Je me souviens encore de ce jour où jai découvert la vérité dans le téléphone de ma fille. Tout avait commencé par une dispute banale.
Je nen peux plus ! Chaque soir, cest la même chose ! Hélène avait claqué les assiettes dans lévier. Il rentre, ne dit rien, mange en silence et disparaît dans son bureau pendant des heures. Cest comme sil était devenu un étranger.
Maman, calme-toi, Marion posa son téléphone et regarda sa mère dun air apaisant. Papa traverse une période difficile au travail. Tu le sais bien.
Une période difficile ? Hélène leva les mains au ciel. Cela fait trois mois que ça dure ! Avant, Sébastien prenait toujours le temps de parler, de partager ses soucis. Maintenant, cest comme sil y avait un mur entre nous. Et ces appels quil prend en chuchotant
Marion se tortilla sur sa chaise, son regard fuyant vers son téléphone posé sur la table.
Tu exagères, maman. Papa est juste fatigué.
Fatigué, répéta Hélène. Et avant, il ne létait pas ? Vingt-cinq ans ensemble, et il a toujours eu de lénergie pour sa famille. Mais maintenant
Elle secoua la tête et se mit à frotter une casserole déjà propre. Marion soupira, prit son téléphone et se retira dans sa chambre. Hélène la suivit des yeux, le cœur lourd.
Quelque chose nallait pas dans leur famille, et elle ne comprenait pas quoi. Sébastien, toujours si ouvert et attentif, sétait refermé comme une huître. Il évitait les conversations, rentrait tard et, surtout, ne la regardait plus dans les yeux. Comme sil cachait quelque chose.
«Une autre femme ?» Cette pensée la hantait, mais elle la chassait aussitôt. Non, pas Sébastien. Alors, quoi ?
Ce soir-là, elle lattendit dans lentrée. La porte claqua, et il apparut, le visage las.
Bonsoir, murmura-t-il en enlevant ses chaussures. Désolé pour lheure.
Comme dhabitude, tenta-t-elle de sourire, sans y parvenir. Tu veux dîner ?
Pas faim, il évita son regard. Marion est là ?
Dans sa chambre. Hélène hésita. Sébastien on pourrait parler ?
De quoi ? il leva enfin les yeux, et elle y vit de la fatigue. Et autre chose de la peur ?
De nous. De ce qui se passe. Tu téloignes
Pas ce soir, Hélène, il posa une main sur son épaule. Je suis vraiment épuisé.
Il se dirigea vers la chambre de Marion, frappa et entra après un « oui » étouffé. Hélène resta plantée dans le couloir, une angoisse sourde grandissant en elle.
La nuit, elle ne dormit pas. Sébastien était allongé à côté delle, le dos tourné. Elle savait quil ne dormait pas non plus. Elle voulut lui toucher lépaule, lui demander : « Quest-ce qui se passe, Sébastien ? » Mais elle nosa pas.
Le lendemain, après son départ, elle rangea la maison pour soccuper lesprit. Dans la chambre de Marion, elle tomba sur son téléphone oublié. « Je devrais le mettre à charger », pensa-t-elle. Lécran salluma, révélant une conversation avec son père.
Elle ne voulait pas lire. Mais un message attira son regard :
« Papa, tu dois le dire à maman. Elle a le droit de savoir. »
Son cœur manqua un battement.
Elle fit défiler les messages plus anciens. Trois mois plus tôt :
Sébastien : « Marion, jai besoin de ton aide. Ne dis rien à ta mère. »
Marion : « Quest-ce qui se passe, papa ? »
Sébastien : « Tu te souviens de mes douleurs ? Les résultats des analyses sont mauvais. Ils menvoient voir un oncologue. »
Hélène sentit ses jambes trembler. Sébastien était malade. Et il lui cachait.
Marion entra à ce moment-là, pâle en voyant le téléphone.
Maman
Qua ton père ? Hélène serra sa main.
Marion avoua tout. Les douleurs, les examens, la suspicion de cancer. La biopsie prévue le lendemain.
Il ne voulait pas tinquiéter, maman. Après tout ce que tu as vécu avec mamie
Le soir, Hélène prépara son plat préféré. Quand Sébastien rentra, il les trouva toutes les deux à table, souriantes.
Cest quoi cette fête ?
Aucune fête, Hélène versa du vin. Juste une envie de te faire plaisir.
Il soupçonna quelque chose, surtout lorsque Marion détourna les yeux.
Quest-ce qui se passe ?
Rien, Hélène le regarda droit dans les yeux. Sauf que demain, je taccompagne à lhôpital.
Son verre faillit tomber.
Marion ta dit
Cest moi qui ai vu vos messages. Hélène prit sa main. Sébastien, comment as-tu pu penser que je préférerais ne pas savoir ?
Il baissa la tête.
Jai cru te protéger. Après la maladie de ta mère
Alors que je minquiétais encore plus en ne comprenant pas.
Il avoua tout ce soir-là. La peur, les examens, lattente.
Le lendemain, ils se rendirent ensemble à lhôpital. Les jours dattente furent longs. Mais le verdict fut enfin là :
La tumeur est bénigne, annonça le médecin. Une simple opération suffira.
Sébastien seffondra en larmes de soulagement.
Pardonne-moi, murmura-t-il à Hélène. De ne pas tavoir fait confiance.
Ce qui compte, cest que nous soyons ensemble, maintenant et toujours.
Parfois, il faut fouiller là où lon ne devrait pas pour sauver ce qui compte le plus. Même si ce nest pas tout à fait bien.
