Leur mère les avait placées en orphelinat juste après le Nouvel An…
Les fillettes pleuraient. Elles avaient grandi dans un foyer aimant. Quand leur mère arrangeait sa vie sentimentale, ce quelle faisait sans cesse, les sœurs, Adèle et Élodie, vivaient chez leur grand-mère. Mais à la Saint-Nicolas, leur grand-mère sétait éteinte, et leur mère les avait envoyées à lorphelinat. Non, elle nétait pas une débauchée, elle ne buvait pas, ne fumait même pas. Mais était-ce juste que son ex-mari vive comme il lentendait, tandis quelle devait soccuper seule de deux enfants ?
La mère déboutonnait le manteau dÉlodie en murmurant : « Arrêtez de pleurer, les circonstances lont voulu, suis-je coupable ? Vous serez bien ici, vous me remercierez plus tard ! » Élodie, âgée de seulement trois ans, suffoquait de sanglots, ne comprenant pas vraiment ce qui se passait. Mais en voyant les yeux durs de sa mère et le visage terrifié de sa sœur aînée, Adèle, sept ans, elle sentait que tout allait mal. La mère siffla entre ses dents : « Ne me faites pas honte, je ne vous abandonne pas. Je viendrai vous chercher quand je serai stable. À Pâques, je reviendrai ! » Les filles, bien que sanglotant encore, se calmèrent : maman avait promis de revenir !
Sadapter à lorphelinat fut difficile, même si les éducatrices les aimaient pour leur douceur et leur tendre complicité. Adèle impressionnait par ses grands yeux noirs sérieux, tandis quÉlodie ressemblait à un petit nuage blond et joyeux. Élodie tirait Adèle par la manche : « Quand est-ce que Pâques arrive ? Elle viendra nous chercher ? » Adèle répondait avec patience : « Pâques, cest une fête au printemps, tu te souviens quand mamie peignait les œufs ? » Élodie hochait gravement la tête, mais ses cils se mouillaient en repensant à leur grand-mère. Adèle, elle aussi, aurait voulu savoir quand Pâques viendrait. Elle demanda à léducatrice, madame Isabelle, qui lui offrit un petit calendrier : « Vois-tu, Pâques est ce jour-là, je lai entouré. Chaque chiffre est un jour. À ton âge, je barrais les jours jusquaux vacances. » Adèle fit de même, et la chaîne de chiffres raccourcissait lentement.
Le matin de Pâques, Élodie courut vers Adèle, serrant un œuf rouge dans ses mains : « Dada ! Dada ! Maman vient aujourdhui, je suis sage, et toi, Ada, tu es sage ? » Adèle, elle aussi, attendait avec impatience. Mais laprès-midi passa, et lespoir se mua en larmes. Le soir, Adèle consola Élodie : « Maman a dû prendre le car, et les routes sont mauvaises. Je lai entendu dire ! Ne pleure pas, elle viendra demain. » Élodie avala ses larmes. Mais leur mère ne vint jamais, malgré leurs excuses inventées chaque jour.
Un matin, Adèle ne trouva plus Élodie. On lui expliqua que sa mère était revenue pour une seule. Bien plus tard, Adèle apprit quelle avait été abandonnée. Mais la chance lui sourit : sa tante Valérie, sœur de son père, la retrouva. Douce et aimante, Adèle lappela bientôt « maman ».
Les années passèrent. Adèle devint infirmière, se maria, eut un fils. Une vie modeste, mais heureuse. Puis, une lettre arriva. DÉlodie.
« Bonjour, ma chère sœur ! Tu ne te souviens sûrement plus de moi ? Je me rappelle seulement de tes nattes et tes pantoufles à carreaux. Jai tant envie de te revoir ! Nous sommes revenus dans la région, à Lavande-sur-Loire. Puis-je venir te rendre visite ? »
Adèle haussa les épaules. Étrange, cette invitation à soi-même. Mais elle accepta.
Élodie, dans une veste bleue, boitillait en agitant la main. Elle reconnut Adèle dans la foule et létreignit en pleurant : « Ma sœur, je tai reconnue tout de suite ! » Adèle grogna, mais ses yeux piquèrent.
Au dîner, Élodie raconta : « Ne sois pas fâchée contre maman. Son nouveau mari, Serge, a accepté de nous prendre, mais elle a eu peur de venir pour deux. Puis ils ont eu un fils, puis une fille une vraie poupée ! Serge est un bon menuisier, nous allons même dans le Midi parfois. Mais en sixième, un taureau ma blessée. Depuis, je boite. Ton gâteau est délicieux, peux-tu me donner la recette ? »
Adèle demanda : « Et toi, tu travailles ? Tu étudies ? Tu as des amis ? Tu es si jolie ! »
Élodie rougit : « Jai été longtemps soignée Je fais le ménage, ou jaide Serge. Maman est comptable à la mairie. Pour les amis avec ma jambe Mais je my suis fait







