**Journal de Pierre 15 octobre**
Cest en entrant dans le restaurant que Camille a senti que quelque chose clochait. Lendroit était étrangement vide pour un vendredi soir, les lumières trop tamisées, et le maître dhôtel arborait un sourire forcé. Antoine, lui, semblait normal si ce nétaient ses doigts entrelacés aux siens, légèrement tremblants.
Votre table, annonça le maître dhôtel en tirant une chaise. Camille sarrêta net devant une salle privée. Des centaines de bougies scintillaient dans la pénombre, projetant des ombres dansantes sur la nappe immaculée. Au centre, un vase de roses bordeaux ses préférées. Une mélodie douce flottait dans lair.
Antoine, murmura-t-elle, quest-ce qui se passe ? Sans répondre, il sagenouilla. Une bague brillait entre ses doigts. Camille Lefèvre, dit-il dune voix grave, jai longtemps cherché comment rendre ce moment parfait. Puis jai compris peu importe le lieu. Une seule chose compte : veux-tu mépouser ?
Elle contempla son visage, cette mèche rebelle sur son front, ce sourire timide et sentit son cœur déborder. Oui, chuchota-t-elle. Bien sûr que oui !
La bague glissa à son doigt. Camille serra Antoine contre elle, respirant son parfum familier, et pensa : *voilà le bonheur*. Aussi pur quun matin ensoleillé. Pourtant, une semaine plus tard, leur quiétude fut brisée.
Vous organisez ça *seuls* ? sexclama Madame Dubois en ajustant nerveusement sa coiffure. Hors de question ! Un mariage, ça sencadre. Jai déjà réservé une salle magnifique au *Ritz*
Maman, intervint Antoine, merci, mais nous voulons gérer cela nous-mêmes. Vous-mêmes ? Elle leva les mains au ciel. Regardez ma nièce Élodie, son mariage était
Camille observait en silence sa future belle-mère arpenter leur salon, critiquant les choix de fleurs («Des pivoines en automne ? Que dira-t-on ?»), la musique («Ce groupe est *amateur* !»), jusquau gâteau («Trois étages ? Sans décorations ? On dirait un gâteau de supermarché !»).
La crise éclata lorsque Madame Dubois découvrit la robe. *Pratiquement identique à la tienne !* hurla Camille au téléphone, les larmes aux yeux. Sa mère, Geneviève, répondit calmement : Laisse-moi men occuper.
Le jour J, sous une pluie fine, Camille guettait larrivée de sa belle-mère. Lorsque la Mercedes noire apparut, Madame Dubois en descenda, triomphante, dans une robe ivoire scintillante jusquà ce quun serveur maladroit renverse sauce bordelaise sur le tissu.
*Désolé, madame !* bredouilla-t-il. Elle fila sans un mot. Antoine soupira : Elle voulait tout contrôler même aujourdhui.
Nous avons dansé, ri, et malgré labsence de ma mère, ce fut parfait. Parfois, le destin remet les choses en place avec laide dun serveur, dune tache de sauce et dune mère déterminée.
**Leçon :** Les traditions ont leur charme, mais un mariage appartient à ceux qui saiment. Et aucune robe tâchée ny changera rien.
*(Signé) Pierre*







