**Nina Pétrovna se souvient parfaitement du jour où elle a dû décider du destin d’un enfant qui n’était pas le sien. C’était un mercredi, son mari était rentré du travail plus tôt que d’habitude, sombre comme un ciel d’orage. Sans un mot, Victor lui a tendu une enveloppe…**

**Journal intime de Nina Dubois**

Je me souviens parfaitement de ce jour où jai dû décider du destin dun enfant qui nétait pas le mien. Cétait un mercredi, mon mari, Pierre, était rentré plus tôt du travail, le visage sombre comme un ciel dorage. Sans un mot, il ma tendu une enveloppe…

Quest-ce qui se passe ?
Claire nest plus. Sans mon accord, on ne peut pas placer Thomas à lorphelinat.

Je savais depuis avant notre mariage que Pierre avait un fils. Une histoire banale. Pendant son service militaire, il était tombé amoureux. À son retour, il avait emmené la jeune femme avec lui, ils avaient loué un petit appartement. Mais elle avait vite fait ses valises et était retournée dans sa région. Puis un télégramme était arrivé : *Félicitations, tu as un fils.* Ce qui navait pas marché entre eux, Pierre ne me lavait jamais raconté, et je navais pas insisté. À quoi bon ressasser le passé ?

Quand jétais enceinte de quatre mois, son ex était arrivée à limproviste avec Thomas, âgé dun an. Elle avait tout remis en question, voulait reprendre leur histoire. Pierre lavait mise à la porte, restant à mes côtés. Je ne lui en avais pas voulu : comment lui reprocher des choix faits avant notre rencontre ? Claire avait demandé une pension alimentaire, quil payait religieusement. Elle navait plus jamais donné signe de vie. Plus tard, nous avions appris quelle sétait remariée deux fois, et quelle navait pas survécu au deuxième divorceelle sétait suicidée.

À cette époque, nous avions déjà deux enfants : notre fils, Matthieu, un peu plus jeune que Thomas, et notre petite Élodie, qui venait de fêter son premier anniversaire. Nous avions décidé davoir un deuxième enfant après avoir acheté notre maison. Une vieille bâtisse en pierre, sans tout le confort moderne, mais avec quatre pièces. Un jardin, une petite remise, un potager Après des années dans un minuscule logement, cétait le bonheur absolu ! Matthieu avait couru partout pendant une semaine, fou de joie.

Élever un enfant qui nétait pas le mien Je ne my étais jamais préparée. Je navais vu ce garçon quune fois, sept ans plus tôt, et je ne savais rien de lui. Comment était-il ? Quavait-il vécu ? Cétait effrayant. Avec Matthieu, déjà un vrai diable, javais du mal à tenir le coup. Deux garçons du même âge Sentendraient-ils ? Pierre travaillait beaucoup, les enfants seraient entièrement sur mes épaules. Toutes ces pensées mont traversé lesprit en quelques secondes. Pierre, lui, restait silencieux, assis dans lentrée, le regard vide.

Mon cœur sest serréjai soudain imaginé ce que jaurais ressenti à sa place. Quaurais-je fait si le destin de lorphelin frappait à la porte de Matthieu, Dieu men garde ? Tout est devenu clair :
Pierre, bien sûr que nous le prendrons avec nous, il ny a pas à hésiter. Cest ton fils, et le frère de nos enfants. Si nous refusons, comment pourrions-nous vivre avec nous-mêmes ? Deux ou trois, quelle différence ? Nous nous en sortirons, nous lélèverons !

Un mois plus tard, Thomas est arrivé. Timide, réservé, obéissant. Rien à voir avec Matthieu, turbulent et bagarreur. Cette différence a sans doute sauvé la situation : ce grand frère inattendu ne cherchait pas à dominer, se contentant de suivre, et les garçons se sont vite entendus. Et puis, il y avait Élodiepetite, jolie, toujours de bonne humeur. Elle semblait aimer tout le monde.

À lautomne, Thomas a commencé le CP. Il travaillait bien, sa mère avait dû le préparer. Largent était serré, mais Pierre faisait son possible, et jai fini par reprendre le travail. Les enfants ont grandi, devenant de vrais petits aides à la maison. Bref, nous vivions en harmonie, sans jamais faire de différence entre eux.

Quand Thomas a intégré la fac, je suis tombée gravement malade. Jai passé des mois à lhôpital, subi une opération. Javais peur, mais je refusais de me laisser abattre : je pensais à mes enfants, encore si jeunes, et je me disais que je devais guérir pour eux. Je voulais les voir devenir des adultes heureux, et connaître un jour mes petits-enfants. Pierre, lui, na pas supporté lépreuve. Il sest mis à boire, de plus en plus.

À dix-huit ans, Thomas est devenu le pilier de la famille. Il a choisi les cours par correspondance et trouvé un travail. Cest lui qui ma le plus soutenue : il venait presque tous les jours à lhôpital, me lisait des livres, me demandait des recettes pour Matthieu et Élodie, puis men apportait des échantillons. Jusquau bout, il ma caché que Matthieu sétait fourvoyé dans une mauvaise bande et avait eu des ennuis avec la justice. Heureusement, il na pas fait de prison.

Je me suis rétablie. Mes relations avec Pierre se sont détérioréesje nai pas pu lui pardonner sa faiblesse et ses trahisons pendant ces jours difficiles. Heureusement, la maison est grande : nous vivons comme des voisins. Il essaie darrêter de boire, mais rechute régulièrement.

Il y a un an, Thomas a présenté sa fiancée. Une jeune femme dont il était amoureux depuis la maternelle. Elle étudie la psychologie et sest aussitôt attelée à sauver son beau-père des griffes de lalcool. La vie continue. Et bientôt, des petits pieds courront dans la maisonles jeunes mariés attendent des jumeaux.

Chaque jour, je remercie Dieu pour mon fils aîné, et je crois que je suis encore en vie uniquement parce que jai su, un jour, faire une place dans mon cœur à un enfant qui nétait pas le mien.

Оцените статью
**Nina Pétrovna se souvient parfaitement du jour où elle a dû décider du destin d’un enfant qui n’était pas le sien. C’était un mercredi, son mari était rentré du travail plus tôt que d’habitude, sombre comme un ciel d’orage. Sans un mot, Victor lui a tendu une enveloppe…**
Un jour, comme d’habitude, je jouais avec mon fils à un jeu. Soudain, on frappa à notre porte. Je l’ai ouverte et j’ai vu une personne que j’avais oublié depuis longtemps.