de famille, mais mes garçons sont toujours là. Ils réparent, repeignent, blanchissent »

Elle raconta alors son histoire, qui me laissa perplexe. Elle vivait dans une vieille maison en banlieue parisienne, héritée de ses parents. Son mari était mort depuis longtemps, sans enfants. Par tendresse et désir de maternité, elle avait pris sous son aile les gamins du quartier.

« Je faisais des crêpes ou des tourtes aux pommes de terre. Ils accouraient, sasseyaient autour de la table, cinq ou six, dévorant tout. Leurs parents travaillaient à lusine toute la journée. Les petits restaient seuls.
Votre mari acceptait ?
Il ronchonnait, bien sûr. Mais les garçons remplissaient le tonneau deau, rangeaient le bois Alors il tolérait, soulagé des corvées.
Et maintenant ? Ils viennent encore ?
Bien sûr ! Avec leurs enfants parfois. Ils sont même venus me voir ici.

Je me souvins alors de visiteurs passés, que je navais pas remarqués.

« Je nen ai plus pour longtemps, ma fille, avoua-t-elle soudain. Il me reste deux gamins, Mathieu et Baptiste. Leurs parents travaillent des doubles shifts à lusine, ils errent seuls.
Vous les nourrissez ?
Plus que ça. Ils font leurs devoirs chez moi, maident. Sans moi, la rue les aurait avalés. »

Deux jours plus tard, des visiteurs arrivèrent : deux garçons dune dizaine dannées, suivis de leurs parents, un homme robuste boitant légèrement et une femme épuisée. Je sortis discrètement. À mon retour, Fernande dormait, une bouteille de lait ribot et des gâteaux sur la table de nuit.

Je me demandais doù lui venait cette force, année après année. Et moi, en serais-je capable ? Elle mavait aussi parlé dun certain Damien, dont les parents buvaient tant quil dormait parfois dehors. Elle le prenait chez elle. Son père lengueulait, disant quelle le gâtait.

« Mais que puis-je faire ? Il vient manger, il maide. Un jour, il a fixé une étagère, balayé Jétais trop fatiguée pour cuisiner. Il ma dit quil ne venait pas pour manger, mais pour aider. »

Fernande soupira : « Les garçons sont plus sensibles que bien des adultes. Pas égoïstes, pas durs. Ils sont juste seuls. »

Je me préparais à quitter lhôpital, mais Fernande ne se levait plus. Elle sinquiétait pour ses gamins. Un jour, un visiteur vint : un homme élégant, portant une mallette en cuir. Je voulus partir, mais Fernande marrêta.

« Élodie, voici Julien. Il a grandi sous mes yeux. Faites connaissance. »

Je me présentai timidement et sortis. Julien était charmant. Moi, pâle, trop mince après la maladie, les cheveux en bataille Il resta longtemps. En partant, il madressa un sourire : « Rétablissez-vous bien. Je reviendrai. »

Il revint le lendemain, déposant un jus sur ma table. Fernande dormait. Il partit, essuyant une larme.

Le soir, Fernande refusa son dîner. Elle me prit la main.

« Écoute bien. Julien est notaire. Lors de sa visite, jai fait une donation pour toi. Jai pris ton passeport dans le tiroir, pardonne-moi. Vis dans ma maison, ce nest pas un palace, mais cest mieux quun foyer. Promets-moi une chose : ne laisse pas les gamins.

Je restai pétrifiée.

« Il nen reste que trois : Mathieu, Baptiste et Damien. Surveille-les, pour quils ne finissent pas comme ton frère. Promets ?

Je fondis en larmes. « Je ne les laisserai pas. Mais restez encore avec nous »

Elle sendormit, un sourire aux lèvres.

Julien vint me chercher à lhôpital après son décès. Nous lenterrâmes ensemble. Puis il maida pour les formalités. Bientôt, jemménageai dans cette maison, cadeau inattendu.

Les enfants ne venaient pas. Mais Julien passait souvent. Un soir, il les amena. Depuis, ils étaient mes hôtes réguliers. Le soir, après le travail, je leur apportais des crêpes de la cantine. On regardait la télé, jouait au Monopoly. Ils repartaient joyeux.

Julien maidait aussi, marrangeant un paiement échelonné pour les frais de succession. Ma gratitude se transforma en sentiments tendres. Mais il restait distant.

Le père de Damien vint un jour, me remerciant bizarrement : « Ne le gâtez pas trop, il vous grimperait dessus. »

Voilà ma nouvelle vie. Une maison, un autre entourage. Aurélie sest mariée, son mari amena un ami, mais mon cœur était pris. Sans réciprocité, mais lespoir demeure.

Et chaque coin de cette maison me rappelle Fernande.

Je voudrais lui ressembler un peu. Alors je garde sa mémoire vive, cette femme simple et bonne. Elle ma légué bien plus quune maison : sa bonté, que je veux à mon tour offrir à ceux qui en ont besoin.

**Leçon** : Parfois, ceux qui ont le moins donnent le plus. Et un héritage nest pas toujours fait de pierres, mais de bienveillance à transmettre.

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