**La vie nous oblige à revoir nos plans**
Jai grandi dans une famille modeste, à Paris, dans un petit appartement HLM. Mes parents, tous deux ingénieurs, peinaient à joindre les deux bouts. Je me souviens davoir envié les filles de mon école, toujours bien habillées, alors que je navais que mon uniforme et deux ou trois robes.
Alors, en sortant du lycée, je me suis juré une chose :
*« Ma vie sera différente. Mon chez-moi sera différent. »*
Et jy suis arrivée. Pas tout de suite, bien sûr. Jai dabord enseigné le français et la littérature dans un collège, puis jai travaillé dans une administration locale. Un jour, une ancienne camarade de fac ma proposé un poste dans sa boîte, une entreprise avec des investissements étrangers.
*« Viens, Élodie, tu ne risques rien. Les salaires sont bons »,* ma-t-elle dit en mentionnant un chiffre qui ma coupé le souffle. *« Lambiance est super, et je te connais, tu es débrouillarde. »*
*« Merci, ma chérie, jy réfléchis. Largent ne refuse personne »,* ai-je répondu en souriant.
À cette époque, jétais déjà mariée à Théo, et notre fils, Mathis, avait quatre ans. Nous vivions chez ses parents, ce qui nétait pas idéal. Théo était prothésiste dentaire.
Ce nouveau poste a dépassé toutes mes attentes. Jadorais mon travail, et largent rentrait. Nous avons acheté un grand appartement à crédit, puis une belle voiture. Mon patron a vite remarqué mon sérieux, et les primes ont suivi. Ma carrière a décollé, et je suis devenue directrice adjointe.
Mais cela ma un peu monté à la tête, surtout face à la famille de Théo. Eux vivaient simplement, tandis que nous avions réussi.
*« Élodie, dépêche-toi, on va être en retard pour lanniversaire de ma sœur »,* ma pressé Théo ce jour-là. *« Et sil te plaît, sois sympa. Je veux que sa fête se passe bien. »*
Jai acquiescé. Javais lintention dêtre charmante. Je me suis maquillée avec soin, même si je navais pas vraiment envie dy aller.
*« Tout chez eux est terne, sans élégance »,* pensais-je en me regardant dans le miroir. *« Des salades basiques, des petits fours, pas de champagne ni de caviar Et cette vaisselle ordinaire, ce vieux canapé »*
Finalement, jai enfilé une robe élégante et suis sortie de la chambre. Théo et Mathis mattendaient.
*« Enfin ! »*
En montant les cinq étages sans ascenseur, en entrant dans leur petit appartement, mon humeur sest assombrie. La pièce était bondée, les enfants couraient partout. Ma belle-sœur, Amélie, portait un jean usé et une chemise à carreaux.
*« Elle aurait pu shabiller un peu mieux pour son anniversaire »,* ai-je songé en masseyant.
Je lui ai offert un parfum cher.
*« Merci, Élodie, tu as toujours bon goût »,* a-t-elle dit avec gratitude.
Jai jeté un regard autour de moi. Les vieux papiers peints, la bibliothèque défraîchie Tout aurait dû être changé depuis longtemps.
Son mari, Julien, ne ma jamais plu. Il mobservait toujours avec un sourire narquois. Ce soir-là, il ma lancé :
*« Alors, Élodie, bientôt directrice générale ? »*
*« Peut-être »,* ai-je répondu sèchement.
La soirée sest passée sans heurts. De retour chez nous, Théo et moi sirotions un bon vin.
*« Tout sest bien passé, chez ta sœur »,* a-t-il remarqué.
*« Oui, sans drame. Mais tu sais bien que nous ne nous entendons pas. »*
Quelques jours plus tard, jai appris que notre entreprise allait licencier. Tout le monde pensait que je serais promue.
*« Élodie, cest toi qui vas prendre la place du directeur »,* ma dit une collègue.
Mais le PDG ma appelée dans son bureau.
*« Élodie, tu es une excellente professionnelle, mais nous devons te licencier. Cest une décision financière. »*
Je suis rentrée chez moi, abattue. Théo a tenté de me réconforter.
*« Tu retrouveras autre chose. »*
*« Avec quel salaire ? »* ai-je rétorqué.
Les semaines ont passé, mais rien. Jai fini par vendre notre voiture, et nous avons serré les dépenses.
Puis Amélie ma appelée.
*« Élodie, viens travailler avec moi au magasin. Julien veut lancer son entreprise de carrelage, et je ne peux pas gérer seule. »*
Jai été choquée.
*« Tu veux que je vende des légumes ? »*
Théo a explosé.
*« Arrête de te plaindre ! Tu refuses tout, mais tu ne fais rien. Si la vie te pousse à changer de plan, alors change ! »*
Jai réfléchi. Et jai accepté.
Les premiers mois ont été durs. Mais peu à peu, jai appris. Quand Amélie sest cassé la jambe, jai tout géré seule. Nous avons rénové le magasin, et les affaires ont décollé.
Aujourdhui, je souris en me voyant dans le miroir. Plus de tailleur, mais un jean et une chemise à carreaux. Plus de Mercedes, mais une camionnette. Et pourtant, je suis heureuse.
Parfois, la vie nous force à revoir nos rêves. Et cest peut-être une bonne chose.







