**Journal dun Marié**
Le troisième jour, les doigts commencèrent à bouger. Le mouvement partit de leurs extrémités, rouges comme des chapeaux damanites, mais sans taches. Peu à peu, toute leur longueur grise sanima. Sans phalanges pour les retenir, ils se balancèrent dans le pot, cherchant à saccrocher aux bords. Marine esquissa un sourireamusant quelle ait choisi un pot en forme de tête humaine. On aurait dit quil réfléchissait.
Les doigts cessèrent dexplorer leur environnement lorsquune mouche vint frôler la fenêtre. Linsecte se posa sur le rideau fleuri avant de glisser vers la vitre. Les doigts se figèrent, retenant leur tremblement. La mouche atterrit sur lun deux, puis descendit, explorant de sa trompe.
Le doigt réagit aussitôt. Son bout rouge se referma dun coup, écrasant linsecte. Un craquement étouffa le bourdonnement, et les sept doigts senroulèrent en un poing gris strié de veines écarlates.
De la nourriture pour lesprit, murmura Marine en sortant un petit chaudron du four. Le bouillon de viande commençait à réduire.
***
Elle remua la soupe du bout de sa cuillère, inspectant la consistanceparfaite, et lodeur, divine. Versant un peu de bouillon dans le pot, elle observa les doigts frémir, absorbant avidement le liquide entre leurs veines. Ils tremblèrent, puis éclatèrent, souvrant comme des pétales rouges couverts de papilles.
Un sourire aux lèvres, Marine prit le pot. Un doigt tenta de latteindreun sifflement le fit reculer.
Cest bien ce que je pensais, chuchota-t-elle avant de sapprocher de la cave ouverte.
Dans lobscurité, quelque chose remuait. Elle y jeta le pot. Un petit cri étouffé, puis un bruit humide.
De retour près du four, elle prit le chaudron, protégeant ses mains avec un linge épais. Le bouillon épais se déversa dans les entrailles du sous-sol, accueilli par des claquements reconnaissants.
Elle alluma une lanterne. Le long des murs, des champignons agitaient leurs doigts gris, sépanouissant en fleurs rouges après sêtre nourris du bouillon préparé selon la recette de sa grand-mère.
Après avoir remis le lit en place, Marine étendit une nappe immaculée, disposa les plats chauds, et remplit les lampes à huile. Vêtue dune robe neuve, elle se pinça les joues et guetta par la fenêtre.
Un cavalier en armure brillante approchait de la croisée des chemins. Nétait-ce pas merveilleux ? Peut-être quaujourdhui, elle se marierait. Et si le prétendant ne convenait pas il rejoindrait les champignons dans la cave.
Lhomme sarrêta devant le perronet Marine, sorcière de lignée, lui sourit à pleines dents.
*Morale : En amour comme en cuisine, il faut savoir choisir ses ingrédients.*







