Le médecin a examiné mes résultats d’analyse et a immédiatement convoqué le chef de service

Le médecin examina mes résultats et fit immédiatement appel au chef de service.
Ça fait longtemps que ça vous tracasse ? demanda-t-elle en palpant avec attention le ventre de Sophie Lefèvre.

Depuis deux semaines environ. Mais cette douleur aiguë est apparue il y a trois jours.

Le docteur Jeanne Dubois fronça les sourcils en annotant le dossier.

Et un jaunissement de la peau ou du blanc des yeux, vous avez remarqué ?

Sophie cligna des yeux, perplexe :

Vraiment ? Je nai rien vu de spécial

Cest léger, mais présent. La médecin posa son stylo. Il faut faire une échographie et des analyses immédiatement. Vous êtes disponible maintenant ?

Oui, bien sûr. Je nai pas cours cet après-midi.

Les deux heures suivantes furent une succession interminable de salles dexamen, de prises de sang et dattente. Léchographie révéla un foie gonflé et une sorte de masse, sur laquelle le médecin resta évasive : « Il faut attendre tous les résultats. »

Sophie rentra chez elle épuisée. Ce nétait pas tant la douleur qui linquiétait, mais lincertitude. Vingt-cinq ans à enseigner la littérature au lycée lui avaient appris à apprécier la clarté et la précision.

Lappartement était vide. Sa fille Élodie étudiait dans une autre ville, et son mari lavait quitté cinq ans plus tôt pour une jeune collègue. Minou, son chat fidèle, sauta sur ses genoux, réclamant des caresses.

Alors, mon vieux, on va prendre le thé et relire Maupassant ? murmura-t-elle en lui grattant derrière les oreilles.

La soirée se passa en tentatives de distraction. Corriger des copies, regarder une série, appeler Élodie. Mais ses pensées revenaient sans cesse aux résultats à venir.

Le lendemain matin, le docteur Dubois lappela elle-même :

Sophie, il faut venir à la clinique aujourdhui. Les résultats sont là.

Une pointe dinquiétude perçait dans sa voix, malgré son ton professionnel. Le cœur de Sophie se serra.

Dans le bureau, seul le tic-tac de lhorloge rompait le silence. Le docteur Dubois feuilletait des dossiers, évitant son regard.

Sophie, vos enzymes hépatiques et votre bilirubine sont élevées. Combiné à léchographie Elle hésita. Il faut consulter à lhôpital régional. Jai prévenu le chef du service de gastro-entérologie, il vous recevra demain.

Cest grave ? Sa gorge était sèche.

Je ne veux pas vous alarmer prématurément, mais oui, cest préoccupant. Une hospitalisation est probable.

Le lendemain, Sophie attendait dans limmense bâtiment gris de lhôpital, sentant leau de Javel et parcourant des couloirs sans fin.

Un jeune médecin, se présentant comme le docteur Laurent Moreau, fut attentif et poli. Il posa des questions sur ses symptômes, ses habitudes, ses antécédents, étudiant minutieusement les résultats.

Votre travail est stressant ?

Professeure de littérature en terminale, répondit-elle.

Et vos vacances ? La dernière fois où vous avez vraiment déconnecté ?

Sophie sourit :

Je crois que ça nest jamais arrivé. Même lété, on prépare la rentrée.

Le médecin secoua la tête et reprit les analyses. Soudain, son expression changea. Il relut une page, puis une autre, croisa les données.

Attendez une minute, dit-il en sortant avec le dossier.

Sophie resta seule, son cœur battant si fort quelle lentendait résonner. « Cest grave, sinon il ne serait pas parti comme ça », pensa-t-elle, luttant contre la panique.

Quelques minutes plus tard, la porte souvrit. Le docteur Moreau revint accompagné dun médecin plus âgé, barbe grise soignée.

Professeur Martin, chef de service, se présenta-t-il en lui serrant la main. Asseyez-vous, nous allons discuter.

Il examina les résultats, puis la regarda par-dessus ses lunettes :

Prenez-vous des médicaments régulièrement ? Des compléments alimentaires, peut-être ?

Non, juste des antalgiques pour les maux de tête.

Rien de nouveau récemment ?

Sophie réfléchit :

Juste ces gélules pour le foie Une voisine me les a recommandées. Jai arrêté il y a deux semaines, ça ne faisait rien.

Les deux médecins échangèrent un regard.

Vous vous souvenez du nom ?

Hépatolife, je crois. Jai encore la boîte chez moi.

Le professeur Martin se renversa dans son fauteuil :

Voilà, Sophie. Votre cas est particulier. Dun côté, vous présentez des signes de lésions hépatiques sévères. De lautre, certains résultats ne correspondent pas. Nous suspectons une réaction médicamenteuse.

À cause de ces gélules ?

Cest possible. Même les médicaments autorisés peuvent provoquer des réactions individuelles. Surtout les compléments pris sans avis médical.

Sophie ressentit un pincement de culpabilité. Elle avait acheté ces gélules sur un conseil, sans consulter.

Et maintenant ?

Des examens complémentaires. Je vous propose une hospitalisation immédiate.

La chambre à quatre lits était propre mais vieillotte. Peinture écaillée, lits grinçants, tables de nuit vintage. Ses voisines étaient deux dames âgées et une jeune fille dune vingtaine dannées.

Nouvelle ? demanda lune des femmes, Antoinette. Vous êtes ici pour quoi ?

Un souci de foie, répondit Sophie, évasive.

Ah, comme tout le monde ici ! sexclama Antoinette. Moi, cest la vésicule. Et la petite Clara, là-bas, elle a une hépatite auto-immune.

La soirée passa en conversations. Sophie apprit les histoires de ses voisines et la moitié du service. Antoinette était une source intarissable de ragots sur le personnel.

Le professeur Martin, cest une perle, confia-t-elle. Par contre, le jeune Moreau, il est un peu feignant Mais compétent.

Le lendemain, ce fut une nouvelle série dexamens. Prise de sang, échographie, radio. Laprès-midi, Sophie fut convoquée dans le bureau du chef de service.

Le professeur Martin avait étalé les résultats devant lui.

Asseyez-vous. Après analyse, je penche pour une hépatite médicamenteuse. Ces gélules contenaient un composant potentiellement toxique pour votre foie.

Alors ce nest pas un cancer ? osa demander Sophie, prononçant sa plus grande peur.

Le professeur secoua la tête :

Non, heureusement. Les anomalies à léchographie sont réversibles.

Un poids immense tomba des épaules de Sophie. Elle retint des larmes de soulagement.

Je vais vivre ? sourit-elle.

Tout à fait. Mais le traitement sera sérieux. Et plus dautomédication, daccord ?

De retour en chambre, Antoinette linterrogea aussitôt :

Alors, quest-ce quils ont dit ?

Une réaction aux gélules.

Oh, jen ai pris aussi, moi ! sexclama Antoinette. Sans problème.

Vous avez eu de la chance. Moi, apparemment, mon foie na pas aimé.

Le soir, le docteur Moreau vint avec les prescriptions.

Gépatoprotecteurs, vitamines, perfusions. Et un régime strict : rien de gras ni dalcool.

Docteur, pourquoi avez-vous eu lair si alarmé lors de la consultation ?

Il rougit légèrement :

Certains résultats évoquaient des pathologies très graves. Jai préféré appeler le professeur Martin. Lui a tout de suite suspecté la cause médicamenteuse.

Heureusement, sourit Sophie. Jai cru que cétait la fin.

Dans notre métier, on espère le mieux mais on se prépare au pire.

À côté deux, Clara sanglotait doucement.

Quest-ce quil y a ? senquit Sophie.

Rien Juste que, moi, cest linverse. Ils ont dabord dit que ce nétait rien, et finalement cest chronique.

Sophie sassit près delle :

Mais ça se soigne, non ?

Oui. Mais jai vingt-deux ans et je serai toujours une patiente.

Au moins, tu prendras soin de toi. Moi, je nai compris ça que maintenant.

Cette nuit-là, Sophie eut du mal à dormir. Elle pensa à sa vie, à son travail qui mangeait tout son temps, à Élodie quelle voyait si peu, aux projets toujours reportés.

« Et si cétait un signe ? » se demanda-t-elle.

Le matin, elle se réveilla avec une sensation de légèreté. La douleur avait diminué.

Au petit déjeuner, elle appela Élodie :

Allô, ma chérie ! Non, ne tinquiète pas, ça va. Je suis à lhôpital, mais cest bénin Oui, un problème de foie, mais cest réversible Dis, tu te souviens de notre projet daller à la mer ? Si on y allait cet été, dès ma sortie ?

Les deux semaines suivantes passèrent vite. Sophie se lia damitié avec Clara, qui lui rappelait Élodie. Le professeur Martin suivait ses progrès avec satisfaction.

Vous allez mieux, Sophie. Encore une semaine et ce sera la sortie.

Le docteur Moreau venait souvent discuter littérature après les rondes. Ils parlaient pendant des heures de Flaubert et de Camus.

La veille de sa sortie, Sophie sassit dans le jardin de lhôpital. Le printemps embaumait.

Je peux me joindre à vous ? demanda le docteur Moreau. Vous partez demain ?

Oui, enfin chez moi, sourit-elle.

Nos discussions sur les livres vont me manquer, avoua-t-il. Dans ce métier, on parle rarement dautre chose que de maladies.

Moi aussi. Qui aurait cru quon trouverait une âme sœur à lhôpital ?

On pourrait continuer à se voir ? proposa-t-il timidement. Juste pour parler livres

Pourquoi pas ? Jaurai enfin du temps pour moi.

En la quittant, le professeur Martin lui serra la main :

Prenez soin de vous, Sophie. La santé, on ne la remarque souvent que quand elle nous manque.

Je men souviendrai. Et merci. Sans votre expérience

Cest mon travail. Je suis content que tout sarrange.

Chez elle, Minou laccueillit avec des miaulements joyeux. Elle respira lair familier de son appartement. Rien navait changé, sauf elle.

Elle sortit un vieil album photo, retrouva des clichés de la plage avec Élodie enfant. Puis elle ouvrit son ordinateur : « Nice, juin », tap

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Тени утраченного счастья: драма на краю мира