Tu n’es pas son épouse – lui dit sa belle-mère en décrochant la photo du mur

*Journal intime*

**18 octobre**

« Tu nes plus sa femme. » Ces mots de ma belle-mère mont glacé le cœur. Elle a décroché la photo de mariage du mur dun geste las.

« Élodie, mon petit rayon de soleil, aide-moi à trouver mes clés, sil te plaît. Je ne les trouve nulle part ! » La voix de Jeanne tremblait dagitation.

Élodie leva les yeux de son téléphone, observant sa grand-mère qui sagitait dans le couloir, une main sur le chambranle, le regard fouillant lespace.

« Mamie, mais elles sont dans ta main ! » sourit la petite.

« Ah, mon Dieu, cest vrai ! Je perds la tête » Jeanne rit, mais son rire sonna faux. « Élodie, ta maman est où ? »

« Elle a emmené Lucas à la crèche. Elle a dit quelle rentrerait bientôt. »

Jeanne hocha la tête, traversa le salon et sarrêta devant le mur des souvenirs. Ses doigts effleurèrent le cadre argenté la photo de mariage, celle où Sophie, radieuse dans sa robe blanche, souriait aux côtés de Théo, élégant dans son costume sombre. Huit ans déjà.

Un soupir lui échappa. Elle décrocha le cadre, le contempla longuement avant de lemporter dans sa chambre.

« Mamie, pourquoi tu enlèves la photo ? » lança Élodie depuis le couloir.

« Pour la dépoussiérer, elle en a besoin », répondit Jeanne, mais sa voix trembla.

Assise au bord de son lit, elle posa la photo sur ses genoux. Comme Sophie était belle ce jour-là Et Théo, si jeune, si amoureux. Mais maintenant Tout avait changé.

La porte dentrée claqua Sophie rentrait avec Lucas. Jeanne rangea précipitamment la photo dans sa commode et se dirigea vers la cuisine.

« Jeanne, tout va bien ? Lucas a été infernal ce matin, impossible de le calmer. » Sophie retirait son manteau, les cheveux en bataille. « Où est passée notre photo ? Elle était là tout à lheure. »

« Quelle photo ? » demanda Jeanne en remplissant la bouilloire.

« Celle du mariage. Vous lavez enlevée ? »

Jeanne posa la bouilloire sur la plaque, se retourna. Sophie se tenait droite, les bras croisés, le regard insistant.

« Oui. »

« Pourquoi ? »

Jeanne prit une inspiration. « Parce quil est temps de regarder la vérité en face, ma chérie. Tu nes plus sa femme. »

Sophie pâlit, saffaissa sur une chaise.

« Quest-ce que vous insinuez ? »

« Huit ans, Sophie. Huit ans que vous êtes mariés, et pourtant, tu te comportes encore comme une jeune mariée. Ta robe est suspendue dans ton placard, je lai vue hier en rangeant le linge. Et cette photo, tu la nettoies chaque semaine comme une relique. Mais la vie continue, ma chérie. »

Les poings de Sophie se serrèrent.

« Je ne comprends pas où vous voulez en venir. »

« Théo ma appelée ce matin. Tôt, tu dormais encore. Il veut parler. Sérieusement. Avec toi. Et avec moi. »

« De quoi ? » murmura Sophie.

Jeanne sassit en face delle, prit ses mains dans les siennes.

« Sophie, je taime comme ma fille. Tu le sais. Élodie te considère comme sa mère, Lucas tadore. Mais Théo Il a trente-deux ans. Crois-tu vraiment quil restera seul toute sa vie ? »

Sophie retira ses mains.

« Nous sommes mariés ! Nous avons des enfants ! Comment pouvez-vous dire ça ? »

« Mariés, oui, mais vous vivez comme des étrangers. Quand est-il venu pour la dernière fois ? Pas pour voir les enfants, mais pour toi ? Il y a un mois ? Deux ? »

« Il travaille beaucoup. Les déplacements professionnels »

Jeanne secoua la tête. « Il travaille, oui. Mais pas toujours où tu le crois. Je lai vu la semaine dernière près du nouveau centre commercial. Avec une femme. Jeune, belle. Ils riaient, se tenaient par le bras. Quand il ma aperçue, il a rougi, a balbutié quelque chose sur une collègue. Mais les yeux ne mentent pas, Sophie. Je reconnais le regard dun homme amoureux. »

Sophie se leva, marcha jusquà la fenêtre. Dehors, une bruine fine tombait, le ciel gris plaqué sur les toits parisiens.

« Donc, vous pensez que je dois accepter ça ? Que je dois meffacer pour lui faire de la place ? »

Jeanne soupira. « Je pense que tu dois te demander si tu es heureuse. Et si cest ainsi que tu veux vivre. »

« Et les enfants ? Élodie entre à lécole lannée prochaine, Lucas est encore un bébé. Comment leur expliquer que leur père ne vivra plus avec nous ? »

« Et comment leur expliques-tu quil ne rentre quune fois par mois ? Quil dort dans le salon ? Que vous ne vous parlez presque plus ? »

Jeanne se leva, entoura Sophie de ses bras.

« Élodie comprend déjà. Hier, elle ma demandé pourquoi vous ne vous embrassiez pas comme les parents de son amie Camille. Que dois-je lui répondre ? Que vous jouez à un jeu ? »

Les larmes montèrent aux yeux de Sophie.

« Je ne sais pas quoi faire. »

« Moi, je le sais. Jai vécu longtemps, jai tout vu. Lamour, Sophie, ça se cultive ou ça séteint. On ne peut pas feindre lamour, pas plus quon ne peut feindre le bonheur. Vous êtes deux êtres formidables, mais peut-être plus faits lun pour lautre. Ça arrive. »

À cet instant, Lucas déboula dans la cuisine, les joues rouges, les cheveux en bataille.

« Maman, maman ! Mamie Jeanne a dit que Papa rentre ce soir ! Cest vrai ? »

Sophie le souleva, le serra contre elle.

« Oui, mon chéri. Papa rentre. »

« Il reste avec nous ? Pour toujours ? »

Sophie croisa le regard de Jeanne, qui détourna les yeux.

« Je ne sais pas, mon cœur. Papa te le dira. »

Lucas sauta de ses bras et courut prévenir sa sœur.

« Tu vois ? » murmura Jeanne. « Les enfants vivent despoir. Mais un espoir qui dure des années sans se réaliser cest pire que la vérité. Bien pire. »

Sophie sassit, enfouit son visage dans ses mains.

« Il y a huit ans, jétais sûre que nous serions heureux pour toujours. Vous vous souvenez comme Théo me courtisait ? Les fleurs, les poèmes Il disait quil ne pouvait pas vivre sans moi. »

Jeanne sourit tristement. « Il tidolâtrait. »

« Alors quest-ce qui a changé ? Quai-je fait de mal ? »

« Rien. La vie nest pas un conte de fées. Théo a épousé une étudiante pleine de rêves. Et il sest retrouvé avec une femme épuisée par le quotidien. Les enfants sont arrivés, les finances se sont tendues, il a travaillé davantage. Et toi, tu as cessé de sourire en le voyant rentrer. Tu laccueillais avec des reproches, pas avec des baisers. »

Sophie releva la tête.

« Mais jai tout donné pour cette famille ! »

« Pour la famille, oui. Mais as-tu donné à Théo la femme quil a épousée ? Les hommes ont besoin de plus quune gestionnaire ou une mère. Ils ont besoin damour. Dune femme qui les aime pour ce quils sont, pas pour ce quils apportent. »

La bouilloire siffla. Jeanne prépara le thé, les mains légèrement tremblantes.

« Je laime, vous savez », chuchota Sophie.

« Laimes-tu ou as-tu peur de changer ? Réponds honnêtement. »

Sophie se tut. Quand avait-elle pris le temps de demander à Théo comment sétait passée sa journée ? De sintéresser à ses rêves, pas seulement à son salaire ?

« Peut-être a-t-il trouvé quelquun Quelquun qui le rend heureux », murmura-t-elle.

Jeanne soupira. « Il la trouvée. Elle sappelle Aurélie, ils travaillent ensemble. Divorcée, sans enfants. Théo me la avoué quand je lai confronté. »

Sophie ferma les yeux. « Alors tout est décidé ? »

« Rien nest décidé. Il souffre, Sophie. Il a peur de perdre les enfants, peur de te blesser. Mais il ne supporte plus cette vie. Il se sent comme un étranger chez lui. »

Des rires denfants résonnèrent depuis la chambre. Sophie esquissa un sourire.

« Ils méritent mieux quune illusion de famille », dit Jeanne.

Sophie se leva, sapprocha du miroir dans lentrée. Son reflet lui renvoya limage dune femme épuisée, les cheveux ternes, les traits tirés.

« Vous avez raison. Je vais chez le coiffeur. Je me changerai. Et ce soir nous parlerons. Vraiment. »

Jeanne lui caressa la joue. « Cest tout ce que je demande. »

Ce soir-là, lorsque Théo franchit la porte, son regard sillumina en voyant Sophie cheveux coupés, robe élégante, un soupçon de parfum.

« Tu es magnifique », souffla-t-il.

Les enfants se jetèrent sur lui. Plus tard, lorsquils furent seuls, Théo prit la main de Sophie.

« Parlons. Vraiment. »

Le lendemain matin, Jeanne raccrocha la photo de mariage. Sophie, un café à la main, sourit.

« Vous la remettez ? »

« Oui. Il est trop tôt pour lenlever. »

Et dans leurs yeux à tous les deux, une lueur despoir renaissait.

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