Mon mari a fait venir sa mère vivre chez nous sans me demander mon avis

« Tiens, Madame Lefèvre, prenez ces chaussons aux choux, ils sont encore tièdes. Je les ai préparés ce matin, » murmura la vieille femme dans son tablier fleuri, tendant une assiette recouverte dun torchon à sa voisine. « Et un petit pot de confiture de fraises maison, mise en conserve hier. »

« Merci, Madame Durand, vous me gâtez, » répondit Madame Lefèvre avec un sourire reconnaissant en acceptant les gourmandises. « Restez donc prendre le thé, vous êtes toujours si pressée. On ne vous voit presque plus. »

« Avec plaisir, un petit thé, » acquiesça Madame Durand en entrant dans la cuisine. « Dautant plus quil y a des nouvelles. Avez-vous entendu parler des disputes entre le fils de Madame Girard et sa belle-fille ? »

Madame Lefèvre soupira en sortant les tasses de larmoire :

« Comment ne pas entendre ? Tout limmeuble en parle. Ils criaient si fort que les murs tremblaient. Et pour quelle raison ? »

« Apparemment, il a ramené sa mère de la campagne sans prévenir. Et vous savez bien quils nont quun deux-pièces, » chuchota Madame Durand en hochant la tête, sinstallant à table. « Alors Élodie, la belle-fille, a piqué une crise. »

Madame Lefèvre posa la bouilloire sur la plaque et sassit en face de sa voisine :

« Ce serait donc ce bon à rien de Théo ? Il na même pas averti sa femme ? »

« Il devait avoir peur quelle refuse. Et la pauvre vieille navait nulle part où allersa maison à la campagne a brûlé. Alors il la ramenée, imposant la situation à sa femme, » murmura Madame Durand en baissant la voix. « Jai croisé Virginie du troisième étage hier, elle ma dit quÉlodie faisait ses valises. Elle le quitte. »

« Ce nest pas possible ! » sexclama Madame Lefèvre, les mains en lair. « Briser un foyer à cause dune belle-mère ? »

Madame Durand haussa les épaules :

« Je ne sais pas si cest vrai ou des ragots, mais il ny a pas de fumée sans feu »

Le même soir, dans un autre appartement à la périphérie de la ville, une femme dune quarantaine dannées arpentait la cuisine en serrant son téléphone. Élodie Martin était agitée, et cela se voyait à chacun de ses gestesla façon dont elle repoussait dun mouvement sec une mèche de cheveux grisonnants, dont ses doigts tambourinaient sur le plan de travail, dont ses sourcils se fronçaient.

« Marianne, je ne sais pas quoi faire, » dit-elle dans le combiné. « Il ne ma même pas demandé ! Il ma imposé ça. Tu te rends compte ? Je rentre du travail, jouvre la porteet voilà Geneviève Dumont avec ses valises, comme chez elle ! »

Au bout du fil, son amie répondit quelque chose, mais Élodie linterrompit avec impatience :

« Oui, je comprends quelle nait nulle part où aller. Je comprends tout ! Mais pourquoi ne pas en avoir discuté dabord ? Nous sommes mari et femme, tout de même. On ne prend pas ce genre de décision seul ! »

À ce moment, la porte souvrit, et Théo entra dans la cuisineun homme grand au visage fatigué et aux cheveux clairsemés. Élodie se tut, lançant à son mari un regard noir.

« Marianne, je te rappelle, » dit-elle sèchement avant de raccrocher.

Un silence gênant sinstalla. Théo ouvrit le frigo, en sortit une bouteille deau, remplit un verre, évitant soigneusement le regard de sa femme.

« Où est Geneviève ? » demanda enfin Élodie.

« Elle se repose dans le salon, » répondit Théo. « Elle était fatiguée par le voyage. »

« Dans le salon, » répéta Élodie. « Sur notre canapé. »

« Où veux-tu quelle aille ? » répliqua Théo, une pointe de défense dans la voix. « On na pas de chambre damis. »

« Justement, Théo, » dit Élodie en sefforçant de rester calme. « Nous navons pas de chambre damis. Cet appartement est minuscule. Soixante mètres carrés pour trois, cest déjà étroit. Et tu as ramené ta mère vivre ici sans même me consulter ! »

« Que voulais-tu que je fasse ? » Théo posa son verre avec tant de force que leau déborda. « Sa maison a brûlé ! Tu préférais que je la laisse à la rue ? »

« Je voulais que tu men parles dabord ! » Élodie éleva la voix, mais se reprit aussitôt, se souvenant de sa belle-mère dans la pièce voisine. « Nous aurions pu discuter des solutions. Peut-être lui louer une chambre. Ou quelle reste chez ta sœur un tempsSophie a un trois-pièces, ils ont plus despace. »

« Sophie habite à Lyon, tu le sais bien, » soupira Théo en se massant les tempes. « Et louer une chambre, ça coûte cher. On a déjà du mal à joindre les deux bouts. »

Élodie secoua la tête :

« Ce nest pas une question dargent, Théo. Cest que tu as tout décidé pour nous deux. Tu ne mas même pas appelée pour me prévenir ! Je rentre à la maison, et surpriseta mère et ses valises. »

« Jai essayé de tappeler, » marmonna Théo. « Tu ne répondais pas. »

« Jétais en réunion ! » Élodie leva les mains au ciel. « Tu ne pouvais pas attendre deux heures ? Il fallait absolument me mettre devant le fait accompli ? »

Théo garda le silence, fixant son verre comme si les réponses sy trouvaient.

« Daccord, » soupira Élodie, essayant de se calmer. « Ce qui est fait est fait. Mais parlons au moins de la durée. Ta mère a une assurance ? Elle va reconstruire sa maison ? »

« La maison est à démolir, » répondit Théo en secouant la tête. « Elle tenait à peine debout, cétait la maison de grand-mère. Et pas dassurancequi assure une maison à la campagne ? Donc ce sera long, Élo. Peut-être pour toujours. »

« Pour toujours ? » Élodie sentit ses jambes flageoler et sassit sur une chaise. « Théo, tu es fou ? On ne tiendra pas à trois dans cet appartement ! »

« Où veux-tu quelle aille ? » répéta Théo avec entêtement. « Cest ma mère, après tout. Et elle na personne dautre que moi. »

« Et moi ? » demanda doucement Élodie. « Qui suis-je, alors ? Je suis ta femme. Et je nai personne dautre que toi non plus. »

Cest alors que Geneviève Dumont apparut sur le seuil de la cuisineune femme petite et ronde aux cheveux gris coiffés en chignon. Elle portait une vieille robe à fleurs et un cardigan tricoté, malgré la chaleur.

« Pardonnez-moi de mimmiscer, » commença-t-elle timidement. « Mais jai tout entendu. Les murs sont minces. »

Élodie et Théo se turent, la regardant. La vieille dame se dandinait dun pied sur lautre, visiblement mal à laise.

« Élodie, » poursuivit Geneviève. « Je comprends que je tombe comme un cheveu sur la soupe. Si je suis un poids, je peux partir. Peut-être quil y a de la place en maison de retraite. »

« Maman, arrête, » Théo se leva et enlaça les épaules de sa mère. « Tu ne pars nulle part. Cest chez toi, maintenant. »

Élodie sentit lamertume lenvahir. *Chez toi, maintenant.* Il le disait à sa mère, sans même consulter celle qui partageait ce foyer. Mais elle répondit simplement :

« Geneviève, il ne sagit pas que vous soyez un poids. Juste cette décision aurait dû être partagée. Théo et moi sommes une famille, nous prenons ensemble les décisions importantes. Là, cest comme sil avait tout décidé seul. »

« Je comprends, ma chérie, » acquiesça Geneviève. « Vous êtes jeunes, vous êtes mieux entre vous. Et voilà que je débarque, comme une vieille chouette dans la cheminée. »

« Maman ! » sexclama Théo. « Arrête ! Personne ne dit que tu déranges. Mais Élodie a raisonjaurais dû en parler avec elle dabord. »

Geneviève soupira profondément et sassit à son tour :

« Mon petit, ne me défends pas. Je vois bien que je tombe mal. Élodie rentre fatiguée, et me voilà avec mes problèmes. »

Élodie eut soudain limpression que sa belle-mère disait exactement ce que Théo aurait dû dire. Une chaleur inattendue monta en elle.

« Geneviève, » reprit-elle plus doucement. « Parlons calmement. La situation est compliquée, mais pas désespérée. Quand votre maison a-t-elle brûlé ? »

« Il y a trois jours, » répondit Geneviève. « Jétais chez la voisine pour faire des tartes, et il y a eu un court-circuit. Quand je suis revenue, tout brûlait. Heureusement, jai pu sauver les papiers et les photosles pompiers volontaires mont aidée. Mais le reste quarante ans passés là-bas, et maintenant »

Sa voix trembla, et elle sortit un mouchoir brodé de sa poche pour sessuyer les yeux. Élodie eut un pincement au cœurcomment avait-elle pu être si dure ? Cette femme avait tout perdu, et elle ne pensait quà son confort.

« Je suis vraiment désolée, » dit-elle sincèrement, posant sa main sur celle de Geneviève. « Perdre sa maison est une tragédie. Bien sûr, vous pouvez rester ici aussi longtemps que nécessaire. Juste il faut quon discute, quon organise la suite. »

Geneviève la regarda avec gratitude :

« Merci, Élodie. Je ferai de mon mieux pour ne pas encombrer. Et je vous aideraila cuisine, le ménage. Je suis encore solide, Dieu merci. »

« Parfait, » Théo semblait soulagé que la tempête sapaise. « Et maintenant, dînons. Jai acheté un poulet rôti et des salades en rentrant. »

Le dîner se déroula dans une ambiance tendue. Geneviève parlait de sa vie à la campagne, des voisins, de son potager désormais réduit en cendres. Théo lécoutait attentivement, posant des questions, tandis quÉlodie mangeait en silence, songeant à leur vie désormais à trois.

Après le repas, Élodie fit la vaisselle tandis que Théo préparait le canapé-lit du salon pour sa mère.

« Laisse-moi taider, » proposa Geneviève en sapprochant avec une serviette.

« Merci, » Élodie lui tendit une assiette essuyée. « Geneviève, je veux mexcuser pour ma réaction. Ce nétait pas très élégant. »

« Mais non, ma chérie, » la vieille dame secoua la tête. « Cest à moi de mexcuser darriver comme ça. Mais Théo ma dit que tout irait bien, que tu serais daccord. Je lai cru. Et voilà »

« Ce nest pas vous, » avoua Élodie. « Cest la manière dont Théo a agi. Nous sommes ensemble depuis quinze ans, et on a toujours tout décidé ensemble. Et là, une décision si importanteprise seul. »

« Il a toujours été comme ça, enfant, » soupira Geneviève. « Persuadé davoir raison, sourd aux objections. Tout le portrait de son père. »

Élodie sourit malgré elle :

« Cest vrai. Lentêtement, il connaît. »

Elles finirent la vaisselle et quittèrent la cuisine. Théo avait déjà fait le lit de sa mère et sortait un lit pliant du placard.

« Pourquoi ça ? » sétonna Élodie.

« Maman ne tiendra pas sur le canapé, » expliqua Théo. « Elle a mal au dos, il lui faut une surface dure. Donc le canapé pour moi, et le lit pliant pour elle. »

« Et moi, je dors où ? » Élodie sentit lirritation monter à nouveau. « Par terre ? »

« Où ? Dans la chambre, bien sûr, » répondit Théo, perplexe. « Où veux-tu ? »

« Donc nous allons dormir séparés maintenant ? » croisa-t-elle les bras. « Formidable. Tout simplement génial. »

« Élodie, ne recommence pas, » dit Théo, épuisé. « Tu vois bien que maman a besoin du lit pliant. On ne tient pas à deux dessus. Donc quelquun doit dormir ailleurs. Où est le problème ? »

« Le problème, » répondit Élodie en contrôlant sa voix, « cest que nous nen avons pas discuté avant. Que tu ne mas pas demandé mon avis. Tu mimposes encore une décision. »

« Mes enfants, ne vous dispute

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