L’amitié entre femmes : Un lien unique et indéfectible

**Journal intime Une amitié à lépreuve**

Avec Élodie, nous sommes amies depuis le collège. Plus précisément depuis la cinquième, lorsquelle a emménagé dans notre quartier. À lépoque, je navais pas damies dans ma classe. La plupart des filles gravitaient autour de la beauté du lycée, Chloé Lambert, dont le père était un professeur renommé. Les autres, comme moi, restaient en retrait.

Je ne minclinais pas devant Chloé, mais je ne la provoquais pas non plus, préférant la neutralité. Tandis que son groupe examinait la nouvelle venue, sinterrogeant sur ses origines, jai pris Élodie sous mon aile. Bien sûr, je lai mise en garde contre Chloé et sa cour.

*«Pourquoi tu es toujours seule ? Tu protestes ?»* ma demandé Élodie.

*«Non, je suis juste indépendante. Je me plais comme ça. À toi de voir. Si tu veux les rejoindre, je ne ten voudrai pas.»*

Élodie a choisi de rester avec moi. On ne nous embêtait pas, on nous ignorait simplement. Je lui ai fait visiter le lycée, lui ai parlé des profs et des autres élèves. Bref, je lai initiée à la vie scolaire. Dailleurs, la belle Chloé, malgré son père universitaire, na pas suivi ses traces : je lai vue plus tard vendre des vêtements dans une boutique. Elle a feint de ne pas me reconnaître.

Élodie était brillante, plus que moi, et même plus jolie, du moins à mes yeux. À ladolescence, on est toujours insatisfait de son apparence. Je me trouvais trop ronde, ma poitrine trop généreuse, mes jambes trop courtes. Mes cheveux bouclés se dressaient dans tous les sens, comme un vilain petit canard. Élodie, elle, avait des cheveux lisses et blonds, des yeux bleu ciel, une silhouette parfaite.

Ce nest que des années plus tard quelle ma avoué mavoir trouvée belle et mavoir enviée secrètement.

Nous sommes devenues inséparables. Nous rêvions même dintégrer la même université après le bac. Seulement, la mère dÉlodie insistait pour quelle étudie léconomie, tandis que je voulais devenir médecin pas nimporte lequel, chirurgienne, rien de moins.

Nous navons pas réussi à nous mettre daccord, nous nous sommes disputées, et avons passé trois jours sans nous parler. Puis nous nous sommes réconciliées, incapables de vivre lune sans lautre. Finalement, chacune a suivi sa voie. Nos rencontres se sont espacées, mais quand nous nous voyions, nous parlions pendant des heures.

En deuxième année, Élodie est tombée amoureuse dun garçon de sa promo et na plus parlé que de lui. Moi, je navais pas le temps pour lamour : le latin et lanatomie me donnaient du fil à retordre, mais jaimais étudier.

En troisième année, Élodie a avorté. Ses parents nont rien su. En quatrième, elle est retombée enceinte. Je naimais pas son petit ami et jai tenté de la dissuader de lépouser, mais elle na pas voulu mécouter. Elle a tout avoué à ses parents, qui ont veillé à ce que leur fille ne devienne pas mère célibataire.

En sixième année, jai renoncé à la chirurgie pour me spécialiser en gastro-entérologie. Moins de pression. Nous ne nous sommes pas vues pendant deux ans, jusquà ce que nous nous croisions par hasard. Élodie avait pris du poids, son ventre arrondi ma fait penser à une nouvelle grossesse, mais je nai pas osé demander. Elle poussait une jolie petite fille en rose. Elle a remarqué mon regard et a confirmé quelle attendait un autre enfant.

*«Mon mari veut un garçon.»*

Elle a été surprise que je sois toujours célibataire. Cest là quelle ma avoué mavoir enviée au lycée, se considérant comme une « souris grise ». Elle sest précipitée dans le mariage par peur de ne trouver personne. Quelle idiote. Nous nous sommes quittées en promettant de ne plus nous perdre de vue.

Un an après la naissance de son fils, son mari la quittée.

*«Il ma traitée de grosse, de vache. Il dit que je lai piégé avec les enfants, que je le dégoûte»* sanglotait-elle.

*«Pourquoi ne mas-tu rien dit plus tôt ? Je taurais aidée à maigrir»,* lai-je grondée.

Elle avait vraiment mauvaise mine : tenue de sport négligée, cheveux tirés en queue-de-cheval, yeux éteints.

Je comprenais sa détresse, mais il ne fallait pas se laisser aller. Je le lui ai dit amicalement.

*«Toi, tu es belle, et pourtant tu es toujours seule»,* a-t-elle répondu, pleine damertume.

Je ne lui en ai pas voulu.

Les enfants dÉlodie ont grandi. Nicolas est entré à lécole primaire, et laînée, Amélie, commençait à sintéresser aux garçons. Jai eu quelques histoires, mais rien de sérieux. Ça ne me perturbait pas. Cétait ma destinée. Nous nous voyions occasionnellement, chacune menant sa vie.

Un jour, on ma envoyée à une conférence de trois jours à Lyon.

Parmi les participants, un homme a attiré mon attention. Il logeait dans la chambre voisine à lhôtel. Parfois, on croise quelquun et on sait immédiatement que cest lui. Nous avons même partagé une table au restaurant. En apprenant ma ville, il ma parlé dune nouvelle clinique dirigée par un ami, qui lavait invité à sy installer.

*«Jen ai entendu parler»,* ai-je répondu.

*«Vous pensez que je devrais accepter ?»*

*«À vous de voir.»*

Le dernier jour, un concert et un buffet étaient organisés. Nous avons discuté, bu du vin. Je jetais des coups dœil discrets à ma montre. Alors que jallais lui dire que je partais par le train de nuit, quelquun la interrompu. Je navais pas le temps dattendre et je suis partie sans dire au revoir.

Javais cru quil mappréciait aussi, mais il ne ma pas demandé mon numéro. Peut-être espérait-il me revoir le lendemain. Ou peut-être était-il déjà pris. Labsence dalliance ne prouve rien. De toute façon, cest à lhomme de faire le premier pas.

*«Il sera surpris quand je ne serai pas au petit-déjeuner. Jaurais dû être plus directe»,* ai-je pensé avec une pointe de malice. *«Dommage que ça se termine avant même davoir commencé.»* Jai soupiré et essayé de loublier. Ce nétait pas écrit.

Deux mois plus tard, Élodie ma appelée pour me convier chez elle.

*«Quelque chose sest passé ? Tu as lair si joyeuse»,* ai-je remarqué.

*«Viens, tu verras»,* a-t-elle répondu, mystérieuse.

Le week-end suivant, jai acheté des bonbons et des glaces pour les enfants, une bouteille de vin léger pour nous, et je suis allée la voir. Élodie était méconnaissable : ses yeux brillaient à nouveau, elle sétait fait couper les cheveux et avait même minci.

*«Tu es amoureuse»,* ai-je deviné.

*«Jai rencontré un homme»* Elle a levé les yeux au ciel.

Tandis quelle le décrivait, jai vu Antoine dans mes pensées.

*«Si tu le voyais Un rêve dhomme.»*

Élodie avait envoyé Nicolas chez sa grand-mère, et Amélie était sortie avec une amie. Comme le temps passe vite Je me suis sentie vieille. Peut-être aurais-je dû avoir un enfant, comme elle. Nous avons bu, mangé les glaces.

*«Il vient dêtre embauché dans notre clinique»* a-t-elle poursuivi.

*«Attends, tu travaillais dans une banque.»*

*«Ah oui, jai oublié de te dire. Jai démissionné il y a longtemps. Maintenant, je suis économiste dans cette nouvelle clinique. Le salaire est bon, et cest moins stressant. Bref, je sors de la comptabilité avec mon ordinateur et des dossiers, et là, il me propose de me raccompagner. Il a porté mes affaires jusquà lappartement, je lui ai proposé un café»*

*«Et ensuite ?»* lai-je pressée.

*«Rien. Pour linstant. Mais ça ne saurait tarder.»*

*«Donc il ne sest rien passé ?»* ai-je demandé, incapable de cacher ma joie. *«Comment sappelle-t-il ?»* Je connaissais déjà la réponse.

*«Antoine. Antoine Lefèvre.»*

Jai eu limpression quon mavait jeté un seau deau glacée. Je ne crois pas aux coïncidences. Nétait-ce pas une ironie du destin ? Élodie continuait, disant combien il était attentionné, quelle voulait linviter pour son anniversaire

*«Il nest pas marié ? Étonnant quun homme si bien soit encore seul. Peut-être y a-t-il un problème ?»* ai-je ajouté, semant le doute.

Élodie a haussé les épaules.

*«Tu es juste jalouse. Tu verras, je lépouserai.»*

Dire que jétais déçue serait un euphémisme. Mais jespérais encore une coïncidence malheureuse. Je lui ai dit que jétais heureuse pour elle, lui ai souhaité bonne chance et suis partie sous un prétexte.

Deux semaines plus tard, cétait lanniversaire dÉlodie. En arrivant, je lai vu. Antoine ma reconnue et sest précipité vers moi. Élodie nous observait avec jalousie.

Il ma dit avoir accepté loffre de son ami. Je lui ai demandé sil aimait notre ville, la clinique, sil regrettait son déménagement.

*«Vous ne voulez pas travailler chez nous ? En apprenant quil y avait un poste, jai immédiatement pensé à vous»,* a-t-il dit.

*«Je vais y réfléchir»,* ai-je répondu évasivement.

À ce moment, Élodie la appelé pour léloigner. Jen ai profité pour partir. Vraiment, allions-nous nous battre pour un homme ?

Une fois dans ma vie, je rencontre quelquun qui me plaît à ce point, et cest ma meilleure amie qui le convoite. *«Où est la justice ? Pourquoi est-il si indécis ? Il aurait pu me demander mon numéro à Lyon»* ai-je songé en rentrant.

Cest alors quil ma appelée. Il mavait suivie.

*«Pourquoi êtes-vous partie ?»*

*«Vous savez quÉlodie et moi sommes amies ? Et que vous lui plaisez beaucoup.»*

*«Il ny a rien entre nous. Je lai juste raccompagnée un jour, mais elle sest fait des idées. Je suis content dêtre venu ce soir Cest pour vous que jai déménagé ici.»*

Il ma raccompagnée chez moi. Encore une fois, il na pas pris mon numéro. En rentrant, jai vu des dizaines dappels manqués dÉlodie. Javais oublié mon téléphone.

*«Je ne mattendais pas à ça de ta part. Quelle amie es-tu ? Tu me le voles sous le nez !»* criait-elle quand je lai rappelée.

*«Élodie, je lai rencontré avant toi. Il était content de me revoir, cest tout»*

Nous nous sommes disputées comme des collégiennes.

*«Cède-le-moi, sil te plaît»,* a-t-elle supplié. *«Tu es libre et belle, tu trouveras quelquun dautre. Pour moi, cest peut-être ma dernière chance.»*

*«Es-tu sûre quil veut la même chose que toi ? Sil est venu vers moi, est-ce quil taime vraiment ?»*

*«Ce nest pas ton problème. Laisse-nous tranquilles. Il ny a rien entre vous, nest-ce pas ?»*

*«Non.»*

Je me suis rendu compte que je ne connaissais pas vraiment Antoine. Et il nétait pas le seul homme au monde. Cette situation me déplaisait. Jai décidé den parler avec lui. Deux jours plus tard, il est venu à la clinique avec des fleurs. Je lui ai raconté ma conversation avec Élodie.

*«Vous me mettez dans une situation difficile, Sophie. Je ne sais pas quoi faire»,* a-t-il soupiré.

*«Elle est mon amie, je ne veux pas me brouiller avec elle à cause de vous. Excusez-moi, Antoine, mais nous devons arrêter de nous voir»,* ai-je déclaré.

Les semaines ont passé. Un jour, Élodie est venue me voir. Je mattendais à une nouvelle dispute, mais elle a dit :

*«Nous avons parlé. Cest toi quil aime. Je voulais me venger sur le coup, mais ça ne servira à rien. On ne force pas les sentiments. Pardonne-moi, Sophie. Je ne vous gênerai plus. Et ne renonce pas à lui pour moi.»*

Un poids sest levé de ma poitrine. Nous avons bu, pleuré sur nos destins compliqués de femmes, et sommes reparties amies.

Finalement, Antoine et moi avons officialisé notre relation. Deux mois plus tard, il ma demandée en mariage. Élodie est venue à notre mariage, accompagnée dun autre homme.

Je suis tombée enceinte rapidement. Pourquoi attendre ? Jappelais souvent Élodie pour partager mes craintes. Elle me rassurait.

Nous sommes restées amies, pas rivales, encore moins ennemies. Chacune a trouvé son bonheur. Nous aurions pu nous déchirer, comme on dit que lamitié entre femmes ne résiste pas à larrivée dun homme. Mais la nôtre a tenu bon.

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