**Journal dun jardinier 12 août**
Cet été, jai appris une leçon sur les limites de la générosité. Tout a commencé par les framboises.
Ce matin-là, jai découvert mes arbustes dévastés. Plus une seule baie mûre, rien que des vertes accrochées aux branches. « Marie-Claude, viens voir ! » ai-je appelé ma femme. Elle a hoché la tête, perplexe. « Hier, elles étaient là »
Nous avions planté ces framboisiers il y a cinq ans, dans notre jardin de Normandie. Quinze ares de terre, moitié potager, moitié verger. Les enfants du village admiraient nos groseilles et nos raisins, mais cétaient les framboises qui faisaient notre fierté.
Nos voisins, les Lambert, avaient une petite parcelle bordée de rosiers. Leur fille, Sandrine, venait souvent avec ses cinq enfants. Au début, leur présence menchantaient. « Tonton Henri, on peut jouer chez vous ? » demandaient-ils. Je disais oui, bien sûr, à condition de ne pas piétiner les salades.
Puis les vols ont commencé. Dabord quelques fraises, puis les cassis, et enfin les framboises entières. Un soir, je les ai surpris en train de remplir des seaux. « On en prend juste un peu ! » a protesté laîné, Théo. Sandrine, elle, a haussé les épaules quand je men suis plaint. « Ce ne sont que des fruits, Henri. Laissez-les samuser. »
Jai serré les poings. « Samuser ? Ils ont tout nettoyé ! »
Elle a ricané. « Vous en planterez dautres. »
Le lendemain, nos grappes de raisin ont disparu. Encore vertes. « Ils les ont arrachées pour rien ! » ai-je crié. Sandrine ma regardé comme si jexagérais. « Ils sont curieux, cest tout. »
Jai fini par ériger une clôture. Deux mètres de haut, en bois brut. Sandrine la commentée devant tout le village : « Regardez-moi ce radin ! Il enferme ses fruits comme de lor. »
Les enfants ont riposté à leur manière. Des ballons lancés par-dessus la palissade. Des mégots jetés dans les plates-bandes. Un jour, ils ont aspergé Marie-Claude avec le tuyau darrosage. Sandrine a ri. « Ce nest quun jeu. »
Maintenant, le jardin est calme. Trop calme. Les Lambert sont repartis à Lyon, laissant derrière eux un goût amer. Jaurais dû fixer des règles plus tôt. La gentillesse, sans limites, devient une faiblesse.
Et pourtant parfois, le soir, jentends encore leurs rires dans ma tête. Je me demande : était-ce vraiment le prix à payer pour quelques kilos de fruits ?
**Leçon du jour :** Un bon voisin respecte votre terre. Un mauvais vous apprend à poser des barrières.







