Une vieille dame assise sur un banc devant la maison qui n’est plus la sienne.

Ah, la pauvre grand-mère Anne, assise sur un banc devant la maison qui nétait plus la sienne. Elle y avait passé toute sa vie, et pourtant, elle ny habitait plus que par la grâce des nouveaux propriétaires. Elle ne comprenait pas comment elle en était arrivée là. Elle avait toujours mené une vie droite, sans faire de mal à personne, élevant son unique fils avec amour.

Mais ce fils navait pas tourné comme elle lespérait Les larmes coulaient sur ses joues ridées tandis quelle repensait à sa vie. Elle revoyait son mariage avec son bien-aimé Jean. Un an plus tard, leur petit Louis était né. Puis des jumeaux, un garçon et une fille, mais ils étaient si frêles quils navaient pas survécu à la semaine. Peu après, Jean mourut dune péritonite. Les médecins navaient pas diagnostiqué son appendicite à temps, et quand linfection sétait déclarée, il était trop tard

Anne avait pleuré son mari longtemps, mais les larmes ne changent rien. La vie devait continuer. Elle ne sétait jamais remariée, malgré les prétendants. Elle craignait que Louis ne sentende pas avec un beau-père, alors elle lui avait tout sacrifié, se consacrant entièrement à son éducation.

Louis grandit, fit ses études, sinstalla en ville, se maria et suivit sa propre route. Anne resta seule dans la petite maison que Jean avait bâtie de ses mains. Cest là quelle vieillit, entre ses murs familiers.

De temps en temps, Louis venait la voir, coupait du bois, remplissait les seaux deau et laidait comme il pouvait. Mais chaque année, cétait plus dur pour Anne de soccuper de tout. Elle navait quune chèvre et quelques poules, et même ça lui pesait.

Un jour, Louis arriva avec un homme inconnu.

« Bonjour, maman. »
« Bonjour, mon petit Louis. »
« Je te présente mon ami Édouard. Il veut voir la maison pour lacheter. Ça suffit maintenant, tu vas venir vivre avec nous à Lyon. »

Anne sassit, stupéfaite.
« Ne tinquiète pas, maman. Ma femme est daccord. Tu seras bien chez nous, tu toccuperas des petits-enfants. Ils demandent sans cesse quand mamie viendra. »

Ainsi, ils décidèrent pour elle. Que pouvait faire une vieille femme ? Elle ne pouvait plus tenir la maison, mais au moins, elle aurait ses petits-enfants.

***************

La maison se vendit vite. Avant de partir, Anne fit ses adieux à chaque coin, chaque souvenir. Dans le jardin, derrière létable, un silence pesant lui serra le cœur. Autrefois, il y avait une vache, des cochons, la chèvre et les poules. Maintenant, tout était vide.

Elle prit une poignée de terre, celle quelle avait labourée toute sa vie. Ce fut dur de quitter son village natal, ses voisins qui pleuraient en la voyant partir, promettant de prier pour elle.

Un dernier regard vers la maison, puis elle monta dans la voiture de son fils. Que faire ? La vieillesse est parfois bien amère

Au début, chez Louis, tout se passa bien. Pas de bêtes à soigner, pas de poêle à alimenter, tout était moderne. Elle jouait avec les petits, regardait la télé.

Puis, avec largent de la vente, Louis sacheta une voiture. Anne tenta de protester, lui disant que cétait imprudent, mais il la coupa net. Elle navait pas à sen mêler. Elle avait un toit, de quoi manger, ça suffisait.

À partir de ce jour, tout changea. Son fils et sa belle-fille devinrent distants, les enfants moins affectueux. On ne lui demandait plus si elle avait mangé, dormi. Parfois, on lui répondait sèchement, voire on lui criait dessus.

Anne souffrait. Si elle avait su quelle deviendrait une gêne, jamais elle naurait vendu sa maison. Mieux valait mourir de froid chez elle que vivre ainsi, comme une intruse chez son propre fils.

Elle pleurait chaque jour sa petite maison. Si seulement elle pouvait revenir

Un jour, elle nen put plus.
« Je naurais jamais cru, Louis, que ma vieillesse serait si triste chez toi. Largent ta rendu plus dur que la pierre. Je men vais. »

Louis baissa les yeux et ne dit rien. Ce nest quau moment où elle franchissait la porte, son maigre baluchon à la main, quil lança :
« Quand tu en auras assez de vagabonder, tu pourras revenir. »

Anne sortit sans un mot. Dans lescalier, elle pleura toutes les larmes de son corps. Son fils ne lavait pas retenue, pas serrée dans ses bras. Juste ces mots cruels pour la chasser.

***************

Il lui fallut plus dun jour pour revenir au village. Elle dormit dans la gare, fit du stop. Ses yeux ne séchèrent pas.

Quand elle revit sa maison, son cœur se calma un peu. Les nouveaux propriétaires lavaient rénovée, repeinte. Elle ressemblait presque à lépoque où elle y vivait avec son Jean.

Même si ce nétait plus chez elle, Anne ny pensa pas. Elle se faufila dans le grenier de létable et décida dy rester. Limportant, cétait dêtre là, entre ces murs quelle connaissait.

Elle avait peur dêtre découverte, chassée comme son fils lavait fait. Alors, elle naurait vraiment plus nulle part où aller.

Mais on la trouva vite. Le lendemain matin, le propriétaire vint nourrir les cochons. Il leva les yeux et dit :
« Descendez, mamie Anne. Il faut parler. »

Elle ne sattendait pas à être découverte si tôt. Que ferait-il delle ?

Ce quil lui dit, elle ne laurait jamais imaginé :
« Mamie Anne (cétait Édouard, lhomme que Louis lui avait présenté autrefois). Ma femme et moi savons tout. Votre fils nous a prévenus que vous pourriez revenir. Nous savons aussi que ça na pas marché avec lui. Alors nous vous proposons de vivre avec nous. Une femme comme vous ne doit pas dormir dans un grenier à cochons. Et puis, honnêtement, cette maison est la vôtre. Vous et votre mari lavez bâtie, entretenue pendant des années. Il y aura toujours une place pour sa vraie maîtresse. Maintenant, venez vous laver, et ma femme vous préparera un bon pot-au-feu. »

Anne se mit à pleurer, cette fois de gratitude. Des inconnus se montraient plus humains que son propre fils.

En franchissant le seuil, ses jambes flageolaient. Tout sentait encore sa vie passée. Elle comprit alors que, par la faute de Louis, elle était devenue une mendiante chez elle.

Son cœur de mère saignait, mais ses lèvres murmuraient une prière : que Dieu pardonne à son fils

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