Il nétait toujours pas rentré. Ces derniers temps, il avait trop de travail et commençait à rester plus tard. Élodie coucha les enfants et se dirigea vers la cuisine pour prendre une tasse de thé. Théo nétait toujours pas là. Récemment, il était débordé et rentrait souvent à des heures tardives.
Élodie regrettait la fatigue de son mari et essayait de le protéger des soucis domestiques, car il était le seul soutien de la famille. Après leur mariage, ils avaient décidé quÉlodie soccuperait du foyer et des futurs enfants, tandis que Théo assurerait le bien-être économique. Ils eurent trois enfants coup sur coup. Théo était ravi à chaque naissance et disait ne pas vouloir sarrêter là.
Pourtant, Élodie était épuisée par linterminable soin des petits et décida de faire une pause sur la question dagrandir la famille.
Théo rentra après minuit, un peu éméché. À sa question sur la raison, il répondit :
Élo, on était sous pression avec les collègues, alors on est allés se détendre un peu.
Oh, mon pauvre chéri ! sourit Élodie. Viens, je te prépare quelque chose à manger !
Cest pas la peine. On a grignoté des amuse-gueules. Je préfère aller dormir.
La Fête des Mères approchait, et Élodie, après avoir demandé à sa mère de garder les enfants, partit pour le centre commercial. Elle voulait célébrer dune manière spéciale : un dîner romantique pour eux deux. Sa mère accepta demmener les petits chez elle.
En plus des courses et des cadeaux, Élodie décida de sacheter quelque chose. Cela faisait longtemps quelle navait rien acheté pour elle, et elle avait honte de demander de largent à Théo pour des vêtements neufs, puisquelle navait nulle part où les porter. La dernière tenue quelle avait achetée était un ensemble confortable pour la maison, mais il ne convenait pas pour la soirée quelle imaginait.
Elle entra dans une boutique et choisit plusieurs robes. En essayant la deuxième, elle entendit la voix familière de son mari, venant de la cabine dessayage voisine :
Mmm, jai hâte de te lenlever !
Un rire féminin répondit :
Sois patient, coquin ! Retourne plutôt choisir quelque chose pour ta femme.
Pour quoi faire ? Elle est plongée dans les enfants, et eux sen fichent de ce quelle porte, tant quelle les nourrit et soccupe deux. Je vais lui offrir une cafetière ou un mixeur, ça lui fera plaisir !
Élodie eut limpression de recevoir une douche froide. Sans faire de bruit, elle continua dessayer les robes tout en écoutant la conversation à travers la cloison.
Et si elle te demande où tu as dépensé autant ? Une cafetière ou un mixeur, ça ne coûte pas si cher reprit la femme en riant.
Pourquoi je devrais justifier comment je dépense MON argent ? Je bosse, et elle est à la maison à faire ce quelle veut ! Je lui donne son budget pour la maison, et cest suffisant. Quelle en soit reconnaissante !
Apparemment, les essayages étaient terminés, et les voix séloignaient. Élodie jeta un coup dœil discret. Là, cétait bien Théo, à la caisse avec une blonde, en train de payer. Il lembrassa sur les lèvres, indifférent au regard de la vendeuse.
Tout va bien, madame ? demanda la vendeuse en remarquant quÉlodie restait dans la cabine, immobile.
Oui, très bien ! répondit-elle précipitamment, tendant les robes. Je les prends toutes.
De retour à la maison, après avoir raccompagné sa mère et couché les enfants pour la sieste, Élodie réfléchit à ce quelle allait faire. Elle ne sattendait pas à une telle trahison de la part de Théo. Plus que linfidélité, ce qui la blessait, cétait son mépris pour tout ce quelle faisait pour la famille.
Elle avait envie de courir demander le divorce immédiatement, mais elle se força à se calmer et à réfléchir.
« Si je demande le divorce, il partira avec sa blonde, me laissant seule avec les enfants et sans ressources. La pension alimentaire ? Ce sera des miettes Et de quoi vivrons-nous ? »
Ce soir-là, Théo ne resta pas tard au « travail ». « Il sest déjà rassasié cet après-midi », pensa Élodie avec indifférence. Ses sentiments pour lui sétaient évanouis ; cétait un étranger maintenant. La seule chose quelle redoutait, cétait quil cherche lintimité, car elle ne pourrait pas y répondre. Lidée lui répugnait.
Mais apparemment, Théo avait satisfait ses désirs avec sa maîtresse et ne sapprocha pas dÉlodie.
Le lendemain, Élodie rédigea son CV et lenvoya à plusieurs entreprises et agences. Il ne restait plus quà attendre. Des jours dincertitude sétirèrent, chaque matin commençant par la vérification de sa boîte mail. Enfin, une réponse arriva. On linvitait à un entretien dans une entreprise de la ville. Curieusement, cétait celle où travaillait Théo. Après mûre réflexion, elle décida quelle devait y aller.
Après avoir de nouveau demandé à sa mère de garder les enfants, elle se rendit à lentretien. Après près de deux heures déchange avec la direction, on lui proposa un poste intéressant avec des horaires flexibles. Bien que le salaire ne soit pas élevé au début, cétait suffisant pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants.
Élodie rentra à la maison le cœur léger. Sa mère, la voyant si rayonnante, commença à poser des questions.
Maman, Théo me trompe ! sexclama Élodie, entre joie et libération. Convaincue que sa fille délirait, sa mère la fit asseoir sur le canapé pour la calmer.
Élodie, comment peux-tu dire ça ? Théo, infidèle ? Il est tout le temps au travail !
Il ne travaille pas, il va voir sa maîtresse ! Élodie lui raconta tout ce quelle avait entendu dans la cabine dessayage. Sa mère, après lavoir écoutée, demanda :
Et que comptes-tu faire maintenant ?
Je vais demander le divorce ! Et oui, jai trouvé un travail avec des horaires flexibles. Bientôt, jinscrirai les enfants à la crèche, et quand tout sera en place, je travaillerai à temps plein.
Eh bien, vas-y ! Je ne te retiendrai pas. On ne pardonne pas une trahison pareille. Et puis, il ne te respecte plus. Pour les enfants, je taiderai.
Merci, maman ! Élodie létreignit, émue.
Le 7 juin, Théo rentra une nouvelle fois tard dans la nuit. Élodie ne lui posa aucune question, et lui, surpris par son indifférence, tenta de se justifier :
Élo, encore une fois, on était débordés au boulot Mais Élodie linterrompit en lui disant daller se coucher.
Le lendemain matin, alors quelle servait le petit-déjeuner aux enfants, Théo sapprocha avec un cadeau : un mixeur.
Tiens, mon amour, pour te faciliter les tâches ménagères. Il essaya de lembrasser, mais Élodie sécarta, ignorant le cadeau, et se leva.
Moi aussi, jai un cadeau pour toi.
Surpris, Théo, la boîte à la main, la suivit dans lentrée. Deux grosses valises y attendaient.
Je demande le divorce ! Tu nas plus besoin dinventer des excuses. Maintenant, tu peux partir !
Comment tu as découvert ? murmura Théo, abasourdi.
Dans la cabine dessayage, quand tu choisissais le cadeau pour ta blonde. Et ce mixeur, tu peux le lui donner, je nen ai pas besoin.
Stupéfait et furieux, Théo répliqua :
Tu es jalouse que jaie une autre femme ? Une belle femme soignée, contrairement à toi ! Tu as même oublié comment te maquiller, tu ne vis que pour les enfants et à mes crochets. Peu importe à qui ou à quoi je dépense mon argent ! Cest mon choix ! Ce qui te dérange, cest que je le donne à quelquun dautre, tu es égoïste !
Je ne suis pas jalouse, dit calmement Élodie. Maintenant, va-ten.
Le lendemain, elle demanda le divorce et une pension alimentaire. Une semaine plus tard, la sonnette retentit. Cétait sa belle-mère, hors delle :
Intéressée ! Tu as jeté Théo dehors et maintenant tu lui extorques de largent ! Abandonne cette pension ! Il na pas à te la verser !
Il ne me paie pas, moi, mais ses enfants, quil a lui-même voulu avoir, rétorqua Élodie. Sil na plus assez pour sa maîtresse, cest son problème. Ce sont aussi ses enfants.
Comment feras-tu sans son argent ? Tu as eu ces enfants en pensant vivre à ses dépens pour toujours ! Mais ça ne marchera pas ! Il fera baisser son salaire officiel, et tu recevras des miettes ! Tu reviendras vite le supplier !
Je ne crois pas, dit Élodie, montrant la porte. Dehors, avant que jappelle la police !
En proférant des insultes, la belle-mère partit.
Quelques mois plus tard, tous les enfants commencèrent à aller à la crèche. Un mois après que le plus petit y fut inscrit, Élodie put travailler à temps plein.
Salut ! entendit-elle près de son bureau. On peut parler ?
Désolée, Théo, jai beaucoup de travail, répondit-elle sans lever les yeux.
On pourrait déjeuner ensemble ? Théo insistait. Élodie leva les yeux vers son ex-mari. Il avait lair fatigué et moins soigné. Elle savait que la blonde, en découvrant que la moitié de son salaire irait à la pension des enfants, lavait quitté. Mais cela ne lintéressait plus.
Non, Théo. On ne parlera pas, et on ne déjeunera pas ensemble.







