**Journal personnel 12 novembre**
Élodie et Thierry ont divorcé lorsque leur petite fille, Amélie, a eu deux ans. Thierry ne supportait plus sa femme. Toujours insatisfaite, toujours en colère. Un jour, elle lui reprochait de ne pas gagner assez, le lendemain, de ne jamais être là pour elle et leur enfant.
Thierry faisait de son mieux. En vain. Certains disaient quÉlodie souffrait de dépression post-partum. Quelle aurait dû consulter. Peut-être.
Mais Thierry en doutait. Elle navait jamais été facile, même avant la grossesse. Maintenant, cétait comme si la raison lavait quittée.
Il ne se souvenait plus de la dernière fois où il avait vu une lueur de joie sur son visage. Même avec Amélie, son irritation transparaissait, au point quil avait envie de prendre sa fille et de la protéger loin delle.
Il avait osé suggérer une thérapie. La réaction dÉlodie avait été violente.
Tu me prends pour une folle ?! Cest à cause de toi si je suis comme ça !
Il nen pouvait plus. Il a demandé le divorce. Par pure vengeance, Élodie a emmené Amélie dans une autre ville, sans laisser dadresse ni réclamer une pension.
Thierry a cherché, puis abandonné. Il aimait Amélie, mais lidée des conflats avec son ex-femme la fait renoncer.
Élodie, elle, a gardé sa rancœur. Convaincue quil lavait quittée pour une autre, elle reportait sa colère sur Amélie.
Jamais de coups, jamais de cris. Juste une atmosphère étouffante.
Aucune fête à la maison. Amélie a découvert les anniversaires à la maternelle.
Maman, aujourdhui, cétait lanniversaire de Lucas ! Il a eu des cadeaux ! Et moi aussi, un jour ?
Non. Cest stupide. Tu nas rien fait pour mériter ça. Cest moi qui tai portée, cest à moi de fêter ça !
Pas de Noël non plus. Heureusement, le Père Noël passait à lécole. Cétait son seul cadeau.
Élodie détestait les rires. Quand Amélie regardait un dessin animé et sesclaffait, elle la grondait.
Arrête de hennir comme un cheval ! Ce nest pas drôle.
Amélie a appris que sourire était mal. La joie était suspecte.
Était-ce une maladie ? On ne saura jamais. Élodie refusait les psys, quelle jugeait inutiles. Pour elle, la vie nétait pas une partie de plaisir.
Amélie a goûté son premier bonbon à lécole, lors dun anniversaire. Une révélation.
La nuit, elle rêvait den acheter des kilos. Cette pensée la réchauffait, et un sourire fugace apparaissait.
Que serait-elle devenue si Élodie avait vécu ? Elle devenait chaque année plus aigrie. Les voisins lévitaient. Les vieilles dames se signaient à son passage.
La haine a fini par la ronger. Un cancer. Trop tard quand lambulance la emmenée.
Une voisine a recueilli Amélie. Avant de partir, Élodie lui a donné le nom du père et sa ville. Preuve quelle tenait tout de même à sa fille.
Thierry, remarié depuis six mois, a été contacté par les services sociaux. Sa nouvelle femme, Anne, la encouragé à aller chercher Amélie.
La petite avait peur. Elle imaginait le pire.
En route, Thierry a acheté une peluche chat géante et des bonbons.
En entrant, il a vu Amélie recroquevillée. Mais ses yeux se sont illuminés devant les sucreries.
Celui qui apporte des bonbons ne peut pas être méchant, a-t-elle pensé.
La voisine lui a tout raconté.
Elle ne saluait personne. Jamais un sourire. Et cette pauvre petite vivait dans la peur.
Le cœur de Thierry sest serré. Il sen voulait. Il aurait dû se battre pour elle.
Une fois les formalités réglées, il a emmené Amélie chez lui.
Ton anniversaire approche, a-t-il dit en souriant. Que veux-tu comme cadeau ?
Amélie la regardée, étonnée.
Maman disait que cétait idiot. Que je ne méritais pas de fête.
Ce nest pas vrai Tout le monde a le droit dêtre heureux ce jour-là, a-t-il répondu, la voix nouée.
Alors un paquet de bonbons ?
Thierry na pu que hocher la tête.
Ce soir-là, après avoir couché Amélie, il sest enfermé dans la cuisine et a vidé un verre de vin dun trait.
Elle ne fêtait même pas son anniversaire a-t-il murmuré quand Anne est entrée. Elle ma demandé des bonbons en cadeau Comme si cétait un luxe Mon Dieu, comment ai-je pu laisser faire ça ?
Anne la pris dans ses bras.
Ne la juge pas trop durement. La vie la déjà punie.
Ce nest pas elle que je juge. Cest moi. Je me suis menti en me disant quAmélie allait bien. Et maintenant, je découvre une enfant qui a peur dêtre heureuse.
Anne a eu droit à une fête magnifique. Une semaine plus tard, la maison était décorée de ballons. Un gâteau au petit-déjeuner, sept cadeaux un par année passée , une journée au parc dattractions.
Les enfants sadaptent vite. Surtout au bonheur. En un mois, Amélie riait aux éclats, criait de joie, faisait des câlins.
Un an plus tard, elle a appelé Anne « maman » pour la première fois. Parce que, malgré tout, elle en était une bien meilleure quÉlodie.
**Leçon du jour :**
Parfois, on croit épargner une bataille en renonçant. Mais ce sont ceux quon aime qui en paient le prix. Mieux vaut se battre trop tôt que regretter trop tard.







