Quand le destin se trompe

**Journal intime Quand le destin se trompe**

Après avoir obtenu son diplôme de lÉcole Normale, Marianne est retournée dans son village natal pour enseigner dans lécole où elle avait elle-même étudié. Elle aimait ses collègues, elle aimait ce petit coin de campagne, et surtout, elle avait toujours eu le mal du pays, de sa maison et de ses parents.

Depuis lenfance, elle était amie avec Juliette, la fille des voisins. Elles étaient le jour et la nuit. Marianne, calme et réfléchie, tandis que Juliette, insouciante et impulsive, navait jamais eu de respect pour ses aînés, disant tout ce qui lui passait par la tête. Elles étaient dans la même classe, et sans cesse, on comparait Juliette à son amie.

Pourquoi je devrais ressembler à Marianne ? Jai ma propre tête sur les épaules, répliquait Juliette.

Une tête, oui, mais encore faut-il quelle soit bien employée, lui avait un jour rétorqué le directeur de lécole, Monsieur Laurent, en terminale, lorsquelle sétait encore fait convoquer.

Quest-ce quelle a fait cette fois ? demanda-t-il.

La professeure principale, Madame Claudine, une enseignante respectée et expérimentée, répondit presque en larmes :

Elle ma dit que je sentais la mort et que je devrais rester chez moi au lieu dessayer déduquer qui que ce soit

Monsieur Laurent resta muet un instant, tentant de la raisonner, mais Juliette fit son regard le plus innocent et déclara :

Je nai jamais dit ça. Cest elle qui invente tout.

Le directeur la laissa partir, impuissant.

Marianne fut admise à lÉcole Normale, tandis que Juliette sinscrivit dans un institut de formation médicale, faute de meilleures options. Elle étudia sans conviction, ayant toujours copié sur son amie au collège.

Juliette était belle, avec de longs cheveux noirs et une silhouette parfaite. Après ses études, elle travailla comme infirmière dans un hôpital, se montrant souvent brutale avec les patients, surtout les personnes âgées.

Ces vieux devraient déjà être au cimetière au lieu de saccrocher à leurs maladies, disait-elle sans gêne à ses collègues, qui restaient parfois interloqués.

Juliette, pourquoi as-tu choisi ce métier si tu détestes autant les patients ?

Ce nest pas ton problème. Jai pris ce que jai pu.

Les plaintes saccumulèrent, jusquà ce que le chef de service la surprenne en train de blesser une vieille dame au point de la faire pleurer. Il la convoqua aussitôt :

Vous êtes renvoyée. Je nai pas besoin dinfirmières qui humilient les malades. Ne retournez jamais dans ce milieu.

Juliette chercha alors un mari fortuné en ville, mais sans succès. Les hommes séloignaient dès quils la connaissaient mieux. Après trois ans, elle retourna au village, ayant aussi échoué comme vendeuse dans un supermarché.

Salut Marianne ! Ça va ? Je rentre au pays. Ta mère travaille à la clinique, non ? Elle pourrait me recommander ? Bon, on en reparle quand je serai là.

Dès son arrivée, elle courut voir Marianne.

Alors, raconte ! Comment tu supportes ces élèves et ces profs fous dans notre ancienne école ?

Marianne évita le sujet, servit le thé et demanda plutôt :

Pourquoi es-tu revenue ? Tu rêvais de vivre en ville.

Jai changé davis. Et toi, tu ne penses pas à te marier ?

Si. Antoine ma demandée en mariage. On se marie dans deux mois.

Qui cest ? Un prof de géographie ? Ou un fermier du coin ? Il ny a pas dhommes bien ici.

Antoine est agriculteur. Il a des terres, des animaux, des employés.

Juliette éclata de rire.

Le seul homme riche du coin, et cest le tien ? Il doit bien avoir un défaut.

Elle trouvait toujours Marianne trop ronde, bien que cela lui donnait un charme doux et féminin.

Soudain, une voix résonna :

Bonsoir, Marianne. Tu as de la visite ?

Juliette se figea. Dans lencadrement de la porte se tenait un bel homme grand et élégant, vêtu dun survêtement de marque. Une pensée traversa son esprit :

Ce magnifique homme serait le fiancé de ma grosse voisine ?

Elle se ressaisit et sourit.

Je suis Juliette. Vous devez être Antoine. Marianne ma beaucoup parlé de vous.

Ne midéalise pas trop, répondit-il en souriant tendrement à Marianne.

Ils passèrent la soirée ensemble, mais Juliette ne pensait quà une chose : Antoine devait être à elle. Elle méritait un homme comme lui.

Maman, tu as vu le fiancé de Marianne ? demanda-t-elle en rentrant. Pourquoi ne mas-tu jamais parlé de ce fermier ? Il doit être à moi.

Ma chérie, bien sûr que tu lui conviendrais mieux. Il faut juste trouver le bon moment.

Loccasion se présenta bientôt. Juliette croisa une ancienne camarade, Sophie, qui linvita à son anniversaire.

Marianne et Antoine seront là aussi.

Super, jarrive !

Ce jour-là, Marianne se sentit mal et resta chez elle. Antoine arriva seul, et Juliette en profita pour le faire boire plus que de raison. À la fin de la soirée, elle le ramena chez elle, où sa mère était absente, comme prévu.

Le lendemain, Antoine se réveilla horrifié, découvrant Juliette à côté de lui.

Non, ce nest pas possible

Si, confirma-t-elle avec un sourire.

Il senfuit, mais la mère de Marianne le chassa, lui montrant une photo compromettante envoyée à sa fille. Désespéré, il brisa son téléphone.

Juliette le rattrapa plus tard :

Tu peux me détester, mais notre enfant ny est pour rien.

Quel enfant ?

Oui, cette nuit a eu des conséquences.

Antoine, ayant grandi sans père, accepta de lépouser, bien que froidement.

Mais Juliette mentait. Un jour, alors quelle téléphonait à Sophie pour simuler une fausse couche, Antoine entendit tout. Il demanda le divorce.

Sophie, compatissante, lui révéla plus tard :

Marianne a eu un fils.

De qui ?

De toi, bien sûr. Elle vit chez sa grand-mère.

Antoine roula jusquau village et les retrouva.

Marianne enfin.

Il aperçut un landau où dormait un bébé aux yeux bleus, les siens.

Comment sappelle-t-il ?

Antoine, murmura-t-elle.

Pardonne-moi. Je ne vous abandonnerai jamais.

Elle lui pardonna. Ils eurent ensuite deux petites filles et furent heureux.

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