Désarroi et Confusion
Élodie sortit de léglise le cœur lourd, mais avec une lueur despoir. Elle avait imploré le Seigneur de lui accorder un enfant, les larmes aux yeux. Dix ans de mariage avec Théo, et toujours pas de grossesse. Elle multipliait les prières, suppliant en silence. Dix ans dattente, dix ans de désir inassouvi.
Combien de larmes avait-elle versées ? Combien de médecins avait-elle consultés ? Tous lui répétaient la même chose :
Vous êtes en bonne santé, cela arrive parfois. Il faut patienter Le temps viendra.
Mais jusquà quand, Théo ? disait-elle en fixant son mari. Une famille nest pas complète sans enfant.
Théo, lui aussi, souffrait. Il rêvait dun héritier, dautant plus que son commerce prospérait. Ils vivaient dans laisance, ne manquant de rien, sauf de lessentiel : un enfant.
Élodie, et si nous adoptions ? Un tout-petit, nous lélèverions comme le nôtre, proposa-t-il un soir.
Non, Théo, je veux porter mon enfant. Les médecins disent que je suis en bonne santé
Dieu, enfin, eut pitié dÉlodie. Ou peut-être était-ce simplement le moment. Elle tomba enceinte. Une joie sans limite les submergea. La grossesse fut difficile, mais elle endura tout pour cet enfant tant désiré.
Louis naquit fragile, souvent malade. Ses parents veillaient sur lui jour et nuit, le protégeant de tout, même des autres enfants. De peur quil ne tombe malade, Élodie lemmenait se promener loin des aires de jeux.
Rien nétait trop beau pour Louis. À quatre ans, il avait une tablette ; à six ans, un téléphone dernier cri. Ses moindres caprices étaient exaucés. Mais plus il grandissait, plus son caractère devenait insupportable.
Théo passait ses journées au travail, Élodie soccupait de la maison. Elle préparait les repas selon les exigences de Louis. Si elle osait servir autre chose, il semportait :
Quest-ce que cest que cette nourriture ? Je ne mangerai pas ça. Je veux ma soupe préférée ! Et il vidait la salière dans son assiette.
À treize ans, Louis était ingérable. Élodie en parlait à Théo, qui minimisait :
Cest ladolescence, ma chérie. Cela passera.
Un soir, Théo rentra avec un nouveau téléphone.
Tiens, fiston, je tai acheté ça.
Louis prit la boîte, louvrit, et hurla :
Cest quoi cette horreur ? Je tavais dit lequel je voulais ! Seuls les pauvres ont ce modèle ! Et il lança le téléphone contre le mur avant de claquer la porte.
Les parents échangèrent un regard consterné.
Tu vois maintenant ? murmura Élodie. Théo ne sut que répondre.
Il en allait de même pour les vêtements, les chaussures. Ils nachetaient plus rien sans son accord, sous peine de scène. Puis un appel du professeur principal les alerta.
Bonjour, madame Lefèvre, commença lenseignant. Nous devons parler du comportement de Louis. Il insulte les professeurs, perturbe les cours. Quand on le reprend, il ricane et menace de porter plainte. Il prête son téléphone aux camarades, puis leur réclame de largent. Il exige quils fassent ses devoirs.
Élodie eut honte. Son visage devint écarlate.
Madame Lefèvre, il faut agir, conclut le professeur.
Elle promit et sexcusa. En rentrant, elle craignait de craquer, de gifler Louis.
Où avons-nous failli ? Nous laimons tant. Comment lamour a-t-il pu engendrer tant de méchanceté ? Louis était agressif, cruel, irrespectueux. Cet enfant tant désiré était devenu un tyran.
Ils ne parvenaient pas à maîtriser leur fils unique. Pourtant, leurs voisins, les Martin, avaient quatre enfants. Jamais de cris, jamais de chaos. Les aînés aidaient même Élodie à porter ses courses. Un jour, elle demanda à Sophie, la mère, son secret.
Cest simple, répondit Sophie. Mon mari vient dune famille nombreuse. Les enfants sentraident. Ce nest pas si difficile.
Élodie lécoutait, envieuse. Jamais elle navait entendu un mot grossier chez les Martin.
Louis rentra de lécole, jeta son sac par terre, éparpilla ses chaussures.
Jen ai marre de cette école ! Et toi, maman, je tavais dit de ne pas entrer dans ma chambre !
Élodie, encore sous le choc de lentretien, se taisait. Elle navait plus la force de supporter ses crises.
Au dîner, Louis ne vint pas. Elle entra dans sa chambre. Il découpait méthodiquement une veste en cuir coûteuse, un sourire mauvais aux lèvres.
Tu las voulu. Tu es allée à lécole ? Maintenant, achète-men une autre, plus chère. Sinon, je recommencerai.
Élodie ny tint plus. Elle le gifla. Louis, surpris, porta la main à sa joue. Elle eut un élan de pitié, mais son expression la glaça.
Cest comme ça ? Attends un peu.
Il saisit son téléphone.
Police ? Venez vite. Ma mère me frappe. Oui, ma mère. Notez ladresse
Le policier, en entrant, parut perplexe. Lappartement luxueux, les parents bien mis, le garçon arrogant.
Vous devez vous tromper.
Non, cest moi qui ai appelé, cria Louis. Elle ma frappé. Je veux quelle soit punie.
Le policier, habitué aux parents ivres, aux enfants négligés, resta stupéfait.
Un simple conflit familial. Réglez cela entre vous.
Non ! Je connais mes droits. Si vous partez, je porterai plainte contre vous !
Le policier regarda Élodie.
Emmenez-le, dit-elle, épuisée. Peut-être que cela le fera réfléchir.
Peu après, les services sociaux arrivèrent. Ils écoutèrent Louis exiger la punition de sa mère, puis dirent calmement :
Prépare-toi, Louis. Tu viens avec nous.
Où ça ?
Dans un foyer. Si tu es maltraité ici, nous devons agir.
Louis, abasourdi, obéit. Une assistante sociale murmura à Élodie :
Je vous appellerai.
Quand la porte se referma, Élodie seffondra dans un fauteuil.
Théo, je naurais jamais imaginé Mais cest notre seule chance.
Le lendemain, Louis appela.
Maman, viens me chercher ! La nourriture est immonde, ils ont pris mes affaires
Nous ne pouvons pas. Nos droits parentaux sont suspendus pour quinze jours.
Ils espéraient que cette épreuve le changerait.
Quand Théo le ramena, Louis était méconnaissable. Calme, humble.
Papa, tu me gardes pour toujours ?
Si tu le veux.
Je le veux.
En franchissant le seuil, il soupira :
Comme cest bon, chez soi Maman, papa, pardonnez-moi. Jai compris. Je me suis comporté horriblement.
Bienvenue, mon fils. À table, le dîner est prêt.
Merci davoir lu cette histoire. Que la vie vous apporte douceur et lumière.







