J’ai découvert deux enfants dans mon jardin, je les ai élevés comme les miens, mais après quinze ans, on me les a arrachés.

**Journal de Jacques Un Cadeau du Ciel**

« Jacques, viens vite ! » cria Étienne depuis le jardin, et je laissai tomber la pâte à moitié mélangée dans mon levain.

Je me précipitai sur le perron mon mari se tenait près du vieux pommier. À ses pieds deux petits enfants : un garçon et une fille. Ils étaient assis dans lherbe entre les rangées de carottes, couverts de terre, vêtus de haillons, avec de grands yeux effrayés.

« Doù viennent-ils ? » murmurai-je en mapprochant.

La fille tendit les bras vers moi. Le garçon se serra contre elle, mais sans peur. Ils devaient avoir deux ans, peut-être un peu plus.

« Je ne comprends pas moi-même, avoua Étienne en se grattant la nuque. Jétais venu arroser les choux, et les voilà. Comme sils étaient sortis de terre. »

Je maccroupis. La fille mentoura aussitôt le cou de ses bras, pressant sa joue contre mon épaule. Elle sentait la terre et quelque chose daigrelet. Le garçon restait immobile, mais ne me quittait pas des yeux.

« Comment vous appelez-vous ? » demandai-je doucement.

Pas de réponse. La fille se blottit plus fort et se mit à renifler.

« Il faut prévenir la mairie, dit Étienne. Ou le gendarme. »

« Attends, dis-je en caressant les cheveux ébouriffés de lenfant. Dabord, nourrissons-les. Regarde comme ils sont maigres. »

Je pris la fille par la main ; le garçon suivit prudemment, accroché à ma robe. Dans la cuisine, je les installai à table, leur servis du lait et coupai du pain beurré. Ils mangèrent avec voracité, comme affamés depuis des jours.

« Des Romanichels les auraient abandonnés ? » suggéra Étienne.

« Non, je ne crois pas, répondis-je. Leurs enfants ont souvent la peau plus foncée. Ceux-ci sont blonds aux yeux clairs. »

Une fois rassasiés, ils séveillèrent. Le garçon sourit même quand je lui donnai une seconde tartine. La fille grimpa sur mes genoux et sendormit, serrant mon pull entre ses petits doigts.

Le soir, le gendarme Dubois arriva. Il examina les enfants et nota quelque chose dans son carnet.

« Je vais faire circuler linformation dans les villages, promit-il. En attendant, quils restent ici. Le foyer du département est complet. »

« Ça ne nous dérange pas, dis-je vivement, serrant la petite contre moi. »

Étienne approuva. Mariés depuis un an, nous navions pas encore denfant. Et maintenant, deux dun coup.

Cette nuit-là, nous les installâmes près du poêle dans notre chambre. Le garçon mit longtemps à sendormir, me regardant fixement. Je tendis la main, et il saisit timidement mon doigt.

« Naie pas peur, chuchotai-je. Tu nes plus seul. »

Au matin, une caresse légère me réveilla. Jouvris les yeux la fille était là, effleurant ma joue.

« Maman » murmura-t-elle, hésitante.

Mon cœur faillit sarrêter. Je la soulevai et la serrai contre moi.

« Oui, ma chérie. Maman. »

Quinze ans passèrent en un clin dœil. Nous avions appelé la fille Amélie elle était devenue une jeune femme élancée, aux cheveux dorés et aux yeux bleu ciel. Louis, lui, était solide comme son père.

Ils aidaient à la ferme, réussissaient à lécole, et étaient notre fierté.

« Maman, je veux étudier la médecine à Paris, déclara Amélie un soir. Devenir pédiatre. »

« Et moi, lagronomie à Toulouse, ajouta Louis. Papa, tu as raison, il faut moderniser la ferme. »

Étienne sourit et tapota lépaule de son fils. Nous navions jamais eu denfant biologique, mais sans regret ces deux-là étaient vraiment des nôtres.

À lépoque, Dubois navait rien trouvé. Nous avions officialisé ladoption. Les enfants connaissaient leur histoire nous ne leur avions rien caché. Mais pour eux, nous étions leurs vrais parents.

« Tu te souviens de ma première tarte aux pommes ? rigola Amélie. Je lai laissée tomber par terre ! »

« Et toi, Louis, tu avais peur des vaches, taquina Étienne. Tu disais quelles allaient te manger. »

Nous rîmes, nous coupant la parole avec nos souvenirs. Tant de moments gravés ! Le premier jour décole où Amélie pleurait pour ne pas me quitter. La bagarre de Louis contre ceux qui lappelaient « lenfant trouvé ». Et la discussion avec le directeur qui mit fin à tout ça.

Ce soir-là, sur le perron, Étienne me serra contre lui.

« On les a bien élevés, hein ? »

« Les miens », approuvai-je.

Le lendemain, tout bascula. Une voiture étrangère sarrêta devant le portail. En sortirent un homme et une femme dune quarantaine dannées, bien habillés, lair affairé.

« Bonjour, fit la femme avec un sourire froid. Nous cherchons nos enfants. Des jumeaux disparus il y a quinze ans une fille et un garçon. »

Un seau deau glacée minonda le dos. Étienne me rejoignit, impassible.

« Quest-ce qui vous amène ? » demanda-t-il calmement.

Lhomme sortit un dossier. « Voici les documents. Ce sont nos enfants. »

Les dates correspondaient. Mais mon cœur refusait dy croire.

« Quinze ans de silence, dis-je doucement. Où étiez-vous ? »

« Nous avons cherché́, bien sûr ! sexclama la femme. Cétait une période difficile. La nourrice les a emmenés. Il y a eu un accident Les enfants ont disparu. Ce nest que maintenant que nous avons une piste. »

À ce moment, Amélie et Louis sortirent de la maison. Voyant les inconnus, ils se figèrent.

« Maman, quest-ce qui se passe ? » Amélie me prit la main.

La femme porta une main à sa bouche.

« Sophie ! Cest toi ! Et voilà Théo ! »

Les enfants échangèrent un regard perplexe.

« Nous sommes vos parents, lâcha lhomme. Nous rentrons à la maison. »

« À la maison ? » La voix dAmélie trembla. « Nous y sommes déjà. »

« Allons, insista la femme. Nous sommes votre famille. Nous avons une maison près de Lyon, de quoi vous aider. Le sang est plus fort que tout. »

Là, la colère menvahit.

« Quinze ans sans les chercher, grondai-je. Et maintenant quils sont grands, vous débarquez ? »

« Nous avons porté plainte ! » protesta lhomme.

« Montrez-moi », exigea Étienne. Lhomme tendit un papier, mais la date un mois plus tôt trahissait la supercherie.

« Cest faux. Où est loriginal ? »

Lhomme hésita.

« Vous ne les avez jamais cherchés, lança Louis sèchement. Dubois a vérifié. Aucune plainte. »

« Ta gueule, gamin ! » cracha lhomme. « Préparez-vous, vous venez avec nous ! »

« Nous ne bougerons pas, rétorqua Amélie. Nos vrais parents sont ici. »

La femme rougit et sortit son téléphone.

« Jappelle la gendarmerie. Le sang prime sur le papier. »

« Faites, approuva Étienne. Mais demandez Dubois. Il a tous les dossiers. »

Une heure plus tard, la cour était pleine de monde : le gendarme, un enquêteur,

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