Tu n’es pas de la famille, tu n’as aucun droit» – ma belle-sœur me l’a rappelé lors des obsèques de mon père

*Tu nes pas de notre sang, tu nas aucun droit*, murmura la belle-sœur près du cercueil de son père.

*Tu nes pas de notre sang, tu nas aucun droit*, souffla Adèle entre ses dents, les yeux rivés sur le visage pâle de son père étendu dans le cercueil. *Ne compte sur rien.*

Élodie tressaillit, comme si on lui avait giflé le visage. Elle serrait contre elle un bouquet de lys blancs, incapable de croire ce quelle venait dentendre. Autour deux, les invités chuchotaient des prières, se signaient, tandis quAdèle la dévisageait avec une haine à peine dissimulée.

*Adèle, je ten prie, pas ici*, supplia Élodie à voix basse. *Papa nest même pas encore enterré.*

*Justement. Mon papa*, insista Adèle. *Mon sang. Et toi ? Une fille adoptive quil a recueillie par pitié.*

Élodie déposa les lys près de la tête du défunt et recula, la gorge nouée, les yeux brûlants. Jean-Luc Bernard reposait dans une chemise blanche quelle avait choisie la veille au magasin. Les mains jointes sur la poitrine, le visage apaisé. On aurait dit quil dormait, mais il ne se réveillerait plus jamais, ne lui dirait plus *bonjour ma chérie*, ne lui caresserait plus les cheveux comme il lavait fait pendant trente ans.

*Mes filles, vous vous disputez vraiment aujourdhui ?* intervint tante Mathilde, la voisine de Jean-Luc. *Quelle honte, se chamailler devant un cercueil.*

*Personne ne se chamaille*, répliqua Adèle en haussant les épaules. *Je rappelle simplement à certaines leur place.*

Tante Mathilde secoua la tête et rejoignit les autres invités. Élodie restait à lécart, étrangère parmi ces gens quelle connaissait depuis lenfance. Voisins, collègues de son père, cousins éloignés Tous étaient venus accompagner Jean-Luc une dernière fois, et elle, soudain, comprit quelle navait pas le droit de se tenir là, près de la fille légitime.

*Élodie, ça va ?* murmura Sophie, une amie de travail. *Courage, ma belle.*

*Merci dêtre venue*, répondit Élodie en létreignant.

*Pourquoi Adèle te regarde comme si tu étais son ennemie ?*

*Elle pense que je naurais pas dû venir.*

*Comment ça ? Tu as vécu avec Jean-Luc depuis tes cinq ans. Cest lui qui ta élevée.*

Élodie hocha la tête, essuyant ses larmes avec un mouchoir. Elle se souvenait encore du jour où Jean-Luc lavait ramenée de lorphelinat. Un homme grand, aux épaules larges, avec une moustache grise et une voix chaude qui sentait le tabac et le café. Il lui avait montré une petite chambre avec un lit denfant et lui avait dit : *Maintenant, cest chez toi.*

*Élodie, viens ici*, appela Adèle.

Élodie sapprocha, sattendant à de nouvelles piques, mais sa belle-sœur la prit par le bras et lentraîna dans le couloir de la morgue.

*On doit parler*, déclara-t-elle, une fois seules. *De lhéritage.*

*De quoi ?*

*Tu comprends bien que lappartement et la maison de campagne me reviennent, nest-ce pas ? Je suis sa seule fille par le sang.*

Élodie la regarda, stupéfaite. Elle navait même pas pensé à lhéritage. Elle était trop occupée à organiser lenterrement, les condoléances, la cérémonie.

*Adèle, parlons de ça après les funérailles.*

*Non, maintenant. Pour éviter tout malentendu. Papa na pas fait de testament, donc la loi sapplique. Et selon la loi, les héritiers de premier rang sont les enfants et le conjoint. Tu nes ni sa femme, ni sa fille.*

*Mais il ma adoptée*, protesta Élodie. *Jai les papiers.*

Adèle grimaca.

*Et alors ? Par pitié. Et maintenant, tu comptes te servir de moi ? Récupérer lappartement en plein Paris ?*

*Je ne veux rien prendre !* sindigna Élodie. *Justement ses livres et quelques photos. Le reste est à toi.*

*Bien sûr, je te crois. Tout le monde dit ça avant daller chez lavocat.*

La colère monta en Élodie. Trente ans passés dans cette famille, à considérer Jean-Luc comme un père, Adèle comme une sœur. Et maintenant, elle découvrait quelle navait été quune intruse tolérée par charité.

*Écoute, Adèle*, murmura-t-elle, *je ne vais même pas discuter. Fais ce que tu veux. Enterre papa dignement, cest tout ce que je demande.*

*Cest toi qui me dis comment enterrer mon propre père ?*

*Oui. Parce que ces dernières années, cest moi qui ai vécu avec lui, pas toi. Cest moi qui lai soigné quand il était malade, pendant que tu venais une fois par mois, pour une demi-heure.*

Adèle rougit.

*Moi, au moins, je suis sa vraie fille. Toi, tu nes quune enfant trouvée !*

Les mots frappèrent Élodie comme un coup de poing. Elle tourna les talons et retourna dans la salle où reposait Jean-Luc.

Les invités partaient un à un. Demain, lenterrement, puis la réception. Élodie se demanda où ils pourraient la tenir. Lappartement était trop petit, et un restaurant coûterait trop cher. Jean-Luc avait toujours fait attention à largent, sa retraite était modeste.

*Élodie*, murmura le voisin, tonton Marcel, *je viendrai demain avec la voiture pour le cercueil.*

*Merci, tonton Marcel*, répondit-elle en lui serrant la main.

*Ne fais pas attention à Adèle. Elle a toujours été jalouse. Je me souviens quand tu es arrivée, elle te regardait de travers.*

Élodie acquiesça. Elle se rappelait ces premiers mois difficiles. Adèle était déjà à la fac, ne rentrait que le week-end, et la traitait avec mépris. Elle cachait ses affaires, interdisait laccès à sa chambre, et quand leurs parents avaient le dos tourné, elle la bousculait, linsultait.

Mais Jean-Luc voyait tout et prenait toujours la défense dÉlodie. *Adèle, Élodie fait partie de la famille maintenant. Tu dois laimer comme une sœur.*

*Papa, tu viens ?* Adèle prit son père par le bras. *On doit encore aller à la pompe funèbre.*

*Bien sûr, ma chérie*, répondit-il en lembrassant sur le front. *Élodie, tu viens avec nous ?*

*Non, je rentre. Demain, il faut se lever tôt.*

*Cest vrai. Repose-toi, demain sera dur.*

Jean-Luc étreignit sa fille adoptive et murmura à son oreille :

*Ne tinquiète pas pour Adèle. Elle est en colère parce quelle souffre. Ça passera.*

Mais le temps passa, et rien ne sarrangea. Adèle grandit, se maria, eut des enfants, mais continua de traiter Élodie comme une intruse. À chaque rencontre, elle le lui rappelait par des regards, des sous-entendus, parfois des mots crus.

Et Jean-Luc vieillit, tomba plus souvent malade. Adèle le visitait rarement, toujours pressée, prétextant le travail, les enfants. Les soins revinrent à Élodie. Elle lemmenait chez le médecin, achetait ses médicaments, faisait le ménage.

*Élodie, quest-ce que je ferais sans toi ?* disait-il parfois. *

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Tu n’es pas de la famille, tu n’as aucun droit» – ma belle-sœur me l’a rappelé lors des obsèques de mon père
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