Le Bonheur avec un Goût de Tristesse
Clémence, une jolie fille aux formes douces avec des boucles échappées de ses tresses serrées encadrant son visage rond, était amoureuse de Gabriel depuis le CM1. Mais lui, le plus beau garçon du collège, ne la remarquait même pas.
Gabriel était un véritable Adonisgrand, la peau légèrement hâlée, les traits fins. Il excellait en sport et captivait toutes les filles, des plus jeunes aux lycéennes, sans oublier quelques professeures qui rougissaient en sa présence. Brillant sans être un intello, on murmurait quil visait Sciences Po ou la Sorbonne. Les rumeurs parlaient aussi de ses conquêtes amoureuses, de cœurs brisés. Et au milieu de tout ça, il y avait Clémence, qui laimait en secret.
En terminale, elle avait minci, ses cheveux blonds cascadant librement sur ses épaules. Un jour, dans le couloir, Gabriel lavait remarquée. Il sétait arrêté net, admirant sa silhouette élancée, ses jambes fines, sa chevelure dorée. Son cœur à elle avait battu la chamade : « Enfin, il me voit ! »
Salut, Dubois, avait-il murmuré, la voix rauque.
Elle lui avait souri, hoché la tête, et était passée, fière comme une reine. Malgré son amour pour lui, elle jouait la froideur, sachant quelle avait trop de rivales.
Gabriel, dès lors, neut plus de repos. Il la croisait exprès, laccompagnait jusquà chez elle, linvitait au cinéma. Mais Clémence résistait.
Tout le collège voyait ses regards brûlants. Lair semblait électrique quand ils étaient proches.
Puis vint le bal de Noël. Ils dansèrent ensemble, il laccompagna chez elle et lui avoua son amour, jurant quil ne vivait plus que pour elle. Clémence, ivre de bonheur, accepta enfin son invitation.
Elle vivait seule avec sa mère, une comptable sévère qui lui rappelait sans cesse la vertu et les dangers des premiers émois.
Au printemps, leur amour sépanouit. Ils sembrassaient en cachette, se consumant de désir. Un après-midi, chez elle, ils cédèrent à la passion.
Le bac passé, Clémence sinscrivit en fac de lettres à Lyon, tandis que les parents de Gabriel lenvoyaient à Paris. Il la supplia de le suivre.
Viens avec moi. Mes parents menverront de largent, on louera un appart
Sa mère refusa catégoriquement. Alors Clémence prit une décision folle : elle remplit une valise, prit la moitié des économies de sa mère, laissa un mot et partit pour Paris, cachée dans un autre wagon que Gabriel.
Ils sinstallèrent dans un studio. Clémence, habituée à gérer la maison, jouait à la petite épouse heureuse.
Quand ses parents appelaient, Gabriel mentait. Clémence tenta de joindre sa mère, qui lui hurla de ne jamais revenir si elle tombait enceinte.
Deux mois plus tard, elle létait.
Le médecin lui apprit que son rhésus négatif rendrait tout avortement risqué. Gabriel, encore épris, promit de soccuper deux.
On se mariera plus tard, dit-il.
Elle accepta, croyant à leur amour.
Mais quand ses parents débarquèrent un jour, tout bascula. Sa mère exigea quelle avorte. Gabriel défia sa famille :
Si elle part, vous naurez plus de fils.
Ses parents cédèrent, à contrecœur.
Clémence accoucha dun petit Louis. Elle mit ses études en pause, travailla comme femme de ménage. Gabriel termina sa licence, mais leur amour sétiolait. Un jour, elle trouva une trace de rouge à lèvres sur sa chemise. Elle se tut.
Puis, un après-midi ensoleillé, elle le croisa main dans la main avec une blonde élancée.
Cest qui ? demanda la fille, méprisante.
Je suis sa femme, répondit Clémence.
Ils rirent. Gabriel promit den parler à la maison.
Il rentra à laube, prit ses affaires et partit.
Dévastée, Clémence échoua à son examen suivant. Son professeur, touché, lui proposa de lhéberger.
Ma nièce est partie avec mon meilleur ami, confia-t-il. Vous serez en sécurité chez moi.
Elle accepta.
Un an plus tard, ils croisèrent Gabriel. Il la trouva plus belle que jamais et tenta de se racheter.
Tu maimes ? Tu nas même pas regardé Louis, rétorqua-t-elle.
Ce soir-là, elle rejoignit son professeur dans son lit. Ce nétait pas lamour fou, mais une paix fragile.
Elle ne regretta rien. Gabriel aurait toujours des admirateurs, mais elle avait un mari, et Louis un père. Le reste nétait que poussière.







