Je Ne Te Donnerai à Personne

Inès, mettons les choses au clair tout de suite. Je moccuperai de toi, et en échange, tu ne réclameras rien. Tout ira à mes enfants. Daccord ? me demanda mon nouveau mari dun air interrogateur.

Daccord, Marius, soupirai-je.

Cet accord remontait à cinq ans.

Je navais jamais vraiment voulu me marier. Jétais bien seule. Sans doute une égoïste finie. Un bon travail, un appartement, une amie, un chat. Que demander de plus ?

Pourtant, le temps passait. Autour de moi, toutes avaient des maris, des enfants. Et ma meilleure amie, Adèle, était partie vivre en Allemagne avec sa famille.

Dès que je croisais une connaissance, la question tombait : « Alors, toujours célibataire ? »

Que répondre ? Que javais essayé, ou que jattendais encore ?

Jai rencontré un homme. Je me suis dit : pourquoi pas ? Changer de statut. Passer de vieille fille à femme mariée. Jai enjôlé mon Loïc avant quil ne réalise. Un brave garçon, docile, calme, qui cuisinait bien. Un problème : je ne laimais pas. Et je ne pouvais pas me forcer. Loïc faisait tout pour me plaire, je le sentais, mais

Nous avons vécu ensemble trois ans. Puis, un jour, Loïc est mort subitement. Il navait même pas 35 ans. Le cœur avait lâché. La mort nattend pas. Les remords mont dévorée. Je me suis haïe pour mon indifférence. Plus jamais ça, plus de mariage !

Adèle mappelait, vantait sa vie allemande, minvitait à venir. Jai pris mon billet pour lui rendre visite. Arrivée à Düsseldorf, tout était nouveau.

Adèle ne tarissait pas sur son quotidien.

Inès, ce soir, nous sommes invités à lanniversaire du patron de mon mari. Tu viens ? Je lui ai parlé de toi. Marc a hâte de te rencontrer. Je lui ai montré ta photo, débita Adèle, excitée.

Tu dérailles ? Quest-ce que jen ai à faire dun Allemand ? Pas question ! me défendis-je.

Mais tes complètement bête ! Marc est un homme formidable ! Divorcé, deux fils adultes. Ne rate pas ça, Inès ! insista-t-elle.

Bon, je vais y réfléchir, cédai-je. Qui aurait cru que je lui serais si reconnaissante plus tard ?

Pas besoin de réfléchir ! On va te le faire épouser ! lâcha Adèle.

Jeus limpression que tout était déjà décidé. Tant pis, jirais. Je ne voulais pas la contrarier.

Le soir même, Adèle, son mari et moi sommes arrivés chez Marc.

Un homme imposant, dans la cinquantaine, nous accueillit chaleureusement. Je restai sans voix. Mon futur prétendant était si séduisant. Marc me baisa la main, minvita à table. Jétais prête à lépouser sur-le-champ. Toute la soirée, nous échangeâmes des regards appuyés, des sourires, des plaisanteries.

Marc parlait assez bien français. Sa grand-mère venait de Metz. Parfait, des sujets de conversation ne manquaient pas.

Bref, nous échangeâmes nos numéros. Au cas où. La vie est imprévisible.

Après ce séjour, je rentrai chez moi, le cœur léger.

Dès lors, je ne pensais plus quà Marc. Je voulais aimer et être aimée. Il mappelait souvent. Nos conversations duraient des heures. Comme si nous nous connaissions depuis toujours.

Finalement, Marc me demanda en mariage. Sans hésiter, je pris le premier vol pour Düsseldorf.

Il mattendait à laéroport, un somptueux bouquet de roses rouges à la main. Mon futur mari sagenouilla sur un genou. Je rougis. Autour de nous, les regards sattardaient. Marc me tendit les fleurs, membrassa passionnément. Puis me souleva dans ses bras pour memmener vers un taxi. Les spectateurs applaudirent, souriants.

Nous arrivâmes chez lui. Trois jours de passion folle passèrent en un éclair. Une étincelle. Les mots étaient superflus.

Ensuite, Marius me présenta à ses fils et à sa mère. Ce fut un choc.

Ses deux fils mariés me dévisagèrent avec méfiance, comme pour dire : « Encore une qui vient chercher quelque chose. » Sa mère, visiblement très âgée, trônait dans son fauteuil roulant, digne et immuable. Ni les fils ni la mère ne parlaient français.

Je me dis quil faudrait composer avec cette joyeuse tribu. Quelle idée aussi ! Marc perçut mon malaise. Mais les présentations faites, nous passâmes à table. Pas besoin de discuter. On pouvait goûter les plats en silence.

Heureusement, tous vivaient séparément. Les fils habitaient une autre ville, la mère était en maison de retraite. Elle avait 93 ans, ni plus ni moins.

Une fois les formalités réglées, le mariage célébré, Marc me posa ses conditions. À sa mort, tout irait à ses fils. À moi, une sépulture digne pour mon époux. Jacceptai. Tout fut notarié.

Mais ses fils ne me firent pas confiance. Ils nous harcelaient. Marc memmenait chaque semaine les voir. Il fallait aussi rendre visite à sa mère. Je supportais tout en silence.

Dabord, je navais pas à travailler. Ensuite, je voyageais deux fois par an. Enfin, jaimais mon mari. Les avantages surpassaient les inconvénients.

Quatre ans passèrent ainsi, entre joies et tracas. Puis Marc tomba malade, gravement. Alité, il avait besoin de soins constants. Sa mère, ses fils Tout reposait sur moi. La vie sarrêta.

Un an de lutte, et Marc modifia son testament en ma faveur. Je nen savais rien.

Mais ses fils débarquèrent dès le lendemain. La discussion fut tendue. Leurs regards haineux me transperçaient. Ils suppliaient leur père de revenir à la raison. « On change de femme, pas denfants. Le sang avant tout. »

Je restais en retrait. Marc, épuisé, semblait las. Je pris la parole. Je parlais maintenant allemand.

Ne vous inquiétez pas. Je ne veux rien, sauf votre père. Juste quil guérisse. Je nai jamais rêvé dargent.

Les fils appelèrent leurs femmes, restées dans le jardin. Deux épouses entrèrent, questionnantes. Leurs maris hochèrent la tête. Marc demanda à tous de sortir, sauf moi.

Inès, tu renonces vraiment à tout ? Pourquoi ? Tu te retrouverais seule, sans rien, sétonna-t-il.

Toi seul comptes. Le reste na pas dimportance. Guéris, Marius ! murmurai-je, les larmes aux yeux.

Et cétait vrai.

Marc se battit. Et quand je lui appris que nous attendions un enfant, il sembla renaître.

Notre fille, Hélène, naquit. Marc tenait à lappeler comme sa mère, vieille dame centenaire. Je nobjectai rien.

Il adorait notre petite. Ses fils la détestèrent. Une héritière de plus. Alors, je demandai à Marc de tout donner à ses fils. Gardons juste la maison. La paix avant tout.

Marc ne me contredit pas

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