Lisa et la porte ouverte

Élodie et la Porte Ouverte

La nuit était noire et terrifiante… Une douleur au cœur. Pourquoi lui infliger cela ? Élodie se blottissait silencieusement à l’ombre d’un arbre dans la cour. Le vent glacé traversait sa fourrure, transformant ses larmes en minuscules cristaux sous le gel automnal. Elle serrait contre son ventre ses pattes engourdies et se souvenait…

Comme cétait doux, près du flanc chaud de sa mère, entourée de ses frères et sœurs dans un nid moelleux. Sa mère les léchait tour à tour, ronronnant une berceuse apaisante. Tout était si rassurant, si paisible… Puis ses pattes devinrent plus fortes, et elle commença à séchapper de ce cocon pour explorer lappartement lumineux.

Peu à peu, ses frères et sœurs furent adoptés, et vint le tour dÉlodie. Un homme et une femme lui parlaient avec douceur, la câlinaient, lembrassaient même. Mais Élodie naimait pas ça. Elle voulait courir ! On lemmena dans une nouvelle maison. Et elle courut, découvrant chaque pièce, chaque recoin.

Tout le monde jouait avec la petite chatte. Et quels jouets fascinants elle avait maintenant ! Des souris, des balles, des plumes. Mais son jeu préféré restait la poursuite du point rouge de la lumière laser, qui toujours lui échappait.

Puis Élodie devint une chatte digne, indifférente aux jeux. Seul le tintement de la clé accrochée au laser pouvait encore la faire bondir. Le soir, elle aidait sa maîtresse en cuisine. Le matin, elle accompagnait son maître jusquà la porte. Élodie était heureuse !

Puis tout bascula… Ses maîtres firent leurs valises. Élodie sautait sur les sacs, amusée. Mais ils évitaient son regard, lair sombre. Une femme aux lèvres minces et pincées arriva dans lappartement à moitié vide.

Élodie comprit quelle était une parente, chargée de veiller sur elle et lappartement en labsence de ses maîtres. La chatte resta des heures près de la porte, guettant leurs pas. En vain.

Lappartement devint froid, hostile. On oubliait souvent de la nourrir. Elle sasseyait près de sa gamelle vide, trop timide pour réclamer. La femme ne la remarquait que lorsquelle trébuchait sur elle, grognant en versant quelques croquettes dans une gamelle sale.

Interdiction de monter sur le canapé (trop de poils) ou le rebord de la fenêtre (les plantes avant tout). Élodie passa ses journées sur le paillasson, couvert de sable. Plus de caresses, la femme la repoussait avec dégoût. Pourtant, Élodie se léchait soigneusement, espérant en vain gagner son affection.

Un jour, découvrant un poil sur ses bottes en daim, la femme hurla, brandissant une serviette. Élodie se colla au mur, terrifiée. On ne lui avait jamais crié dessus. Ses maîtres ne revenaient toujours pas…

Alors, voyant la porte entrouverte, elle partit. Un dernier regard en arrière, puis elle descendit lescalier en courant, séloignant pour toujours.

Maintenant, seule dans le froid, sans abri. Des ombres menaçantes rôdaient une meute de chiens. Elle aurait voulu disparaître. Une seconde, elle regretta son départ…

Mais elle ne pouvait plus supporter cette femme aux lèvres pincées. Peut-être avait-elle laissé la porte ouverte exprès ?

Pendant ce temps, la femme remplissait un sac poubelle des jouets dÉlodie. Après un dernier tour, elle y jeta les restes de croquettes et les gamelles.

Le grondement des chiens se rapprocha. Élodie se releva et avança, courbée. Elle ignorait où aller, mais une chose était sûre : le bonheur était derrière elle.

Elle erra dans la ville, séloignant toujours plus. Chaque bruit la faisait saplatir au sol, le cœur battant. Puis elle reprenait sa route.

Un soir, elle trouva refuge près de la boulangerie, où les gardiens la laissèrent tranquille. Propre et discrète, on lui offrit de la nourriture, mais elle refusait. Rester vivante ? À quoi bon ? Seule la soif la forçait à boire dans les flaques, lui donnant des maux de ventre.

Son pelage maigre et ses yeux immenses touchaient les ouvriers. Ils tentèrent de lattraper, mais elle senfuit, effrayée.

Elle recommença à errer, jusquà revenir, sans savoir pourquoi, devant son immeuble. La porte dentrée était ouverte…

Elle monta lentement, jusquà lappartement. Derrière la porte, une dispute éclatait.

Elle sest enfuie ? sécria la maîtresse. Où sont ses affaires ?

Vous devriez me remercier ! rétorqua la femme aux lèvres pincées.

Soudain, une voisine apparut :

Élodie ! Mais tu es si maigre… Attends, je les appelle.

La porte souvrit. La femme hurlait :

Je ne remets plus les pieds ici !

Et sur le seuil, la maîtresse… Élodie bondit dans ses jambes, griffant son pantalon, grimpant vers elle.

Tu es revenue…, murmura la maîtresse, les larmes aux yeux.

Élodie se frotta contre elle, couvrant ses vêtements de poils. Enfin, elle ressentit la faim, pour la première fois depuis six jours…

Cette nuit-là, lovée entre ses maîtres, Élodie comprit quelle sétait trompée. Le bonheur était encore possible.

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Lisa et la porte ouverte
Comment as-tu pu laisser mon fils mourir de faim ?