Ne t’avise pas de t’habiller ainsi sous mon toit» murmura ma belle-mère devant nos invités

Oh, écoute ça, ma chérie…

* Ne tavise pas de thabiller comme ça sous mon toit* murmura la belle-mère dune voix sifflante devant les invités.

*Élodie, tu nas pas vu mes lunettes ? Je crois que je les ai laissées sur la table basse* demanda Anne-Claire en passant la tête dans la cuisine où sa belle-fille préparait la salade pour le dîner.

*Regardez dans leur étui, Anne-Claire. Jai rangé le salon tout à lheure* répondit Élodie sans lever les yeux de sa découpe précise des légumes.

La belle-mère pinça les lèvres mais ne souffla mot. Dans son esprit, on ne touchait pas aux affaires des autres, même avec les meilleures intentions. Surtout pas aux siennes. Mais elle garda ses remarques pour elle aujourdhui était un jour important, et les conflits navaient pas leur place.

Cela faisait trente ans exactement quAnne-Claire avait emménagé dans cette maison spacieuse, avec ses hauts plafonds et son mobilier ancien hérité de sa propre belle-mère. Chaque recoin était marqué par son empreinte. Même si officiellement la maison appartenait désormais à son fils Antoine, elle sy sentait toujours la maîtresse des lieux.

Élodie vivait avec eux depuis seulement deux ans. Pour Anne-Claire, ce mariage avait été une mauvaise surprise son fils avait ramené à la maison une femme quil connaissait à peine depuis trois mois. Une fille moderne, diplômée, avec des idées bien trop libérées à son goût.

*La salade est presque prête* annonça Élodie en disposant son œuvre sur un grand plat. *Je dois encore me changer avant larrivée des invités.*

*Jespère que tu ne comptes pas porter cette robe rouge ?* glissa Anne-Claire dun ton faussement détaché, tout en lissant ses cheveux gris parfaitement coiffés.

Élodie sarrêta net avant de relever lentement les yeux.

*Cest justement celle que je comptais mettre. Antoine la choisie pour notre anniversaire.*

*Elle nest pas appropriée pour un dîner en famille* rétorqua la belle-mère. *Trop décolletée. Tu as cette jolie robe bleue à col Claudine que je tai offerte pour Noël.*

Élodie soupira profondément. Cette robe bleue, qui ressemblait à un uniforme de collégienne, ne lavait portée quune seule fois par politesse. Depuis, elle prenait la poussière au fond de larmoire.

*Anne-Claire, à trente-deux ans, je pense pouvoir choisir mes tenues moi-même* dit-elle calmement mais fermement.

*Bien sûr* répliqua la belle-mère avec un sourire forcé. *Mais rappelle-toi que ce sont mes amis qui viennent. Des gens dune autre génération. Avec des idées bien établies sur lélégance.*

Sans attendre de réponse, elle quitta la cuisine, laissant Élodie bouillir en silence.

Dans la chambre, Antoine enfilait une chemise repassée de frais.

*Alors, tout est prêt pour la réception des dignitaires ?* plaisanta-t-il en voyant sa femme.

*Presque* murmura-t-elle en sortant la fameuse robe rouge. *Ta mère a encore des remarques sur mes vêtements.*

Antoine passa une main dans ses cheveux :

*Ne fais pas attention. Tu sais quelle veut juste faire bonne impression devant ses amis.*

*Elle ou moi ?* Élodie examina la robe. Certes, elle était un peu audacieuse décolletée, fendue sur la jupe mais rien de scandaleux.

*Élodie, pas ce soir, daccord ?* Il lenlaça par-derrière. *Pour maman, cette soirée compte beaucoup. Trente ans dans cette maison cest presque toute sa vie.*

*Et pour moi, cest important de garder mon respect* répliqua-t-elle doucement. *Je ne suis plus une adolescente à qui on dicte sa tenue.*

Antoine hésita, tiraillé entre sa femme et sa mère.

*Porte ce que tu veux* finit-il par dire. *Tu es magnifique dans tout ce que tu mets.*

Élodie lembrassa sur la joue, refoulant son irritation. Pour lui, elle ferait un effort.

Les invités arrivèrent vers six heures. Dabord vint Marguerite avec son mari de vieux amis dAnne-Claire depuis leur temps au bureau détudes. Puis la voisine Colette, une petite femme au regard vif et à la langue bien pendue. Dautres suivirent, tous des proches de la belle-mère.

Élodie et Antoine les accueillirent dans lentrée, aidant à ranger les manteaux, échangeant des politesses. Anne-Clère trônait dans le salon, racontant ses voyages de jeunesse entre deux plats.

Lorsque tout le monde fut installé, Élodie retourna en cuisine pour les dernières touches. Elle y croisa Anne-Claire, qui sortait une tarte du four.

*Japporte les plats chauds* dit Élodie. *Ils demandent déjà ton fameux gratin.*

La belle-mère hocha la tête, mais son regard se fixa sur le décolleté dÉlodie. La robe rouge moulait parfaitement sa silhouette élégante, mais trop provocante aux yeux dAnne-Claire.

*Tu nas vraiment rien de plus discret ?* gronda-t-elle entre ses dents.

*Nous en avons déjà parlé* répondit Élodie. *Cette robe est parfaitement adaptée.*

*Dans ma jeunesse, une femme ne sexhibait pas comme ça* rétorqua Anne-Claire en posant la tarte un peu trop brusquement.

Élodie sentit la colère lui monter aux joues. Elle se contrôla pas devant les invités.

*Retournons à table* dit-elle simplement en prenant le gratin.

Dans le salon, lambiance était joyeuse. Antoine racontait une anecdote et tout le monde riait. Élodie sapprêtait à sasseoir quand Anne-Claire larrêta :

*Élodie, pourrais-tu apporter du pain ? Il ny en a plus.*

Cétait faux la corbeille était pleine. Mais Élodie acquiesça. En partant, elle entendit sa belle-mère chuchoter à Marguerite :

*Je léduque petit à petit. Les jeunes nont plus aucune notion de bienséance.*

Élodie simmobilisa, les poings serrés. Puis elle revint dans le salon, les mains vides.

*Il reste du pain, Anne-Claire* annonça-t-elle en sasseyant près dAntoine.

La belle-mère lui lança un regard noir mais se tut. La soirée continua toasts, souvenirs, discussions. Mais la tension entre les deux femmes était palpable.

Au dessert, Colette sexclama soudain :

*Ta belle-fille est splendide, Anne-Claire ! Cette robe rouge, on dirait une couverture de magazine !*

Anne-Claire sourit de force :

*Oui, Élodie aime la mode. Mais elle oublie parfois que la modestie est la plus belle parure dune femme.*

*Allons, à notre époque, il faut en profiter !* rétorqua Colette. *Je laurais portée, moi, une telle robe, si javais eu sa silhouette !*

Élodie sourit, reconnaissante. À ce moment, la bouilloire siffla.

*Je prépare le thé* proposa-t-elle.

Anne-Claire se leva aussi :

*Je taide.*

Dans la cuisine, la belle-mère ferma la porte et fit face à Élodie, le visage déformé par la colère.

*Ne te permets plus de thabiller ainsi chez moi* siffla-t-elle. *Cest indécent, vulgaire, et insultant pour moi et mes invités !*

Élodie recula, choquée.

*Anne-Claire, quest-ce qui vous prend ? Cest une robe tout à fait correcte.*

*Ne fais pas semblant !* La voix dAnne-Claire tremblait de rage. *Tu las fait exprès pour mhumilier devant mes amis. Montrer que mes règles ne comptent pas pour toi !*

*Ce nest pas vrai* répliqua Élodie. *Je la porte parce quAntoine laime. Votre fils, soit dit en passant.*

*Antoine est trop indulgent ! Et tu en profites pour le manipuler !*

La porte souvrit brusquement. Antoine était là, le visage sombre.

*Quest-ce qui se passe ?* demanda-t-il.

*Rien* mentit Anne-Claire. *Nous parlions juste de tenue vestimentaire.*

*Jai entendu, maman* dit Antoine en se plaçant près dÉlodie. *Et je naime pas ça. Élodie est ma femme. Je ne tolérerai pas quon lui parle ainsi.*

*Mais cest ma maison !* protesta Anne-Claire.

*Non. Cest notre maison. À tous les trois. Et chacun a le droit dy être à laise.*

Un silence tomba. Dans le salon, Colette racontait une histoire, déclenchant des rires.

*Je ne voulais pas de drame* murmura Élodie. *Si javais su que cette robe vous choquerait autant, jen aurais mis une autre.*

Anne-Claire les regarda tour à tour, le visage figé entre colère et regret.

*Maman* reprit Antoine doucement. *Élodie a passé la journée à cuisiner pour ton anniversaire. Elle te respecte. Mais toi aussi, tu dois la respecter ses choix, sa liberté.*

Anne-Claire baissa les yeux. Puis, lentement, elle releva la tête.

*Peut-être que jai exagéré* admit-elle à contrecœur. *Mais de mon temps*

*Les temps changent* coupa Élodie. *Mais le respect et la gentillesse, ça ne se démode pas. Je ne veux pas me battre avec vous. Je veux quon soit une famille.*

La bouilloire siffla de nouveau.

*Retournons avec nos invités* proposa Antoine.

Mais Anne-Claire retint Élodie.

*Attends. Je je veux mexcuser* avoua-t-elle, les mots lui coûtant visiblement. *Tu es très belle dans cette robe. Et Colette a raison : il faut en profiter quand on est jeune.*

Élodie resta sans voix. En deux ans, jamais Anne-Claire navait reconnu une erreur.

*Merci* murmura-t-elle. *Ça compte beaucoup pour moi.*

De retour dans le salon, personne ne semblait avoir remarqué leur absence sauf Colette, qui leur lança un regard malicieux.

La soirée se poursuivit, plus légère. Anne-Claire demanda même où Élodie avait acheté sa robe *pour une amie*.

En partant, Colette chuchota à Anne-Claire :

*Je te connais depuis cinquante ans. Et cest la première fois que je te vois texcuser. Cest bien. Ça veut dire quil y a de lespoir.*

Anne-Claire sourit malgré elle.

Plus tard, alors quÉlodie et Antoine débarrassaient, la belle-mère les arrêta :

*Laissez, nous finirons demain. Ce soir était trop agréable pour le gâcher avec la vaisselle.*

Ils échangèrent un regard surpris.

*Mais tu dis toujours quil ne faut pas laisser traîner* rappela Antoine.

*Les règles sont faites pour être enfreintes parfois* répondit Anne-Claire en souriant. *Nest-ce pas, Élodie ?*

*Tout à fait* acquiesça-t-elle, sentant quelque chose se nouer entre elles.

Antoine les serra toutes les deux dans ses bras. Trois générations, trois visions différentes mais une seule famille.

*Dites donc* ajouta soudain Anne-Claire. *Jai vu une robe presque pareille à la tienne, Élodie mais en bleu. Tu crois quelle irait à mon âge ?*

Et ils éclatèrent de rire vraiment ensemble, pour la première fois depuis longtemps.

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Ne t’avise pas de t’habiller ainsi sous mon toit» murmura ma belle-mère devant nos invités
Mon mari nous a quittés il y a un an. Aujourd’hui, j’ai reçu sa lettre retardée avec une seule phrase : ‘Ne crois pas ma mère, creuse sous le vieux pommier’.