**Journal de Pierre 12 novembre**
« Tu mempêches de respirer, » a dit Marc, debout près de la valise ouverte.
Élodie sest figée, une serviette à la main. Elle venait de sortir de la douche et navait pas tout de suite saisi le sens de ses mots.
« Quest-ce que tu as dit ? » a-t-elle demandé en ajustant son peignoir.
« Ce que jai dit. Tu métouffes, Élodie. Je ne peux plus vivre comme ça. »
Marc pliait méthodiquement ses chemises dans la valise, sans lever les yeux. Ses mains ne tremblaient pas, sa voix était calme, comme sil commentait la météo.
« Marc, quest-ce qui se passe ? » Élodie sest approchée. « De quoi tu parles ? »
« Je pars. Définitivement. »
« Comment ça, tu pars ? Où ? Pourquoi ? »
Marc a enfin regardé sa femme. Pas de colère, ni de regret dans ses yeux. Juste de la fatigue.
« Chez Mme Lefèvre. Elle me propose une chambre. Temporairement, le temps de trouver mieux. »
Mme Lefèvre était leur voisine du dessous, une veuve à la retraite qui louait une chambre aux étudiants.
« Marc, tu es fou ? » Élodie sest assise au bord du lit. « Mme Lefèvre ? Quest-ce quelle vient faire là-dedans ? »
« Elle, au moins, elle me fiche la paix. Personne ne surveille mes faits et gestes. Personne ne me demande où je vais, avec qui je parle, ce que jai mangé. »
« Je ne te surveille pas »
« Vraiment ? » Marc sest arrêté et la fixée. « Qui ma interrogé hier parce que jai eu une demi-heure de retard ? Qui fouille mes poches tous les soirs ? Qui mappelle cinq fois par jour au bureau ? »
Élodie a senti la chaleur lui monter aux joues.
« Je minquiète pour toi. Cest normal, non ? »
« Normal ? » Marc a eu un rire amer. « Élodie, jai cinquante-quatre ans. Je suis un adulte. Et jen ai assez de justifier chacun de mes pas. »
« Mais on est une famille ! Dix-sept ans ensemble ! »
« Dix-sept ans à me transformer en animal domestique. Nourri, brossé, couché. »
Élodie sest levée dun bond.
« Comment oses-tu dire ça ? Je me suis tout donné pour toi ! La maison, le ménage, tout ! »
« Oui. Et en échange, tu exiges un rapport détaillé. Tu sais ce que me disent mes collègues ? Que je suis sous la coupe de ma femme. Que je ne peux même pas aller aux toilettes sans permission. »
« Ce nest pas vrai ! »
« Si. Et jai honte. Honte de moi, davoir laissé faire si longtemps. »
Marc a fermé la valise et la posée par terre.
« Marc, parlons calmement, » a tenté Élodie en lui prenant la main. Il la retirée. « Si quelque chose te dérange, dis-le. Je peux changer. »
« Trop tard. Ma décision est prise. »
« Pourquoi maintenant ? Quest-ce qui sest passé ? »
Marc est passé dans lentrée pour prendre sa veste. Élodie la suivi, perdue.
« Hier, ta sœur Claire a appelé, » a-t-il dit en enfilant ses chaussures. « Je lui ai parlé de notre vie. Devine ce quelle ma répondu ? »
« Quoi ? » a murmuré Élodie.
« Que tu as toujours été comme ça. Même petite. Tu contrôlais tout le monde. Et quelle se demandait comment javais tenu si longtemps. »
« Claire navait pas le droit »
« Si. Parce quelle a raison. Et moi, je ne voulais pas ladmettre. »
Il a pris sa valise et sest dirigé vers la porte.
« Attends ! » a crié Élodie. « Et nos projets ? La maison en Provence ? Les voyages pour la retraite ? »
« Quels voyages ? » Il sest arrêté. « Tu paniques si je vais plus loin que lépicerie. Et la maison ? Tu stresses dès que je parle de pêche. »
« Je minquiète, cest tout »
« Non. Tu me possèdes. Comme un objet. »
Ces mots lont frappée plus fort que tout.
« Cest injuste, » a-t-elle chuchoté. « Je taime. »
« Je sais. Et cest pour ça que cest dur. Tu aimes, mais tu ne laisses pas vivre. »
Marc a ouvert la porte.
« Je viendrai chercher le reste plus tard. Quand tu auras digéré. »
« Marc, ne pars pas. Sil te plaît. »
Mais la porte sest déjà refermée.
**Leçon du jour :**
Lamour ne doit pas être une cage. Parfois, tenir trop serré revient à tout perdre. Et si la liberté était la plus grande preuve damour ?







