Je n’aime plus, je ne souffre plus…

Tu sais, on dit souvent quon ne construit pas son bonheur sur le malheur des autres, hein ? Anne ma lancé un regard mi-reproche, mi-amusé. « Bien sûr quon me la dit, et je lai lu dans les livres. Mais quand tes gamine, ça ne te parle pas vraiment. Tu sais même pas ce que cest, le bonheur ou le malheur. À cet âge-là, tu penses aux bonbons, aux glaces, aux dessins animés, au ciné »

Et puis, dans ma famille, tout le monde était en deuxième ou troisième mariage. Alors, où aurais-je pu apprendre la morale ?

Anne, cest ma pote, toujours impeccable, intègre. Elle ne me juge jamais, au contraire. Avec un verre de vin à la main, elle écoute mes histoires damour tordues avec un sourire. Mais elle, elle ne peut pas se permettre ça. Professeure à luniversité, elle doit garder une image irréprochable.

Sa vie de couple ? Stable, solide. Dans leur jeunesse, son mari, Vincent, passait son temps dans les bras de Bacchus, faisait des scandales, essayait de la tromper. Elle la fait sevrer, définitivement. Maintenant, à table, il râle parfois : « Faut bien que je me détende, non ? » Et Anne, imperturbable, répond : « Si tu ne sais pas te tenir, abstiens-toi. »

Vincent a fini par se taire. Avec les années, il a appris à se contenter de servir lapéro aux invités. Il verse religieusement, surveille les verres, propose des amuse-bouches. Parfois, Anne lemmène en vacances Majorque, la Côte dAzur. Mais même là-bas, il trouve le moyen de mal se conduire.

« Tu te rends compte ? me raconte Anne, de retour de Barcelone. Pendant que je me baignais, ce chien draguait une fille un peu trop délurée au bar. Ils sirotaient des cocktails, riaient Et ses yeux à elle, tu aurais vu ça ! Elle le voulait, mon Vincent. Bon, je me suis dit : Attends de rentrer à lhôtel, mon grand Tu vas voir ce que tu vas voir ! »

« Il a nié, jimagine ? » que je demande en riant.

« Évidemment ! Il ma traitée de parano, » soupire-t-elle, sceptique.

« Et toi ? »

« Oh, je men fiche. Quil rêve un peu. De toute façon, où irait-il, avec son salaire de misère ? Même si une veuve désespérée le ramassait, elle le virerait au bout dun mois. Il a rien à offrir, à part son regard de chien battu. »

Quand jai rencontré Thomas, jai tout de suite senti que ça allait mal tourner. Marié, deux enfants. Jai essayé de résister, mais cétait plus fort que moi. Une passion destructrice.

Ma conscience me chuchotait : « Arrête ! Ne touche pas à cette marmite bouillante. Tu as une famille, pourquoi tembarquer avec un homme marié ? Tu vas souffrir, tu vas pleurer toutes les larmes de ton corps. »

Mais jai foncé tête baissée. Je ne pouvais pas vivre un jour sans lui. On sest noyés lun dans lautre, jusquà létouffement. Et quand tous les obstacles ont été balayés On sest retrouvés seuls, face à cette passion toxique.

Au bout de six mois, la vérité est apparue : on navait rien en commun. Mais on saccrochait, on croyait encore à notre amour. Moi, je lai ranimé cent fois.

Thomas buvait sans retenue, mentait effrontément, levait même la main sur moi. On venait de mondes trop différents. Je le jetais dehors, changeais les serrures, coupais mon portable. Il disparaissait des semaines, puis revenait avec des fleurs et des nuits enflammées.

Je cédais, parce que je laimais malgré tout. Jaurais dû tourner la page. Il ma vidée, brisée, écrasée. Alors, pour me venger, je me suis jetée dans une nouvelle relation.

Un soir, après une dispute avec Thomas, jai appelé un ancien prétendant, François. Lopposé total de Thomas : calme, poli, sobre. Au début, ça ma plu. Mais très vite, lennui ma gagnée. Une vie sans étincelle, sans montagnes russes. Jai regretté de lavoir laissé entrer dans ma vie. Il a mis du temps à comprendre quil ny avait plus rien à attendre.

Je suis restée seule. Enfin libre. Un mois de paix.

Et puis, Thomas a demandé à me voir. Jai couru, le cœur battant.

« Laure, séparons-nous. On va finir par se détruire, » murmure-t-il en évitant mon regard.

« Tu as raison. On ne peut plus vivre ensemble. »

On est partis chacun de notre côté. Pour trois jours. Puis, un coup de sonnette. Thomas, devant ma porte, une bouteille de champagne à la main, le regard brûlant.

Cette nuit fut un brasier. Nos corps enchevêtrés, on sest envolés, étouffés damour. Je savais que le matin napporterait rien de bon. Une nuit trop parfaite, trop intense

Et en effet. Le pire était à venir. Thomas ma avoué devoir une somme énorme à des types peu recommandables. Des dettes de jeu. On a tout vendu son appartement, sa voiture pour rembourser.

Après ça, ma passion sest éteinte. Cette dette a été la goutte deau. Aujourdhui, plus rien. On est comme des amis lointains, des cousins éloignés. On rit, on parle, on dort dans des lits séparés.

Jai bu la coupe jusquà la lie. Le bonheur ne sest pas construit.

Jai fini par désaimer, par guérir.

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