« Tu ne sais pas pardonner », dit lamie en rayant mon nom de la liste des invités. « Margot, tu men veux toujours ? » demanda-t-elle, perchée au bord du canapé, tortillant nerveusement la poignée de son sac. « Ça fait six mois, pourtant ! »
« Six mois, ce nest pas une prescription pour la trahison », répondit Hélène dune voix glacée, sans quitter son repassage. Le fer crachait de la vapeur sur la blouse immaculée.
« Mais quest-ce que tu racontes ? Quelle trahison ? Je ne lai pas fait exprès… »
« Pas exprès ? » Hélène leva enfin les yeux vers son amie. « Marguerite, tu as fréquenté mon mari pendant trois mois. Trois mois à aller dans la maison de campagne que nous louions avec Victor. Trois mois à me mentir en prétendant que tout allait bien avec Igor. Et pendant ce temps… »
Elle ne termina pas sa phrase, reprenant le fer. Margot avala sa salive.
« Hélène, comprends-moi… Tu sais comment je suis. Je ne supporte pas de rester seule. Et Igor est toujours en déplacement. Javais besoin de compagnie. »
« Alors tu as choisi la mienne », fit Hélène en appuyant brutalement sur le tissu. « Très original. »
« Cest arrivé comme ça ! On discutait, il me comprenait, et puis… »
« Et puis vous êtes allés à la campagne, dans mon lit. »
Margot rougit.
« Comment tu le sais ? »
« La voisine ta vue. Tante Gaëlle, de la parcelle dà côté. Elle ma appelée pour me dire quelle tavait aperçue avec un homme. Jai cru que cétait Igor. Jusquà ce quelle me décrive Victor… »
Hélène éteignit le fer et suspendit la blouse. Ses mains tremblaient légèrement.
« Hélène, parlons calmement, » insista Margot en se levant. « On est amies depuis vingt ans, depuis la fac. Tu vas tout gâcher à cause dune bêtise ? »
« Une bêtise ? » Hélène se retourna brusquement. « Margot, tu as couché avec mon mari ! Dans mon lit ! Et tu appelles ça une bêtise ? »
« Arrête de crier, les voisins vont entendre. »
« Je men fiche des voisins ! » La voix dHélène se brisa. « Je men fiche de tout ! Tu mas volé mon mari ! »
« Je nai rien volé ! » Margot sénerva à son tour. « Cest de ta faute ! Tu tes laissée aller, tu as négligé ton couple. Quand tes-tu fait belle pour la dernière fois ? Quand tes-tu intéressée à lui ? Tu traînes dans ces pulls informes, sans même te coiffer… »
Hélène pâlit.
« Donc cest moi la coupable de son infidélité ? »
« Pas coupable, mais… Réfléchis. Un homme a besoin dattention, dadmiration. Toi, tu ne penses quau boulot et à largent. »
« Je vois. » Hélène hocha lentement la tête. « Je suis une mauvaise épouse, et toi, une parfaite maîtresse. Tout est logique. »
« Ne déforme pas mes mots ! »
« Alors explique-toi. Tu penses que tu avais le droit de prendre mon mari parce que je ne moccupais pas assez de lui ? »
Margot comprit que la discussion tournait mal.
« Je veux juste quon se réconcilie. Quon revienne à avant. »
« À avant ? » Hélène eut un rire amer. « Rends-moi mon mari aussi, alors. »
« Hélène, il est revenu ! Il a admis son erreur. »
« Oui, il est revenu. Mais maintenant, chaque fois quil rentre tard, je me demande sil est avec une autre de mes amies. Et chaque fois que tu mappelles, jai la nausée. »
Margot se rassit.
« Je comprends ta peine. Mais on ne peut pas garder rancune éternellement. Il faut savoir pardonner. »
« Pardonner. » Hélène goûta le mot comme un poison. « Margot, le pardon, cest quand quelquun se repent. Toi, tu ne texcuses pas. Tu mexpliques pourquoi tu avais le droit dagir ainsi. »
« Je ne dis pas que javais le droit… »
« Si. Avec dautres mots. Tu penses que jai provoqué son infidélité. Que tu as juste profité de mes erreurs. »
Margot ouvrit la bouche pour protester, mais se rendit compte quHélène avait raison. Cétait exactement ce quelle pensait.
« Daccord, admit-elle. Jai eu tort. Pardonne-moi. Oublions tout ça. »
« Cest bien ça. » Hélène secoua la tête. « Tu veux que joublie. Mais toi, tu te souviens de chaque minute passée avec lui. Et tu ne le regrettes pas. Tu regrettes seulement quon tait prise la main dans le sac. »
Margot se mit à arpenter la pièce.
« Que veux-tu que je fasse ? Que je me traîne à genoux ? Quon joue aux héroïnes de mélodrame ? On est des adultes. »
« Je veux que tu comprennes la douleur que tu mas infligée. Sans essayer de la justifier. »
« Jai compris ! » Margot agita la main. « Tu souffres, désolée. Mais la vie continue. Combien de temps vas-tu ruminer ? »
Hélène la fixa longuement, puis se dirigea vers le bureau et prit un carnet. Elle en tourna les pages, trouva la bonne, et y traça un trait rageur.
« Quest-ce que tu fais ? » demanda Margot.
« Je te raye de la liste des invités pour lanniversaire de maman. Cinquante-cinq ans. Je voulais organiser une fête, réunir tous nos proches. »
« Hélène, tu es folle ? Tante Claire me connaît depuis lenfance ! Comment je pourrais ne pas venir ? »
« Très simple. Tu passeras la voir un autre jour. Mais à la fête, tu ne seras pas là. »
« Pourquoi ? On avait convenu que… »
« Parce que tu ne sais pas demander pardon, » dit Hélène en fermant le carnet. « Tu ne peux pas texcuser sincèrement. Tu viens exiger que joublie ta trahison parce que ça tarrange. Mais mes sentiments, tu ten moques. »
« Ce nest pas vrai ! »
« Si. Sinon, tu ne maurais pas dit que jétais responsable de linfidélité de Victor. Tu ne maurais pas réclamé le pardon comme un dû. »
Margot regarda son amie, cette Hélène inséparable depuis vingt ans. Ensemble à la fac, ensemble pour leurs mariages, partageant joies et peines. Et tout sécroulait à cause dune erreur.
« Vingt ans damitié, ça ne compte plus ? »
« Si. Cest pour ça que ça fait si mal. Si cétait une inconnue, je laurais jetée dehors. Toi, je tai laissée entrer, espérant que tu réaliserais. »
« Réaliser quoi ? »
« Comprendre ce que tu as fait. Texcuser non par convenance, mais par remords. »
Hélène passa à la cuisine, Margot la suivit. Elle mit la bouilloire sur le feu, sortit deux tasses, puis en reposa une.
« Pas de thé pour moi ? » fit Margot, blessée.
« Non. Tu nes plus une invitée ici. »
« Sérieusement ? On se connaît depuis trente ans ! »
« Justement. Je ne comprends pas comment tu as pu faire ça. Une autre laurait sé







