Aujourdhui, jai décidé décrire sur la douleur que je porte en moi. Notre fille avait honte de nous parce que nous étions de la campagne. Elle ne nous a même pas invités à son mariage
Mon mari et moi avons toujours vécu simplement, mais avec dignité. Notre maison, le potager, les vaches, les soucis du quotidien toute notre vie tournait autour dun seul but : élever notre unique fille pour quelle devienne une personne de valeur. Pour elle, nous étions prêts à tout. Le meilleur était toujours pour Élodie. Des chaussures neuves ? Bien sûr. Un manteau pour ne pas être en retard sur les filles de la ville ? Sans hésiter. Nous prenions sur notre peu pour quelle ne manque de rien. Elle a grandi belle, intelligente. Elle avait de bonnes notes, rêvait de vivre à Paris. Et nous ne pouvions que nous réjouir notre Élodie aurait un destin différent du nôtre.
Mon mari, avec laide de connaissances, a réussi à linscrire dans une université prestigieuse à Lyon. En filière publique. Nous étions fiers comme si cétait notre propre victoire. Nous lavons soutenue comme nous pouvions financièrement et moralement. Chaque fois quelle rentrait à la maison, cétait une fête. Nous écoutions ses histoires comme des contes de fées : son emploi dans un bureau, son fiancé issu dune famille aisée Théo, fils dun industriel. Elle rayonnait en parlant de lui. Et nous pensions seulement : pourvu que le mariage arrive vite
Mais les années passaient, et la demande officielle ne venait jamais. Un jour, mon mari na plus pu supporter lattente : « Invite Théo ici, au moins nous ferons sa connaissance ! » Elle a hésité, trouvé des excuses sur son travail. Une fois, puis une autre. Nos doutes grandissaient. Quelque chose clochait. Jusquà ce que nous décidions, mon mari et moi : allons à Lyon. Nous avons retrouvé son adresse dans de vieux papiers. Acheté des gâteaux, mis nos plus beaux habits, et nous sommes partis.
Lappartement était somptueux. Pierre, verre, sécurité. Un homme aimable nous a accueillis et nous a fait entrer. Un luxe digne dun film. Nous restions immobiles, ne sachant où regarder, jusquà ce quon nous invite au salon. Cest alors que je l’ai vue. Sur la table, une grande photo de mariage encadrée. En robe blanche, un bouquet à la main notre Élodie. Mon mari est devenu pâle comme sil sétait changé en pierre. Et jai senti le sol se dérober sous mes pieds.
« Pourquoi nêtes-vous pas venus au mariage, dailleurs ? » a demandé Théo soudainement.
Nous avons échangé un regard. Que lui répondre ? Que nous ignorions jusquà son existence ? Cest à ce moment quelle est apparue. Élodie. Son visage a blêmi, ses lèvres tremblaient. Je lui ai fait signe de nous suivre pour parler. Dabord, elle a tenté de nous éviter, mais elle a fini par céder :
« Je ne vous ai pas invités parce que vous êtes de la campagne. Javais honte. Je ne voulais pas que tout le monde sache que mes parents sont de simples paysans »
Ce mot ma transpercé le cœur. Un coup de couteau. Comment ça ? Nous ? Honte ? Nous qui lui avons tout donné ? Qui avons travaillé sans relâche pour quelle ait un avenir ?
« Et Théo ? » ai-je demandé, à peine capable de respirer. « Il était au courant ? »
« Oui. Il voulait que vous soyez là. Il avait même envoyé une invitation, mais je lui ai dit que vous aviez refusé »
Et voilà. Nous étions la honte quelle cachait. Elle ne nous a même pas laissé la chance dêtre là pour le jour le plus important de sa vie. Elle ne nous a rien dit, rien expliqué, elle nous a simplement effacés.
Nous sommes repartis le jour même. Sans larmes, sans cris. Juste un vide dans lâme. Comment avancer quand son propre sang vous tourne le dos ? Comment croire que tout cela na pas été vain ? Que nous navons pas élevé une étrangère ?
Depuis, Élodie ne donne plus signe de vie. Et nous, nous nous taisons aussi. Non par rancune par amertume. Parce que nous ne savons pas quoi dire à celle qui nous a trahis si facilement.
