Prête à Fuir avec Mon Fils et lEssentiel de Ce Village
Javais déjà fait mentalement ma valise, préparant le strict nécessaire pour fuir avec mon fils loin de mon mari et de ses parents, loin de ce petit village perdu au cœur de la campagne. Non, je ne consacrerai pas ma vie à leurs chèvres, leurs vaches et leurs interminables potagers. Ils croient quen épousant Théo, jai signé un contrat pour devenir louvrière gratuite de leur ferme. Mais je refuse. Ce nest pas ma vie, et je ne veux pas que mon fils grandisse dans ce marais, où le seul divertissement est de débattre du nombre de litres de lait que la vache Étoile a donnés.
À mon arrivée ici, après le mariage, javais cru que les choses ne seraient pas si terribles. Théo était attentionné, ses parents, Élodie et son mari, semblaient gentils. Le village avait même son charme : champs verdoyants, air pur, silence. Javais presque pensé que je my ferais. Mais la réalité ma vite rattrapée. Une semaine après notre installation, Élodie ma tendu un seau en mordonnant de traire les chèvres. *« Maintenant, tu es des nôtres, Camille, tu dois aider ! »* avait-elle dit avec un sourire qui me glace encore le sang. Moi, fille de la ville, qui navais jamais soulevé plus lourd quun ordinateur, jai dû apprendre à traire avant le coucher du soleil. Ce fut mon premier avertissement.
Théo, finalement, navait aucune intention de me défendre. *« Ma mère a raison, ici tout le monde travaille »*, avait-il répondu quand javais tenté de protester. Et ainsi commença ma nouvelle routine : réveil à cinq heures du matin, nourrir les bêtes, sarcler les potagers, nettoyer la maison, cuisiner pour tous. Je me sentais plus une servante quune épouse. Et si josais demander un jour de repos, Élodie roulait des yeux et entamait son sermon : *« De mon temps, les femmes travaillaient du lever au coucher du soleil sans se plaindre ! »* Théo restait silencieux, comme si cela ne le concernait pas.
Mon fils, à peine trois ans, était ma seule lumière. En le regardant, je sais quil ne doit pas grandir ici, où son avenir se résume à la ferme ou à sexiler à Paris, où il sera toujours un étranger. Je veux quil aille à la crèche, quil étudie, quil voyage, quil découvre le monde. Ici ? Ici, il ny a même pas une connexion internet décente pour lui mettre des dessins animés. Quand jai évoqué lidée de linscrire à un atelier de peinture dans le bourg voisin, Élodie a ricané : *« Pourquoi faire ? Autant quil apprenne à traire les vaches, au moins cest utile ! »*
Jai tenté de parler à Théo. Je lui ai expliqué que jétouffais, que ce nétait pas la vie dont javais rêvé. Mais il sest contenté de hausser les épaules : *« Tout le monde vit comme ça, Camille. Quest-ce que tu veux ? »* Et jai découvert quÉlodie prévoyait déjà dagrandir létable et dacheter une nouvelle vache. Bien sûr, tout le travail retomberait sur moi. Ce fut la goutte deau.
Jai commencé à mettre de largent de côté en secret. Pas beaucoup, mais assez pour deux billets de train jusquà Lyon. Une amie là-bas ma promis de maider à trouver un logement et un travail. Je nous imagine déjà, mon fils et moi, montant dans ce train, laissant derrière nous ce village, les chèvres, les vaches et les sermons dÉlodie. Je rêve dun petit appartement où régnerait notre intimité, où je pourrais travailler et où mon fils grandirait avec des opportunités. Je veux me sentir humaine à nouveau, pas comme une machine à trimer.
Bien sûr, jai peur. Comment sera la vie en ville ? Trouverai-je un emploi ? Largent suffira-t-il ? Mais une chose est sûre : je ne peux pas rester ici. Chaque fois que je vois mon fils jouer dans le jardin, je sais quil mérite mieux. Et moi aussi. Je ne veux pas quil voie sa mère ployer sous ce fardeau, seffacer pour satisfaire les autres.
Élodie ma dit lautre jour que jétais *« trop citadine »* et que je ne serai jamais des leurs. Vous savez quoi ? Elle a raison. Je ne veux pas être des leurs. Je veux être moi-même Camille, celle qui rêvait dune carrière, de voyages, dune famille heureuse. Et je ferai tout pour reconquérir cette vie. Même si cela signifie prendre une valise et fuir avec mon fils vers un endroit où personne ne nous forcera à traire des vaches.







