J’ai échangé mon appartement pour un plus petit afin d’aider les enfants : Maintenant, ils n’ont même pas le temps de venir me rendre visite

Jai troqué mon grand appartement contre un plus petit, espérant ainsi alléger le fardeau de mes enfants: ils nont même plus le temps de me rendre visite.

Jai soixantesix ans et, toute ma vie, je me suis persuadée que la famille était le trésor le plus précieux du monde. Je nai jamais parcouru les routes avec de grands espoirs. Je voulais simplement être utile, sentir le parfum de mes enfants et petitsenfants, occuper une place dans leur quotidien.

Pendant trente ans, jai habité le même logis familial: un vaste troispièces baigné de lumière. Depuis la fenêtre de la cuisine, on apercevait le vieux chêne que mon mari, Henri, avait planté lorsquil était encore parmi nous. Dans le salon trônait le vaisselier de ma mère, et dans la chambre reposait une nappe brodée à la main, confectionnée pendant ma grossesse, pour ma fille. Cétait mon chezmoi, mon île sur terre.

Mais les enfants grandissaient. Mon fils, Pierre, vivait avec sa femme et leurs deux bambins dans un deuxpièces dun quartier neuf de la banlieue parisienne. Le prêt, les mensualités, la crèche tout était coûteux. Ma fille, Clémence, venait tout juste de sortir dun divorce, partageait son studio avec une amie, et courait toujours entre les portes.

Un dimanche, autour dun repas, Pierre lança, misérieux:

Maman, nastu jamais pensé à déménager dans un plus petit logis? Tu as tant despace et pourtant tu vis toute seule

Je ressentis un petit picotement, puis je souris.

Et toi, tu pensais vraiment pouvoir laisser derrière toi tout ce que lon connaît?

Non, bien sûr se blêmitil. Mais si tu voulais, tu pourrais nous aider. Contribuer à un appartement plus grand, ce serait un vrai miracle pour les enfants

Je mûris longtemps cette idée, puis je pris ma décision. Je vendis le grand appartement. Jen trouvai un plus modeste: deux pièces aux confins de la ville, sans ascenseur, avec vue sur un parking au lieu du chêne. Mais cétait nouveau, calme, immaculé.

Je remettai une partie de largent à Pierre et à sa famille. Grâce à cela, ils purent acquérir un plus grand appartement. À Clémence, jai aidé à rembourser une partie de ses dettes. Jétais fière de moi, persuadée davoir fait un geste avisé, convaincue que maintenant, en les aidant, nous serions plus proches: ils viendraient, les petitsenfants mappelleraient, nous partagerions plus souvent un thé.

Les premiers jours après le déménagement furent éprouvants. Les voisins étaient froids, le hall dentrée était glacé et en béton, la cuisine si petite que je ne pouvais pas y placer de table. Mais je me répétais: cela en valait la peine. Pour eux.

Et pourtant personne ne venait. Clémence appelait de plus en plus rarement. Pierre répondait au téléphone pressé, les petitsenfants étaient absorbés par leurs cours de natation, leurs séances de logopédie. Jessayais dinviter:

Vous viendrez samedi? Je préparerai un gâteau au fromage.

Maman, on ne pourra pas. Peutêtre la semaine prochaine, ou dans deux

Semaine après semaine, le «la semaine prochaine» se transformait en «un jour, peutêtre».

Un jour, Pierre vint récupérer des papiers que je gardais pour lui. Il se tenait dans lencadrement de la porte, scrutait les lieux et lança:

Oh! Cest vraiment étroit ici. Comment tu peux vivre ainsi?

Je ne répondis pas. Nous buvions du thé en silence, puis je massis, et pour la première fois, je sentis réellement quelque chose se fissurer en moi. Ce nétait pas lappartement, ni la vue, ni le manque de table. Cétait la réalisation que javais offert une partie de moi un fragment de ma vie dans lespoir de proximité, et que je navais reçu que de lindifférence.

Je ne regrette pas davoir aidé. Si aujourdhui lun deux me demandait encore, je le ferais sans hésiter. Mais je regrette davoir cru trop longtemps que lamour devait toujours rimer avec sacrifice, que je navais pas dressé de limites, que je navais pas osé dire: «Je vous aide, mais je ne veux pas finir seule».

Aujourdhui, je tente de recomposer mon existence. Je me promène dans les jardins du parc de la Villette, je me suis inscrite à un club de seniors à la bibliothèque du quartier. Une fois par semaine, je vais au bingo avec ma voisine, Madame Dupont. Parfois, je cuisine uniquement pour moi, jallume une bougie et je minstalle à la table comme pour des invités, car, après tout, je compte aussi.

Les enfants? Ils appellent, rarement. Mais je nattends plus le gâteau au fromage, je nattends plus le lait frais au réfrigérateur «au cas où». Jai remplacé lespace par le silence. Et dans ce silence, jentends enfin ma propre voix qui murmure: «Cest à ton tour maintenant».

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