Me divorcer sur le tard pour trouver une compagne, mais la réponse qui a changé ma vie
Divorcer à soixante-huit ans ne fut ni un geste romantique ni une crise de la quarantaine tardive. Ce fut laveu dune défaite : après quarante ans de mariage avec une femme avec qui javais partagé non seulement un toit, mais aussi des silences pesants, des regards vides durant les dîners et tout ce qui ne fut jamais exprimé, je compris que je nétais plus lhomme que jaurais dû être. Je mappelle Lucien, je viens de Lyon, et mon histoire commença dans la solitude pour sachever sur une révélation inattendue.
Avec Élodie, nous avions traversé presque toute une vie. Nous nous étions mariés à vingt ans, dans la France des années soixante-dix. Au début, il y eut de lamour : des baisers volés sur un banc de la place, de longues conversations à la tombée du jour, des rêves en commun. Puis, tout seffaça. Dabord les enfants, puis les traites du crédit, le travail, la fatigue, la routine Les discussions se réduisirent à des échanges brèves dans la cuisine : « Tu as payé lélectricité ? », « Où est la quittance ? », « Il ny a plus de sel. »
Le matin, je la regardais et ne voyais plus mon épouse, mais une voisine épuisée. Et sans doute étais-je la même chose pour elle. Nous ne vivions plus ensemble, nous coexistions. Un jour, têtu et orgueilleux, je me dis : « Tu as droit à autre chose. À une seconde chance. À respirer lair du large, enfin. » Et je demandai le divorce.
Élodie ne résista pas. Elle se contenta de sasseoir sur sa chaise, fixa la fenêtre et murmura :
« Daccord. Fais comme tu veux. Je nai plus la force de me battre. »
Je partis. Au début, je me sentis libre, comme si un poids mavait été ôté. Je dormais de lautre côté du lit, jadoptai un chat, je prenais mon café sur le balcon le matin. Mais vint ensuite une autre sensation : le vide. La maison devint trop silencieuse. Les repas, sans saveur. La vie, monotone.
Alors me vint une idée qui me sembla géniale : trouver une femme pour maider. Une autre Élodie, en somme : quelquun qui laverait, cuisinerait, nettoierait, bavarderait un peu. Peut-être un peu plus jeune, la cinquantaine passée, expérimentée, gentille. Une veuve, pourquoi pas. Mes exigences étaient modestes. Je me disais même : « Je ne suis pas un mauvais parti : je prends soin de moi, jai un appartement, je suis à la retraite. Pourquoi pas ? »
Je me mis à chercher. Je parlai aux voisins, fis des allusions à des connaissances. Puis, je me risquai à passer une petite annonce dans le journal local. Court et direct : « Homme, 68 ans, cherche femme pour cohabitation et aide au quotidien. Bonnes conditions, logement et nourriture inclus. »
Cette annonce changea ma vie. Car trois jours plus tard, je reçus une lettre. Une seule. Mais ce fut suffisant pour me faire trembler les mains.
« Cher Lucien,
Croyez-vous vraiment quune femme dans les années 2020 nexiste que pour laver vos chaussettes et faire sauter vos crêpes ? Nous ne sommes plus au XIXe siècle.
Vous ne cherchez pas une compagne, une personne avec une âme et des désirs, mais une bonne à tout faire gratuite avec une touche romantique.
Peut-être devriez-vous dabord apprendre à vous occuper de vous-même, à cuisiner et à tenir votre maison.
Cordialement,
Une femme qui ne cherche pas un petit maître avec un torchon à la main. »
Je la lus et relus. Dabord, je bouillais de colère. Comment osait-elle ? Qui se croyait-elle ? Je ne voulais profiter de personne ! Je cherchais juste de la chaleur, un foyer accueillant, une présence féminine
Puis je me demandai : Et si elle avait raison ? Ne cherchais-je pas, sans men rendre compte, quelquun qui continuerait à me faciliter la vie plutôt que dapprendre à la construire moi-même ?
Je commençai par les bases. Jappris à faire une soupe. Puis, un gratin dauphinois. Je mabonnai à une chaîne de cuisine, fis mes courses avec une liste, repassai mes chemises. Je me sentais gauche, voire ridicule, mais avec le temps, ce ne fut plus une corvée. Ce fut ma vie. Mon choix.
Jencadrai même cette lettre et laccrochai dans la cuisine. Un rappel : ne demande pas quon te sauve si tu ne sors pas dabord du trou par toi-même.
Trois mois ont passé. Je vis toujours seul, mais ma maison sent désormais le pot-au-feu. Sur le balcon, des géraniums que jai plantés. Le dimanche, je prépare une tarte aux pommes la recette dÉlodie. Parfois, je me dis : « Je pourrais lui en apporter une part. » Peut-être, pour la première fois en quarante ans, ai-je compris ce que signifie nêtre pas quun mari, mais une personne aux côtés dune autre.
Aujourdhui, si lon me demande si je veux me remarier, je réponds non. Mais si une femme sassoit un jour près de moi sur le banc de la place, une femme qui ne cherche pas un maître mais simplement à parler, je lui parlerai. Sauf que désormais ce sera en étant un autre homme.







