Dans un rêve étrange où la logique se dissout comme du sucre dans du thé, une boutique de robes de mariée luxueuse flottait au cœur de Paris, ses vitrines scintillantes reflétant les lumières dorées de la Tour Eiffel. Là travaillait Théo, un vendeur imbu de lui-même, obsédé par les détails clinquants et les clientes au portefeuille épais. Son matérialisme le rendait aussi tranchant quune lame de rasoir.
Un après-midi où le temps semblait sêtre arrêté, une vieille dame nommée Colette poussa la porte. Lair était si calme quon entendait presque le froissement des tissus de soie. Colette, vêtue dune robe dun autre siècle et les cheveux ébouriffés comme après une promenade dans le Mistral, contrastait violemment avec lélégance clinquante des lieux. Elle, qui préférait toujours la douceur dun sourire aux paillettes superficielles, avait pourtant décidé de soffrir une robe somptueuse pour son mariage dété.
Théo leva les yeux, grimacea, et replongea dans son téléphone.
« Mon Dieu, on dirait que Tante Yvonne sest échappée de son album photo des années 60, murmura-t-il à sa collègue Élodie. Économisons-nous du temps, mémé : ici, cest pour les gens qui savent compter jusquà mille euros sans sévanouir. »
Élodie lui lança un regard noir. « Arrête tes bêtises, Théo. Va laider, ou je te jure, je te transforme en porte-manteau. »
Colette sapprocha, son sourire aussi fragile quune feuille dautomne. « Excusez-moi, jeune homme, pourriez-vous maider ? »
Théo soupira, les yeux toujours rivés sur son écran. « Écoutez, mamie, soyons francs : votre style crie marché aux puces. Allez donc voir du côté de chez Emmaüs, ils ont sûrement de quoi vous contenter. »
« Vraiment ? Tout cela se voit dun coup dœil ? » répondit Colette, sa voix aussi douce que coupante.
À cet instant, une jeune femme vêtue de blanc, lair aussi riche quune pub pour champagne, fit son entrée. Théo bondit comme un chien devant une friandise.
« Bonjour, madame ! Vous êtes radieuse aujourdhui ! Dites-moi tout de vos rêves de mariée ! » sexclama-t-il, abandonnant Colette comme un vieux sac.
Élodie, revenue avec des cartons plein les bras, vit la déception sur le visage ridé de Colette. « Ne faites pas attention à lui, madame. Venez, je vais vous montrer nos plus belles pièces. »
Colette essaya plusieurs robes, et tomba en extase devant la plus chère, une merveille de dentelle et de perles. Pendant ce temps, la jeune influenceuse essaya dix robes, prenant des selfies sous tous les angles avant de déclarer :
« En fait, je ne prends rien. Javais juste besoin de photos pour Instagram. »
Théo resta bouche bée.
Au comptoir, Colette sortit un sac en toile rempli de billets. Elle paya la robe en espèces et laissa un pourboire de 5000 euros à Élodie.
« Euh cest très généreux, madame », balbutia Théo, soudain transpirant.
« Madame ? Tout à lheure, jétais mémé, non ? » rétorqua Colette, un sourire énigmatique aux lèvres.
Théo rougit comme une tomate. Colette se tourna vers Élodie :
« Vous êtes invitée à mon mariage, bien sûr. Mon futur époux adore les gens qui voient au-delà des apparences. »
Plus tard, Élodie expliqua à Théo, toujours aussi confus :
« Colette est infirmière. Elle a rencontré son futur mari, un veuf millionnaire, en le soignant après un accident. Elle ignorait quil était riche jusquà ce quil quitte lhôpital. »
Le jour du mariage, sous les ors dun château en Provence, Élodie but du champagne en riant de la leçon que la vie avait infligée à Théo.
Morale de ce rêve surréaliste ? Les apparences sont aussi trompeuses quun mirage dans le désert. Et parfois, les vieilles dames aux cheveux en bataille portent des sacs pleins de billets et de surprises.
