Pourquoi devrais-je vous donner mon appartement ?
Aujourd’hui, c’était l’anniversaire d’Élodie Laurent. Dès le matin, elle s’était affairée dans la cuisine, tentant de tout préparer à temps. Et ce n’était pas une mince affaire ! Cuisiner pour toute cette petite tribu, et autant de plats… Elle avait planifié le menu à l’avance, fait les courses pendant une semaine, s’était rendue au marché bio de Rungis pour des légumes frais, du fromage artisanal, de la viande et du poisson de qualité. Dans les supermarchés, ce nétait pas pareil, loin de là. Elle voulait réunir toute sa famille autour de la table et leur préparer un repas délicieux. Et le gâteau, bien sûr, elle devait le faire elle-même, un « Millefeuille », comme ceux quelle préparait pour les anniversaires de sa fille Aurélie et de son fils Théo.
Élodie se souvenait avec mélancolie du passé, quand ils vivaient tous ensemble dans cet appartement. Son mari, le professeur de physique Mathieu Dubois, les jumeaux Aurélie et Théo, et elle, professeure de musique. Mathieu, pour ses contributions scientifiques et ses relations influentes, avait obtenu un vaste appartement de quatre pièces, quÉlodie avait meublé avec élégance et goût. Elle avait déniché, comme on disait à lépoque, un lustre en cristal pour le salon, une bibliothèque en acajou et un service à porcelaine allemand, sans oublier les nappes en lin immaculées, les serviettes brodées et largenterie ancienne. Elle avait été si heureuse de trouver ce service rare avec sa soupière, pour ne plus servir la soupe dans une simple casserole. Parfois, ses amies disaient que leur maison ressemblait à un musée ou à un salon de lépoque bourgeoise. Ça la flattait. Elle adorait recevoir, jouer du piano pour ses invités et bavarder avec esprit. Cette maison était son royaume. Et elle cuisinait à merveille, gâtant son mari et ses enfants.
« Maman, est-ce que ma future femme saura cuisiner comme toi ? » demandait le petit Théo.
« Je lespère, mon chéri. Mais une telle perle est rare, » répondait-elle en souriant.
« Alors je resterai toujours avec toi ! »
« Oh non. Les enfants doivent grandir et quitter le nid un jour, mon fils. Il ne faut pas vivre avec ses parents jusquà la vieillesse. Chacun doit voler de ses propres ailes, » répétait-elle souvent. Oui, elle préférait être une grand-mère du dimanche plutôt que de vivre en clan, entourée denfants et de petits-enfants.
Puis, soudain, cette vie heureuse prit fin, et Élodie se retrouva seule.
Mathieu Dubois mourut subitement, un matin. Même les secours narrivèrent pas à temps. Le cœur. Il se plaignait depuis longtemps, prenait scrupuleusement ses médicaments, consultait des médecins, mais Lhomme est mortel, et pire encore, il lest souvent sans prévenir.
Élodie pleura longtemps, puis se ressaisit et continua à vivre comme elle pouvait. Les enfants quittèrent le nid, comme elle lavait toujours dit. Aurélie obtint son diplôme en économie, rencontra son mari Lucas, et ils emménagèrent dans un petit appartement en location, dans un quartier difficile. Cest là que naquit leur fille, Louna. Puis Théo se mit en couple avec une jeune femme, Chloé, et sinstalla dans une chambre en résidence universitaire.
Aurélie, au début de sa vie de famille, avait un jour demandé à sa mère :
« On pourrait vivre ici quelque temps, le temps que Lucas trouve un meilleur travail ? »
« Non, ma chérie. Tu es mariée, tu dois commencer ta vie. Crois-tu que ton père et moi avons été aidés ? Personne. Nous avons vécu dans des résidences universitaires, des colocations, sans eau ni chauffage parfois. Mais nous nous en sommes sortis. Et regarde le résultat. Nous avons réussi, nous avons notre propre chez-nous. Cest ce que vous devez faire aussi. »
À Théo, elle tint le même discours : un homme doit subvenir aux besoins de sa famille, assumer ses responsabilités. Les enfants nétaient pas satisfaits, mais personne nosa contester. On ne vit pas contre la volonté de sa mère.
Élodie croyait en cette maxime : « Loin des yeux, près du cœur. » Elle appelait régulièrement ses enfants, leur offrait des cadeaux pour les fêtes, les invitait pour le thé et des pâtisseries, les emmenait aux concerts de ses élèves où elle jouait du piano, essayant de recréer cette douceur familiale.
Et aujourdhui, elle préparait un grand repas pour son anniversaire. Des plats délicieux, une table raffinée, des épices qui embaumaient toute la maison. Élodie avait pris le temps de se coiffer et de se maquiller légèrement. Elle portait une robe scintillante, réservée aux concerts, et des boucles doreilles en diamants un cadeau de son défunt mari.
À lheure prévue, la famille commença à arriver. Dabord Théo et Chloé, qui offrirent un immense bouquet de roses et un service à café en porcelaine.
« Mon Dieu, comme cest beau ! Un travail si délicat. Merci, mes chéris, » sexclama Élodie en les serrant dans ses bras. « Vous savez me faire plaisir. »
« Oui, maman, on a cherché quelque chose qui te plairait. »
« Chloé, quelle robe magnifique. Fluide, élégante. Et ton visage si rond. Une vraie poupée. »
« Oui, maman On voulait justement te dire » commença Théo.
« Plus tard, plus tard, entrez donc. Aurélie et Lucas ne vont pas tarder. Figure-toi que leur vieille voiture est encore en panne. Ils viennent en bus, mais ils devraient arriver à temps. »
Une demi-heure plus tard, Aurélie, Lucas et Louna arrivèrent. Ils apportaient un bouquet de tulipes et une petite boîte en velours. À lintérieur, un pendentif en or sert







