Une enseignante aperçut son élève endormie dans la rue…
Élodie était létoile du CM2. Ses cahiers étaient un arc-en-ciel de perfection, son sourire, un rayon de soleil. Toujours impeccable, toujours à lheure, toujours la première à finir. Madame Sophie, son institutrice, ladorait, mais remarquait une lueur étrange dans ses yeux, une hâte darriver et une réticence à partir peu communes pour une fillette de dix ans.
Maîtresse, je peux rester un peu pour aider ? demandait Élodie chaque soir.
Bien sûr, ma chérie, mais ta maman doit tattendre, répondait Sophie, bien quelle ne vit jamais personne venir chercher Élodie.
Un mardi de pluie battante, Élodie arriva à lécole grelottante, les cheveux trempés. Madame Sophie sinquiéta.
Élodie, que sest-il passé ? Ta maman ne ta pas accompagnée ?
Non, maîtresse. Je suis tombée dans une flaque. Mais ça va, mentit Élodie en essuyant ses larmes avec sa manche.
Ce soir-là, Madame Sophie, rongée par un malaise tenace, décida de suivre Élodie. Elle la vit marcher vite, sengouffrer dans des ruelles jusquà un banc sous un marronnier, à labri dune petite place. Là, recroquevillée, lattendait sa mère, enveloppée dans une bâche.
Le cœur de linstitutrice se serra. La petite Élodie navait pas de maison. Elles dormaient dans la rue, et son apparence impeccable était le fruit des efforts surhumains de sa mère pour quon ne les « découvre » pas et quon ne leur arrache pas Élodie.
Le lendemain, Madame Sophie rassembla les enseignants. Dune voix tremblante, elle leur raconta tout. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre et arriva aux oreilles des élèves plus âgés et de leurs parents, membres de lassociation des parents délèves.
Il faut agir ! déclara la directrice, les yeux brillants.
Ma mère est coiffeuse, elle pourrait proposer un travail à la maman dÉlodie, suggéra une élève de cinquième.
Moi, jai un contact dans une agence immobilière, ajouta un professeur.
En moins de vingt-quatre heures, lécole devint un nid de solidarité. Les élèves organisèrent une tombola éclair avec des jouets et livres donnés. Les enseignants mirent la main à la poche. Les parents se mobilisèrent à une vitesse incroyable.
Deux jours plus tard, Madame Sophie convoqua Élodie et sa mère, Aurélie, dans le bureau de la directrice. Aurélie entra, pâle, le regard baissé, sachant son secret découvert et redoutant quon lui retire sa fille.
Aurélie, commença la directrice avec douceur, nous savons. Et personne nest ici pour vous juger ni pour vous séparer.
La mère dÉlodie leva les yeux, perplexe.
Au contraire, poursuivit la directrice, en lui tendant une enveloppe. Voici de largent. Il vient de toute lécole. Cest assez pour un mois de loyer dun petit appartement, le temps de vous installer.
Aurélie ouvrit lenveloppe, les yeux embués de larmes.
Et ce nest pas tout, ajouta Madame Sophie en prenant sa main. Une de nos élèves vous a trouvé un emploi dans le salon de coiffure de sa mère. Cest laprès-midi, pour que vous puissiez accompagner et chercher Élodie.
Aurélie nen croyait pas ses oreilles. Elle regarda Élodie, qui pleurait aussi, mais de joie.
Mais pourquoi faire tout ça ? murmura-t-elle.
Madame Sophie se pencha et serra Élodie contre elle.
Parce que cette école nest pas quun bâtiment, Aurélie. Nous sommes une famille. Et la lumière dÉlodie, celle quelle nous offre chaque jour, nous a montré que parfois, la leçon la plus importante nest pas dans les livres, mais dans la vie. Nous ne voulons pas quÉlodie aille dans un foyer. Nous voulons quelle ait un vrai foyer, avec vous.
Ce soir-là, quand Élodie quitta lécole, elle ne se dirigea pas vers la place. Elle marcha main dans la main avec sa mère vers un petit appartement, un lieu quelles pourraient enfin appeler « chez elles ». Et si les larmes coulaient encore, cétait désormais celles dun bonheur plus brillant que le plus beau des soleils. Sans le savoir, lécole navait pas seulement sauvé un toit, elle avait redonné de lespoir à deux cœurs.
