**LA DEUXIÈME ÉPOUSE**
Jétais persuadée que mon ex-mari allait finir par fuir cette femme.
Élodie nétait pas de son monde. Maladroite, imprévisible, une aventurière impénitente. Elle avait six ans de plus que Victor. Certes, il faut lui reconnaître un certain charmeune femme toujours bien mise, qui savait jouer de son mystère. Mais dès quelle ouvrait la bouche, toute magie senvolait. Victor, lui, était son exact opposé : doux, attentionné, posé. Alors, me demanderez-vous, pourquoi avons-nous divorcé, si cet homme était si parfait ? La faute était mienne, je ladmets
Après notre séparation, Victor sest jeté dans la vie sentimentale comme dans un bain chaud. Dabord, il sest laissé séduire par une collègue, Agathe, qui rêvait de lépouser depuis des années. Agathe, mère célibataire dun petit garçon, se voyait déjà en madame parfaite. Elle lui préparait des petits plats, repassait ses chemises au millimètreelle ne lui nouait pas encore son écharpe avant de sortir, mais ça ne devait plus tarder. Victor, lui, cherchait une épouse, pas une seconde maman. Cette idylle professionnelle na pas duré trois mois.
Ensuite, ce fut au tour de ma meilleure amieenfin, *ex*-meilleure amieSophie. Elle plaisait à Victor depuis longtemps, et il croyait que je navais rien deviné. Libre, sans attaches, assoiffée damour Dès quelle a senti la faille dans notre couple, elle sest transformée en épaule réconfortante. Victor a passé un an à osciller entre elle et son foyer déserté. Tout son salaire y passait. On aurait dit que le mariage était inévitable.
Puis, Élodie est apparue. Une rencontre chez des amis communs, qui ont insisté : « Vous êtes tous les deux seuls, avec des enfants, alors pourquoi ne pas tenter le coup ? » Victor lui a parlé de Sophie. « Une fiancée nest pas une épouse, elle peut bien attendre ! » a rétorqué Élodie.
Sophie a dû céder la place. Élodie a traîné Victor à la mairie, emménagé avec sa fille Chloé dans son appartementnous avions déjà vendu le nôtre. Chloé avait quatorze ans, et cétait un chapitre à part : fugueuse, têtue, dune indépendance qui faisait trembler sa mère.
Une fois mariée, Élodie a suggéré à la mère de Victor déchanger son deux-pièces contre un studio. « À votre âge, cest plus pratique pour le ménage »la pauvre a obéi sans sourciller. Avec la différence, Élodie a refait lappartement et sy est installée officiellement.
Elle avait un don pour les catastrophes : un manteau de vison volé en boutique, une caisse qui ne tombait jamais juste, des clients riches quelle vexait sans effort Son patron a patienté, tant que Victor remboursait les dégâts. Dernier chèque encaissé, dernier jour de travail. Victor a proposé : « Reste à la maison, ce sera plus économique. » Elle a accepté, mais point de tricot ni de blanquette. À la place : cafés entre copines, instituts de beauté, shopping. Victor rentrait, se faisait une omelette et attendait sa dulcinée en grignotant des restes.
Chaque été, ils parcouraient lEurope. Victor aimait avec générosité.
Les années ont passé
Chloé, à vingt ans, a ramené un bébépère inconnu. Élodie sest retrouvée gardienne de petit-fils, tandis que Chloé enchaînait les « papas » éphémères. Victor supportait mal ce cirque. Élodie a donc exigé un trois-pièces pour sa fille : « Comme ça, elle trouvera un vrai père ! » Victor a acheté. Un homme bien est entré dans leur vie, aimant Chloé et lenfant mais trop modeste au goût dÉlodie. Elle a tant geint quil a fini par partir. Depuis, Victor subvient aussi aux besoins du petit.
Notre fille a voulu fêter ses trente ans en réunissant la famille éclatée. Élodie a refusé que Victor y aille seul. Après quelques verres, elle ma confessé son penchant pour les mauvais garçons. « Victor nest pas mon genre, mais cest une baguette magique : un petit moue, et le voilà qui se met en quatre ! Avec lui, cest la belle vie. »
Lasée du foyer, elle sest immiscée dans les affaires de Victor. Résultat : il emprunte maintenant à notre gendre.
Cest ça, lamour
Ils se sont mariés il y a vingt ans. Ils sont toujours ensemble. Je ne comprends pas.







