« Tu nes pas une cuisinière ni une servante » : comment jai mis un terme aux abus de ma famille
Je mappelle Étienne, et je viens dune famille nombreuse et très bruyante. Trois frères, deux sœurs. Tous avaient leur propre maison, avec enfants et conjoints, mais cela ne les empêchait pas de débarquer chez nous sans prévenir. Pas pour un simple café, non, pour des festins entiers. Il y avait toujours une excuse : un anniversaire, une fête, un mariage. Et chaque fois, cétait chez nous. Parce que, disaient-ils, « chez vous, cest parfait, la maison est grande, il y a un jardin ». Après des années de travail, nous avions acheté une belle maison en périphérie de Bordeaux. Et dès que nous eûmes une terrasse, un barbecue et un petit coin de pelouse, ma famille décréta que cétait leur « maison de campagne ».
Au début, ma femme, Amélie, trouvait cela charmant. Elle avait grandi seule, sans frères ni sœurs, et était heureuse de faire partie dune grande famille. Nous dressions la table, préparions des plats, rigolions ensemble. Mais très vite, cela devint un enfer. Savez-vous ce que cest que de cuisiner pour quinze personnes ? Et personne ne proposait jamais daider. Les femmes sinstallaient tranquillement à lombre avec un verre de vin, les hommes soccupaient du barbecue. Pendant ce temps, Amélie était en cuisine dès laube. Elle épluchait, coupait, faisait revenir, servait, débarrassait. Moi, je passais la tête de temps en temps, un peu coupable : « Tu veux que je taide ? » Elle refusait toujours, serrant les dents : « Ça va, je gère. »
Le pire, cétait de la voir, épuisée, les cheveux en bataille, sans maquillage, tandis que les autres arrivaient bien habillés, comme pour une soirée chic. Elle aussi aurait aimé shabiller avec élégance, se faire belle et profiter. Mais elle nen avait jamais le temps. Elle était devenue leur employée.
Après ces soirées, je moccupais de la vaisselle et insistais pour quelle aille se reposer. Je voyais bien quelle était à bout. Notre seul jour de repos, gâché par les cris des enfants et les discussions sans fin. Moi qui rêvais de commander une pizza et de regarder un film tranquille Mais je ne voulais pas de conflit. Elle non plus ne disait rien. Jusquau jour où mon frère a appelé.
« On fête mon anniversaire chez toi, comme dhabitude. »
Jai raccroché, me suis tourné vers Amélie et lui ai dit :
« Demain, tu mets ta plus belle robe, tu te coiffes, et si tu veux, un peu de maquillage. On peut même tacheter une nouvelle tenue. Maistu ne mets pas un pied dans la cuisine. Pas un seul. Compris ? »
« Mais comment », a-t-elle commencé.
« Non. Quils apportent leur propre nourriture. Tu nes pas leur cuisinière ni leur servante. Nous aussi, on a le droit de souffler. »
Elle a hoché la tête, surprise mais soulagée.
Le lendemain, toute la famille est arrivée, sourires aux lèvres, boîtes à gâteaux et viande sous le bras. Mais sur la table rien. Ils se sont regardés, perplexes : où étaient les entrées, les salades, où était la maîtresse de maison ? Je suis alors sorti et jai annoncé calmement :
« Nouvelle règle. Si vous voulez une fête, participez. Amélie et moi, on en a marre. Elle nest pas là pour vous servir. Soit chacun amène un plat, soit vous trouvez un autre endroit. »
Silence. Ils ont mangé, mais sans leur gaieté habituelle. Les conversations étaient tendues. Mais la fois suivante, pour la première fois depuis des années, ma sœur a organisé le repas chez elle.
Apparemment, ils en étaient capables. Quand ils y étaient obligés.







