Seule Ma Destinée

Oh, tu sais quoi ? Je te raconte cette histoire qui ma vraiment touchée

Maman, quest-ce que tu fais ici ? sétonna Élodie en apercevant sa mère dans la salle dattente de la maternité.
Oh, ma chérie, tu as aussi un rendez-vous aujourdhui ? Tu ne men as pas parlé hier murmura Sylvie en baissant les yeux, gênée.
Maman, cest pour les femmes enceintes. Pourquoi tu es là ? Élodie passa une main sur son ventre arrondi.
Élodie, je voulais te lannoncer Sylvie chercha ses mots, nerveuse. Enfin moi aussi, jattends un bébé.

Sylvie avait eu Élodie à dix-huit ans. Le père de la petite ne sétait jamais occupé delle, payant à peine une pension alimentaire, et encore, après des mois de procédures. Mais Sylvie adorait sa fille. Elle travaillait deux emplois, cousait des vêtements la nuit. Ses amies hochaient la tête : « Pourquoi tépuises-tu comme ça ? Tu gâches ta jeunesse ! » Mais Sylvie ne les écoutait pas. Elle voulait que sa petite nait jamais de regrets. Les meilleurs chocolats, les manteaux à la mode, les poupées les plus chères tout ce quÉlodie désirait. Elle se privait de tout, mais jamais sa fille ne manquait de rien.

Élodie sétait habituée au luxe. Largent ne comptait pas si elle voulait quelque chose, elle lavait. Elle avait même pu partir en vacances à Nice avec sa classe. Quand vint le moment de choisir une université, elle opta pour la plus prestigieuse, en filière payante. Sylvie navait même pas discuté.

En troisième année, Élodie rencontra Thomas. Plus âgé, il terminait ses études. Sylvie lapprécia tout de suite un garçon sérieux, la tête sur les épaules. Elle se réjouissait : enfin, sa fille aurait un mari solide, un soutien. Même si elle avait un enfant, elle ne serait pas seule.

Et cest ce qui arriva. Élodie tomba enceinte. Thomas lui proposa le mariage aussitôt. Ils organisèrent une somptueuse cérémonie, moitié financée par ses parents, moitié par Sylvie, qui leur offrit aussi un séjour à Biarritz.

Thomas, on va se promener ? suggéra Élodie.
Bien sûr. Il fait beau, et ce nouveau café a lair sympa. On pourrait y aller, répondit-il en caressant son ventre.

Ils se baladèrent dans le parc, nourrirent les pigeons, puis entrèrent dans le café. À peine assise, Élodie pâlit.
Quest-ce quil y a ? sinquiéta Thomas.
Maman souffla-t-elle.

À deux tables deux, Sylvie était en compagnie dun homme inconnu.
Ah, cest vrai ! se retourna Thomas.

Sylvie les remarqua et sourit timidement.
Allons leur dire bonjour. Qui est-ce avec elle ? commença à se lever Thomas.
Non, restons ici. Je ne veux même pas la voir ! Élodie se leva dun coup et sortit en trombe.

Thomas paya et la rattrapa. Sur le trottoir, Élodie était déjà en pleine dispute avec sa mère :
Cest qui, ce type ?! Tu as oublié que tu allais être grand-mère ?
Élodie, tu es adulte maintenant. Je tai élevée, est-ce que je nai pas droit à ma vie ?

Thomas intervint avec tact :
Tout va bien, Sylvie ?
Oui, Thomas, ce nest rien

On sen va ! Élodie attrapa son mari par le bras et lentraîna.

Élodie était habituée à ce que sa mère lui appartienne. Lidée quelle puisse avoir un homme lui était insupportable. Pourtant, Sylvie navait jamais fréquenté personne par peur de la réaction de sa fille.

Jusquà ce que son patron, Alain, commence à lui faire la cour. Elle lappréciait depuis longtemps, mais navait jamais osé faire le premier pas. Quand il se déclara, elle céda.

Ils se mirent en couple. Alain lui proposa même de vivre ensemble. Sylvie hésita, mais finit par accepter. Seulement, comment lannoncer à Élodie ? Et puis, cette rencontre malheureuse au café

Puis Sylvie découvrit quelle était enceinte. À quarante-trois ans, cétait tard, bien sûr. Mais elle ne voulut même pas envisager une interruption. Alain était fou de joie il navait pas denfant, et voilà quil allait devenir père.

Après le café, Élodie cessa de répondre au téléphone. Sylvie navait des nouvelles que par Thomas. Puis, cette autre rencontre à la maternité. Après ça, plus rien. Élodie bloqua son numéro, ignora ses messages.

La naissance de sa petite-fille, Sylvie lapprit par son gendre.
Une fille, 53 cm, 3,2 kg ! annonça Thomas, heureux.
Félicitations ! On peut venir la voir ? murmura Sylvie, les larmes aux yeux.
Je vais essayer de convaincre Élodie

Mais elle refusa net. Sylvie sinquiétait, bien quelle fût déjà à six mois de grossesse et que les médecins lui aient interdit le stress.

Quatre mois plus tard, elle mit au monde une petite fille. Elle écrivit à Élodie pour lui annoncer quelle avait une sœur. Silence en retour. Seul Thomas envoya des fleurs et appela.

Les années passèrent. Les fillettes grandirent. Élodie et Thomas nommèrent leur fille Léa. Sylvie et Alain choisirent Camille, en hommage à la grand-mère. Thomas envoyait parfois des photos : « Première dent ! » ou « Elle marche toute seule ! » Sylvie espérait quà lentrée au CP, Élodie sadoucirait. Mais elle resta inflexible comme si elle avait encore quelque chose à lui reprocher.

Pour les sept ans de Léa, Sylvie appela Thomas :
Venez à la maison avec Léa. On a hâte de vous voir.
Je vais essayer de la convaincre

Le soir, Thomas transmit linvitation.
On nira pas, coupa Élodie.
Mais cest ta mère et ta sœur, tenta-t-il.
Elle ma trahie. Et je ne veux pas voir cette petite.

Ils vécurent ainsi, côte à côte mais séparés. Sylvie et Alain dans une maison en banlieue, Élodie et Thomas dans un quartier résidentiel. Parfois, Élodie entendait parler de sa mère par des amis communs : « Elle est à lhôpital », « Camille a de la fièvre ». Au fond delle, elle avait envie daller la serrer dans ses bras, comme avant. Mais la jalousie et la colère prenaient le dessus.

Thomas, il faut acheter des barrettes et des chaussures pour Léa, dit Élodie pendant le dîner.
On a le temps. Je narrive pas à croire quelle a déjà sept ans
Maman, je peux ne pas aller à langlais ? fit Léa en entrant dans la cuisine.
Non ! On a changé dappartement exprès pour cette école !

Comme Sylvie autrefois, Élodie voulait le meilleur pour sa fille.

Le jour de la rentrée, Thomas prit un jour de congé pour accompagner Léa. Cétait loin, mais cétait une école réputée, avec un programme bilingue.

Lappel des élèves, les félicitations
CP A ! annonça la maîtresse.
Cest nous ! chuchota Élodie en guidant Léa vers le groupe.

Et soudain, parmi les parents, elle aperçut sa mère. Leurs regards se croisèrent. Une seconde. Puis Élodie courut vers elle, et les larmes quelle avait retenues si longtemps coulèrent enfin. Sylvie la serra fort contre elle, comme quand elle était petite, et à cet instant, toutes les rancunes sévanouirent, comme si elles navaient jamais existé.

Оцените статью