Le Testament Étonnant de l’Épouse

**Le Testament Insolite de LÉpouse**

Le gendre avait promis de venir chercher Véronique Lefèvre samedi matin. Dommage de quitter la maison de campagne, mais cétait déjà fin octobre. Leau était coupée, il était temps de rentrer.

« Vé-é-ronique ! Véronique Lefèvre, tu es là ? » frappa à la porte Léon Dubois, son voisin. « Entre, Léon, je suis encore là. Je fais mes valises, mon gendre vient après-demain. Il va encore râler à cause des sacs, comme dhabitude. Mais que faire ? Ce nest presque rien à moi, surtout la récolte. Des pommes séchées, cétait une bonne année. Des concombres, des confitures, des ratatouilles Je ne pouvais pas laisser tout ça. Cest pour eux que je fais ça, pas pour moi. »

« Je comprends, Véronique. Moi aussi, je rentre bientôt, mais je traîne un peu. Lautomne est si beau. Hélène adorait cette saison. Tu te souviens, Véronique, quand on fermait la saison tous ensemble ? Ton Gérard était encore là, on était jeunes. Les enfants petits. Maintenant, les jardins sont à labandon. À lépoque, cétait nu, les pommiers tout frêles, on aurait dit quils ne grandiraient jamais. Je suis venu te demander quelque chose Aujourdhui, ça fait un an quHélène nous a quittés. On pourrait lhonorer ensemble. » Léon tripotait une enveloppe dans ses mains. « Seul, cest trop dur. Viens, jai fait des pommes de terre sautées. On parlera, on se souviendra. Et puis jai quelque chose à te dire. Tu viens ? »

« Bien sûr, Léon. Tiens, prends ces cornichons. Je passe dans une demi-heure, tu vois, tout est encore en désordre ici. »

Ils sétaient connus depuis des décennies. Quand leur entreprise leur avait offert chacun un lopin de terre, leur joie fut immense. Ils avaient construit leurs maisons, planté leurs jardins, sétaient entraînés. Les étés étaient une fête, les anniversaires célébrés ensemble. Lété, cétait une petite vie à part. Maintenant, Véronique accueillait ses petits-enfants chaque été, elle navait pas le temps de sennuyer. Mais Gérard, son mari, lui manquait depuis sept ans.

Léon et Hélène, eux, étaient restés ses voisins. Enfin, lavaient été, car Hélène était partie lautomne dernier. Elle était si fière davoir maigri, de ressembler à un mannequin. Puis Cet été avait été étrange. Léon, comme un fantôme, avait bêché le potager, mais qui planterait maintenant ? Plus dHélène. On lentendait souvent jurer dans latelier, luttant contre un projet qui refusait de prendre forme. Les petits-enfants de Véronique étaient rares : colonies de vacances, voyages en famille. À qui servaient tous ces légumes quelle arrosait, désherbait, comme un devoir ?

Véronique soupira. Elle avait promis. Elle se changea et partit chez Léon.

Il lattendait. La table était mise : pommes de terre sautées, tomates, ses cornichons, un peu de saucisson. « Assieds-toi, Véronique. Demain, les enfants viennent. Mais ce soir, cest pour Hélène. Regarde, jai retrouvé des photos. Tiens, Gérard qui plante un cerisier avec toi. Et là, on revient des champignons, les paniers pleins. Et les barbecues Vois-tu la fumée du feu ? Hélène plisse les yeux. » Léon remplit deux verres. « À nous. À Hélène. À Gérard. »

Un silence. Le craquement dun cornichon. Léon sortit une enveloppe de sa poche.

« Véronique, ne tétonne pas, écoute-moi. Hélène sest éteinte lautomne dernier, sous mes yeux. On avait quitté la maison en août. En septembre, elle ne se levait plus. Mais elle tenait bon, elle était forte. On a revécu notre vie, jour après jour. Les vieux films, les souvenirs. Puis un jour, elle ma dit :

«Léon, promets-moi de faire ce que je te demande. Pas une requêtemon testament. Ne discute pas, tu comprends.»

Et elle ma donné ça. Tu imagines ? Elle savait que je ne jetterais pas ça. Lis. »

« Mais cest pour toi »

« Lis, et tu comprendras. »

Véronique ouvrit lenveloppe. Lécriture dHélène :

*Mon Léon chéri, je pars trop tôt. Mais vis pour nous deux. Je te lègue le bonheur. Ce nest pas moublier. Je ne veux pas te voir souffrir. Naie pas peur dêtre heureux. On a tant aimé la vie. Si tu rencontres quelquun, sache que je serai contente. Peut-être Véronique ? Je crois quelle te plaît. Elle est bonne, elle comprendra. Propose-lui de vivre ensemble. On na jamais baissé les bras. Vis, Léon, malgré tout. Ton Hélène.*

Véronique lut, relut, regarda Léon.

« Jai promis. À toi de décider. Véronique, essayons. Notre amitié est déjà là. Le bonheur est une grâce, la tristesse un péché. Sois ma femme. Tu ne le regretteras pas. »

Véronique resta sans voix. Elle le regarda, puis se dit quil y avait une vérité là-dedans : « Léon, daccord. Je vais réfléchir. Je dirai à mon gendre que je reste une semaine de plus. »

Léon la raccompagna.

Cette nuit-là, Véronique ne dormit pas. Une décision lourde. Toute sa vie défila. À laube, Gérard lui apparut en rêve. Il riait : « Arrête de te torturer. À deux, cest plus facile. Épouse Léon, un point cest tout. Je suis content pour toi. »

Lété suivant, Véronique et Léon enlevèrent la clôture entre leurs jardins. Deux fois plus de petits-enfants couraient partout. Léon construisit une balançoire, fabriqua des arcs pour les garçons. Véronique planta assez pour nourrir toute la famille. Les petites-filles eurent leurs propres carrés de jardin.

Les enfants adultes venaient le week-end, heureux de voir leurs parents sépauler.

Certains murmurent peut-être. Mais Hélène et Gérard, là-haut, sourient. Le testament du bonheur est accompli. Et la vie, malgré tout, continue.

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