**Journal intime Un retrouvailles inattendue**
Vingt-cinq ans plus tard, le père se présenta au mariage de sa fille mais on lui refusa lentrée. Et quelques instants plus tard, les sanglots éclatèrent parmi les invités.
Un homme âgé sapprocha avec hésitation de lentrée majestueuse dun restaurant élégant à Paris. Son costume était bien repassé, mais visiblement usé un vestige dune époque révolue, quil navait plus porté depuis des années. Ses cheveux gris, clairsemés, semblaient hésiter à garder leur ancienne cohérence. Arrêté devant la porte, il se regarda dans le reflet du vitre teinté, ajusta son col, prit une profonde inspiration et entra.
À peine avait-il franchi le seuil quil se heurta à un vigile. Lhomme le dévisagea comme si un fantôme du passé venait de surgir.
« Qui êtes-vous ? grogna-t-il. Vous croyez que cest une soupe populaire ici ? »
« Je suis venu pour un mariage » murmura le vieil homme. « Ma fille se marie aujourdhui » Un sourire amer effleura ses lèvres.
Le vigile fronça les sourcils, parla dans son talkie-walkie tout en jetant des regards méfiants vers lintrus. Le vieil homme, langoisse grandissant en lui, tenta dapercevoir la salle à travers les cloisons vitrées, mais en vain la cérémonie devait se tenir dans une aile plus éloignée.
Une minute plus tard, deux hommes en costume lencadrèrent sans un mot et le guidèrent vers une pièce de service.
« Quest-ce que vous faites ici ?! » Une femme le repoussa comme sil était un objet encombrant. « Partez ! Vous navez rien à faire ici ! »
« Pardon Je voulais juste voir ma fille »
Cétaient les parents du marié. Difficile pour eux dimaginer que cet homme puisse être lié à la mariée.
« Nous sommes des gens respectables ici, déclara la femme dun ton glacial en ajustant sa veste de créateur. Et vous, vous êtes qui ? »
« Bonne question », répondit-il.
« Mais totalement inutile, rétorqua-t-elle. Regardez autour de vous : ces gens sont là pour célébrer, pas pour assister à la détresse dun inconnu. Partez avant de gâcher lambiance. »
Elle aimait visiblement contrôler la situation, et plus elle parlait, plus sa colère grandissait.
« Jean-Baptiste Lefèvre », se présenta-t-il en tendant la main.
Elle ignora son geste, recula même, comme sil risquait de la contaminer avec sa pauvreté.
Comprenant quil ne serait pas admis, Jean-Baptiste tenta dexpliquer :
« Je ne suis pas venu pour manger Le voyage a été long, le trajet pas facile. Presque toute ma retraite y est passée »
Cela ne fit quaccroître leurs soupçons.
« Attendez ici, dit-elle soudain, plus douce. On vous préparera quelque chose à emporter. Vous mangerez sur le chemin du retour. »
« Ce nest pas pour ça que je suis venu, répondit-il avec dignité. Je nai besoin de rien Je veux juste voir Amélie. »
« «Juste la voir», se moqua le mari. Nous avons tout payé, tout organisé, et lui, il débarque comme ça pour regarder ! »
« Elle fait partie de notre famille maintenant ! sexclama la femme. Elle épouse notre fils ! Et vous croyez pouvoir vous incruser comme ça ? Personne ne vous connaît, et soudain hop ! vous voilà ! »
Son regard dédaigneux se posa sur ses vêtements, ses mains ridées.
« Vous êtes vraiment son père ? Ou juste un mendiant qui veut un repas gratuit ? »
Jean-Baptiste baissa les yeux, cacha ses mains entre ses genoux. Il contempla ses chaussures cirées mais vieillottes, puis les escarpins impeccables de lhomme en face de lui. Avec un soupir résigné, il accepta le « panier-repas ».
Les parents du marié échangèrent un regard satisfait ils avaient eu raison. La femme hocha la tête, et ils partirent vers la cuisine, le laissant seul.
La vérité, cest quAmélie était bien sa fille. Et il ne lavait pas vue depuis vingt-cinq ans.
Non, il ne niait pas sa culpabilité. Il comprenait leur jugement. Mais le passé était irréversible.
« Si les gens savaient les conséquences de leurs choix, peut-être agiraient-ils différemment », songea-t-il. Comme on dit : « On reconnaît larbre à ses fruits. »
Vingt-cinq ans plus tôt, quand il avait fait ses adieux à la petite Amélie, il ne pensait pas que ce serait pour toujours. Il avait 48 ans, sa femme 46. Leur enfant était arrivé tard, après des années dattente. Mais la vie en avait décidé autrement. Un cancer avait emporté son épouse. Les traitements avaient englouti leurs économies. Après sa mort, il était resté seul avec lenfant.
Son travail était dur et mal payé. La maison tombait en ruine, sa fille avait besoin dattention. Il avait lu quelque part quen Suisse, les enfants étaient bien pris en charge. Aides sociales, protection, éducation. Mais lui ? Qui soccuperait dAmélie sil partait travailler à létranger ?
Le climat là-bas était rude. Et si elle ne sy adaptait pas ? Il ne voulait pas quelle grandisse dans la pauvreté. Alors, plongé dans une dépression profonde, il signa les papiers, la confiant à un orphelinat. Tout sétait passé comme dans un brouillard son esprit éparpillé, son cœur brisé.
Ce jour-là, en la quittant, il avait cru que son âme se déchirait. Chaque nuit, le souvenir de ses larmes, de ses petites mains tendues, et son cri : « Papa, ne pars pas ! » le hantait. Il ne voulait pas la quitter pas une seconde. Il avait prévu de revenir dans six mois. Juste le temps de gagner assez dargent pour des cadeaux, des vêtements, réparer la maison. Il se disait : « Je reviendrai, je la reprendrai, et nous recommencerons. Ensemble. »
Mais à son retour, lhorrible vérité lattendait. Lorphelinat avait fermé, les enfants dispersés dans dautres villes. Incrédule, il frappa à toutes les portes, mais on lui répondit : « Vous lavez abandonnée ? Vous avez signé ? Alors nous navons rien à vous dire. » On laccusa, on le méprisa, sans lui laisser despoir. Il était devenu un étranger pour sa propre fille.
Largent quil avait gagné fut englouti dans des réparations inutiles. Il garda les cadeaux, se persuadant quun jour, tout sarrangerait. Mais les années passèrent, et Amélie resta un souvenir lointain.
Il consulta des avocats, mais la plupart étaient des escrocs. Internet nexistait pas encore pas de réseaux sociaux, pas de moteurs de recherche. Seulement ses jambes, sa patience, et des tentatives désespérées. Lespoir sétiolait.
Et puis, un quart de siècle plus tard, un miracle se produisit. Par hasard, il apprit quAmélie était vivante. Et même sur le point de se marier. Comment ? Une histoire digne dun roman.
Tout commença avec un téléphone perdu. Jean-Baptiste trouva un vieil appareil, difficile à identifier, mais il voulut aider. Le téléphone nétait pas verrouillé. En parcourant les messages, il tomba sur une photo dune jeune femme qui ressemblait à sy méprendre à sa défunte épouse. Son cœur sarrêta.
Il contacta la propriétaire du téléphone, qui accepta de le







