L’homme de mes rêves a quitté sa femme pour moi, mais je n’aurais jamais imaginé comment tout cela finirait.
J’admirais Pierre depuis mes années à l’université. On pourrait dire que c’était un amour aveugle et insensé. Quand il a enfin posé les yeux sur moi, j’ai perdu la tête. C’est arrivé quelques années après l’obtention de mon diplômenous nous sommes retrouvés dans la même entreprise. Après tout, nous avions la même spécialité, ce n’était donc pas si surprenant. Mais moi, j’y voyais le destin.
Il semblait être l’homme parfait. Dans ma jeunesse, je me fichais qu’il soit déjà marié. Je n’avais jamais été mariée et ignorais ce que cela faisait de briser un foyer. Je n’ai donc pas eu honte quand Pierre a décidé de quitter sa femme pour moi. Qui aurait cru que cela m’apporterait tant de chagrin ? On dit souvent qu’on ne construit pas son bonheur sur le malheur des autres.
Quand il m’a choisie, j’étais aux anges et prête à tout lui pardonner. En réalité, au quotidien, il n’était pas le prince charmant qu’il paraissait en public. Ses affaires traînaient partout dans la maison, et il refusait catégoriquement de faire la vaisselle. Toutes les tâches ménagères me revenaient. Mais à l’époque, cela ne me dérangeait pas.
Il a vite oublié son premier mariage. Ils n’avaient pas d’enfants, et apparemment, c’étaient ses beaux-parents qui avaient insisté pour qu’ils se mariassent. Avec moi, c’était différentdu moins, c’est ce qu’il m’a raconté.
Mon bonheur n’a pas duré longtempsseulement jusqu’à ma grossesse. Au début, Pierre était ravi à l’idée d’avoir un enfant. Nous avons même organisé une grande fête en famille pour célébrer. Tout le monde nous a souhaité amour et santé pour notre futur bébé.
Cette soirée reste l’un de mes plus beaux souvenirs. Et je ne le regrette pas. Mais c’est à partir de ce moment que mon amour aveugle a commencé à s’effriter.
Plus mon ventre grossissait, moins je voyais Pierre. J’étais en congé maternité, alors nous ne nous croisions que tard le soir. Il restait souvent au bureau et participait à des soirées d’entreprise. À première vue, cela ne me dérangeait pas, mais très vite, cela m’a épuisée. Les tâches ménagères devenaient de plus en plus difficiles, car je ne pouvais plus me baisser pour ramasser ses chaussettes éparpillées.
Je me demandais souventavions-nous précipité les choses en ayant un enfant si tôt ?
Je savais que les sentiments pouvaient s’émousser avec le temps, mais je ne m’attendais pas à ce que cela arrive si vite. Pierre m’offrait encore des fleurs et des chocolats, mais ce que je voulais, c’était simplement sa présence.
Finalement, il est devenu évident que ses soirées professionnelles n’étaient pas innocentes. Une collègue m’a glissé lors d’un café qu’une nouvelle employée avait rejoint notre service. Il y avait déjà une pénurie de personnel, et avec mon congé maternité, la situation était critique. Quelle ironie.
Je ne savais pas si c’était elle, mais mon mari avait certainement quelqu’un d’autre, car il n’avait plus de temps libre. Soit le travail, soit une réunion, soit une nouvelle soirée incontournable. Un jour, j’ai trouvé un mot dans sa poche, signé d’initiales inconnues. Je l’ai remis en place et ai décidé de faire comme si de rien n’était.
J’avais terriblement peur de me retrouver seule à sept mois de grossesse, mais mon mari ne cessait de se plaindre que j’étais devenue capricieuse. Chaque dispute se terminait par son soupir exaspéré. Je savais que si j’abordais le sujet, je me retrouverais seule. La peur de le perdre était si forte que je ne pensais plus à rien d’autre. On dit que ce que l’on craint le plus finit toujours par arriver.
Malgré ses belles promesses, Pierre n’était pas un gentleman. Les pires mots que j’ai entendus de ma vie, ce fut : « Je ne suis pas prêt pour un enfant. » Et : « Il y a quelqu’un d’autre. » Je ne me souviens même plus exactement comment il les a prononcés, mais à ce moment-là, j’ai cru devenir folle.
Je ne pensais pas avoir la force de demander le divorce. Visiblement, il ne s’attendait pas non plus à ce que je tolère son comportement. Encore moins à ce que je jette toutes ses affaires à la porte le lendemain. Au moins, nous louions notre appartementnous n’avions pas à nous battre pour le partager.
« Qu’en est-il de l’enfant ? Pense à lui. Comment vas-tu l’élever ? »
« Je me débrouillerai. Je trouverai du travail à distance. Et puis, mes parents m’ont toujours proposé leur aide. Ma mère disait qu’il était un coureur de juponsj’aurais dû l’écouter. »
C’est sans doute la responsabilité envers mon futur fils qui m’a donné du courage. Toute seule, je ne l’aurais peut-être pas quitté.
Mais j’ai aussi compris que je ne voulais pas élever un enfant avec un tel père.
Sa trahison était si vile que je ne voulais plus rien avoir à faire avec lui. C’était comme si un voile s’était déchiré devant mes yeux.
Les premiers mois après le divorce, y compris l’accouchement, ont été très difficiles. Je suis retournée vivre chez mes parents, ravis d’accueillir leur petit-fils. Je ne peux pas dire que Pierre m’a complètement manqué, mais j’essayais de ne pas y penser. Au fond, j’étais sûre d’avoir bien agi et de pouvoir offrir à mon fils tout ce dont il avait besoin.
Une fois remise, j’ai commencé à chercher du travail. Je faisais parfois des traductions juridiques, et j’en ai fait un emploi à temps plein en télétravail. Certains mois étaient difficiles, mais mes parents m’ont soutenue. Peu à peu, j’ai eu une clientèle stable et je n’ai plus eu besoin d’aide.
Mon fils a grandi vite, et je n’ai pas vu passer les premières années. Je m’en suis rendu compte quand il a eu besoin de sa propre chambre. Mes parents voulaient que nous restions, mais je tenais à créer notre propre espace. J’avais besoin d’un bureau, et lui d’un endroit pour étudier. À ce moment-là, je pouvais enfin louer un appartement.
Tout s’est mis en place. La maternelle est devenue l’école primaire, et pour la première fois depuis longtemps, j’ai retrouvé un sentiment de bonheur et de liberté. Puis, soudain, il est réapparu.
Notre ville n’est pas très grande, et dans le milieu juridique, tout le monde se connaît. Pierre a facilement trouvé l’adresse de mon cabinet. J’ai regretté de ne pas avoir déménagé ailleurs avec mon fils. Il prétendait s’être enfin rangé et regretter amèrement ses actes. Il disait avoir été trop jeune et stupide. Il voulait connaître son fils. Il insistait pour le voir.
La loi ne l’en empêche pas. Et je sais que s’il le veut vraiment, il trouvera un moyen d’entrer dans la vie de mon fils. Mais cette idée me terrifie. Des semaines ont passé depuis notre conversation. Je lui ai dit que je réfléchirais, mais en réalité, je ne sais pas comment gérer la situation. Je veux l’empêcher de rencontrer son père.
Je me demande parfois si c’est une punition pour avoir pris Pierre à sa première femme. Peut-être devrais-je vraiment partir loin d’ici ?
Mais une chose est sûre : l’amour ne doit jamais exiger de sacrifier sa dignité. On ne peut pas forcer le bonheur, surtout s’il se construit sur les ruines du cœur des autres.







