J’ai surpris mon mari au téléphone qui disait : ‘Il ne lui reste plus longtemps.’ Depuis, j’ai arrêté de prendre les pilules qu’il me donnait.

**Journal personnel 15 octobre**

Jai entendu mon mari parler au téléphone par hasard : « Elle nen a plus pour longtemps. » Après cela, jai arrêté de prendre les comprimés quil me donnait.

La porte du bureau était entrouverte. Juste assez pour laisser passer sa voix, dordinaire douce et enveloppante comme une couverture chaude, mais qui ce jour-là était sèche, impersonnelle.

« Oui, tout se passe comme prévu. Les médecins disent quelle nen a plus pour longtemps. »

Je me suis figée dans le couloir, serrant un verre deau dans ma main. Dans lautre, deux gélules que Séraphin, mon mari, mapportait deux fois par jour. « Tes vitamines, ma chérie. Pour te redonner des forces. Pour que tu guérisses plus vite. »

Depuis six mois de mariage, javais pris lhabitude de cette « sollicitude ». Habituée à la faiblesse, au brouillard dans ma tête, à ce vaste monde réduit aux murs de notre appartement. Javais presque fini par croire que jétais gravement malade.

Mais cette phrase, lancée dans le combiné, était dépourvue de toute compassion. Elle ne laissait transparaître quun calcul froid comme lacier.

Je suis retournée lentement dans la chambre, les jambes molles. Mes mains tremblaient. Jai ouvert la fenêtre et, sans desserrer le poing, jeté les gélules dans les buissons de lilas en contrebas. Je ne prendrais plus aucune de ses pilules.

Le lendemain matin, il est entré avec un plateau. Le même sourire, le même regard « attentionné ». Mais désormais, je ne voyais plus quun masque derrière lequel se cachait un prédateur.

« Bonjour, ma belle endormie. Cest lheure de tes médicaments. »

Jai avalé ma salive.

« Je les ai déjà pris, ai-je menti dune voix posée. Je me suis réveillée tôt et je les ai avalés avec de leau. »

Il a froncé les sourcils, brièvement. A inspecté la table de chevet, le verre.

« Bravo. Tu prends soin de toi. Cest bon signe. »

Toute la journée, jai joué lapathie habituelle. Mais cétait difficile. Mon corps, privé de sa dose de poison, se rebellait. Des frissons, des vertiges, et au lieu du brouillard, des éclairs de lucidité douloureuse. Comme un sevrage.

Le jour suivant, jai de nouveau « pris » les comprimés avant quil narrive je les ai jetés dans les lilas. Séraphin semblait visiblement contrarié.

« Violette, on va faire un pacte : tu mattends pour les prendre. Cest important quils soient pris à heure fixe. »

Il est devenu plus vigilant. Venait plus souvent dans la chambre, restait assis près du lit, scrutant mon regard comme sil cherchait quelque chose.

« Tu es pâle aujourdhui. Et tes mains sont froides. Peut-être quil faut augmenter la dose ? »

« Non, ai-je murmuré. Je vais un peu mieux. »

Cétait un jeu dangereux.

Les nuits sont devenues un supplice. Je faisais semblant de dormir, écoutant chacun de ses mouvements. Chaque soupir résonnait comme un écho glacé dans ma poitrine. Une nuit, il sest levé et est sorti.

Jai attendu le grincement de la porte de son bureau avant de me glisser derrière lui, maccrochant au mur pour ne pas meffondrer sous les vertiges.

Il parlait à nouveau au téléphone, cette fois plus bas, presque chuchoté.

« Elle se doute de quelque chose. Elle refuse de manger, dit quelle na pas faim. Elle est devenue trop lucide. Son regard a changé. »

Je me suis collée contre le mur. Mon cœur battait si fort que jai cru quil allait lentendre.

« Il faut accélérer. Jai déjà pris contact avec le notaire. Maître Lefèvre est un homme compétent. Je lui ai expliqué quen tant que médecin, tu mavais conseillé de faire une procuration tant quelle est encore capable de comprendre. Sa signature, et ce sera réglé. La fortune dHélène va devenir la mienne. »

Hélène. Ma mère. Elle était morte un an plus tôt, me laissant tout. Un héritage que mon mari considérait déjà comme sien.

Je suis rentrée dans le lit une seconde avant quil ne revienne. Il sest penché sur moi, et jai senti une odeur chimique sur ses mains. Lodeur de mes « vitamines ».

Le matin, jai trouvé la force daller jusquau dressing. Là, au fond dune armoire, se trouvait ma collection : des flacons de parfum vintage. Ma seule passion avant lui.

Jai pris un flacon en cristal lourd. Le parfum de mon ancienne vie transperçait même le bouchon bien fermé.

« Quest-ce que tu fais là ? » Sa voix dans mon dos ma fait sursauter. « Tu ne devrais pas être debout. »

Je me suis retournée lentement.

« Je voulais me rappeler à quoi je ressemblais avant de ne plus sentir que lhôpital et les médicaments. »

Il a grimacé.

« Des bêtises. Des vieilleries. Dailleurs, jai trouvé un antiquaire. Il te donnera un bon prix pour tout ça. Nous avons besoin dargent pour ton traitement. »

Il a touché le flacon dans ma main. Et là, jai compris. Il ne voulait pas juste mon argent. Il voulait meffacer ma personnalité, mon passé.

Jai baissé les yeux, dissimulant ma haine. Jai acquiescé lentement.

« Daccord. Vends-les, si tu veux. »

Ses doigts se sont relâchés. Il ne sattendait pas à tant de docilité.

« Cest bien, ma chérie. Je ne veux que ton bien. »

Mais je savais désormais quoi faire. Sa confiance allait devenir son piège.

Deux jours plus tard, le notaire est arrivé. Un homme chauve, portant une mallette qui sentait la naphtaline et la loi. Il sappelait Maître Lefèvre.

Séraphin sagitait autour de moi.

« Violette est très faible, Maître Lefèvre. Mais elle comprend limportance de ce document. Cest juste une procuration pour gérer ses affaires pendant sa maladie. »

Le notaire a toussoté et ma tendu les papiers. Jai pris le stylo. Ma main, autrefois tremblante, était maintenant ferme. Mais je lai forcée à trembler.

Jai penché la tête sur le document, tracé la première lettre de mon nom. Et soudain, ma main a tremblé plus fort, comme sous une crampe. Une tache dencre noire sest étalée exactement là où il fallait.

« Oh, pardon ai-je balbutié. Ma main ma trahie. »

Le visage de Séraphin sest durci.

« Ce nest rien, a-t-il forcé. On peut le réimprimer. »

Maître Lefèvre a serré les lèvres, mécontent.

« Jai un autre rendez-vous. Mais dans cet état êtes-vous sûr que votre épouse est en mesure de comprendre ses actes ? »

Cétait le premier coup porté à son plan.

« Bien sûr quelle comprend ! a-t-il crié trop fort. Cest juste une faiblesse musculaire. »

Quand le notaire est parti, le masque du mari attentionné est tombé. Il ma saisie par lépaule.

« Cétait quoi, ce cirque ? Tu las fait exprès ! »

« Je ne me sens pas bien, ai-je chuchoté, les yeux humides de vraies larmes. Je ne contrôle plus mon corps

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