**Le Journal dÉlodie : La Vérité Éclate**
Ce matin, jai aligné trois pots de yaourt framboise, pêche, myrtille. Dans cet ordre précis. Les règles sont les règles. Ils étaient bien serrés, impeccables, comme il se doit.
Le bruit dune clé dans la serrure a brisé le silence. Théo rentrait plus tôt que dhabitude.
« Élo, tu es là ? » Il a jeté un coup dœil dans la cuisine avant de se diriger vers le frigo.
« Non, je suis invisible », ai-je répondu, concentrée sur le tri des lentilles.
« Pourquoi cette tête ? » Il a attrapé le yaourt à la myrtille le dernier de la rangée et sest assis.
« Où sont les papiers de la banque ? Je les avais laissés sur la table. »
Il a hésité. « Dans le bureau. Je vérifiais quelques choses. »
Son ton ma paru étrange. Dans le bureau, le tiroir du bureau nétait pas tout à fait fermé. Jai trouvé le dossier, et dessous, un document avec un tampon. Un certificat de résidence. *Jeanne-Marie Lefèvre*. Inscrite à notre adresse. Il y avait trois semaines.
« Théo ! » Je suis revenue en trombe, brandissant le papier. « Cest censé être quoi, ça ?! »
Il a failli sétouffer avec son yaourt.
« Élo, je peux expliquer »
« Expliquer ?! Tu as inscrit ta mère dans notre appartement ?! Sans me prévenir ?! »
« Elle vieillit, elle a besoin de garanties »
« Quelles garanties ? » Jai frappé la table du plat de la main. « On a acheté cet appartement à deux ! Tu mas demandé mon avis ? Non ! »
Il sest tu. Trente ans ensemble. Trente ans déconomies pour ce toit. Et maintenant, cette trahison.
« Elle compte emménager ? »
« Non, cest juste une formalité. »
« Une formalité ? Inscrire quelquun ici, cest une formalité ? »
Il a baissé les yeux. « Elle a peur de finir seule »
« Et moi, je dois craindre une troisième propriétaire ? »
Jai serré le document. « Elle sait que je suis au courant ? »
« Non. »
« Parfait ! » Jai posé le papier sur la table. « Vraiment parfait, Théo. »
Il a tenté de me prendre la main. Jai reculé.
« Ce nest pas ta mère, cest toi ! Tu mas menti pendant trois semaines ! »
Le téléphone a sonné. *Jeanne-Marie*. Bien sûr.
« Bonjour, ma chérie ! Je passe demain. Je prévois dapporter mes affaires, tu me libéreras de la place dans larmoire ? »
Jai suffoqué. « Quel placard ? »
« Eh bien, jai mes droits maintenant. Théo ne ta pas dit ? Je suis officiellement chez vous. »
Jai raccroché. Elle voulait emménager. Hors de question.
Le lendemain, jai pris un jour de congé. À la mairie, on ma confirmé : sans mon accord, linscription était illégale.
Le soir, jai cuisiné, calme. Théo tournait autour, coupable.
« Tout est réglé », ai-je dit en souriant.
« Réglé comment ? »
« Tu verras. »
Samedi, jai invité Jeanne-Marie. Elle est arrivée avec une valise.
« Maintenant, nous vivrons en famille ! Jai choisi la chambre damis. »
Jai sorti un dossier. « Voici lannulation de votre inscription. Dès demain, vous ne résidez plus ici. »
Elle a crié, injurié. Théo est resté silencieux.
« Prenez vos affaires. Le déménagement est annulé. »
Quand ils sont partis, jai respiré. Mon cœur battait, mais javais gagné.
Théo est revenu plus tard, honteux.
« Elle dit que je lai trahie. »
« Et toi, quen penses-tu ? »
Il a soupiré. « Elle a peur de la solitude. Mais tu as raison. Jaurais dû te parler. »
Jai établi les règles : plus de secrets, sa mère reste chez elle, les décisions se prennent ensemble.
Une semaine plus tard, Jeanne-Marie est revenue, un gâteau à la main.
« Jai réfléchi. Jai eu tort. »
Nous avons discuté, bu du thé. Jai proposé de rénover son appartement.
Un mois plus tard, elle avait de nouveaux murs, une salle de bains neuve. Elle rayonnait.
Ce soir, en rangeant, je suis tombée sur le certificat. Théo la déchiré.
« Plus de secrets. »
Dehors, il pleuvait. Notre maison restait notre forteresse. Les règles, nous les faisions ensemble. Comme il se doit.







