« Tu nes rien ici, tout comme ton sale mioche ! » lança sèchement la sœur de son mari.
Claire sétait mariée jeune, à peine majeure. Son père lui avait choisi un époux le jour de ses dix-huit ans. La famille de son mari, les Dubois, était aisée que pouvait-elle demander de plus pour le bonheur ? Le mariage avait eu lallure dune fête somptueuse, attirant tout le village. Pourtant, les jeunes mariés restaient en retrait, mal à laise dans leffervescence.
Claire avait fini par apprécier Paul, son mari, même si elle ne le connaissait presque pas. Sa sœur, Émilie, navait pas eu cette chance : elle avait été mariée à un homme de quarante ans, du village voisin. Tout le monde croyait quelle finirait vieille fille, mais leur père lui trouva un parti et promit un solide dot.
Claire et Paul sinstallèrent dans la petite maison des Dubois. Ce nétait pas grand, mais chaque chose arrivait en son temps. Le patriarche promit quon agrandirait la demeure sils donnaient naissance à un petit-fils.
La belle-mère, Françoise, fut douce avec Claire, laidant à prendre ses marques dans son nouveau rôle de jeune épouse. Mais sa belle-sœur, Sabine, affichait une hostilité féroce envers la nouvelle venue. Sabine, laînée, vivait encore avec leurs parents. Elle avait bien été mariée elle aussi, mais son mari lavait renvoyée chez elle un an après la noce, ses bagages sous le bras. Cétait une langue de vipère, incapable de sintéresser au foyer ou denvisager une vie de famille. Elle passait la plupart de ses journées à ruminer sa solitude.
À la campagne, selon la tradition, la bru ne devenait la véritable maîtresse de maison quaprès avoir donné naissance à un fils. Jusque-là, elle devait rester discrète et silencieuse, à sa place. Ainsi, chaque jeune fille arrivant dans la maison de son époux sefforçait rapidement de tomber enceinte.
Claire fit la même chose. Avant dêtre enceinte, Sabine la condamnait aux tâches les plus ingrates, les plus éreintantes. Pourtant, la ferme employait des ouvriers pour ces travaux. Sabine prenait un malin plaisir à rabaisser Claire, à humilier la pauvre jeune femme.
Le jour où Paul annonça quil allait devenir père, son visage sillumina de bonheur. Les beaux-parents se réjouissaient, fiers de leur bru. Sans attendre, ils allèrent acheter des matériaux pour construire une extension à la maison. Sabine, elle, était désespérée. Elle comprenait que sa vie resterait enfermée chez ses parents ; personne ne voudrait plus delle, jamais on ne construirait de toit pour elle
Six mois passèrent. En pleine nuit, Claire fut tirée de son sommeil par un violent coup à la porte. Cétait Sabine.
Pourquoi es-tu couchée ? Tu as fini tout le travail ?
Dans la maison oui, mais Paul ne veut pas que jaille dans la cour.
Bien sûr, tu es juste une fainéante !
Quest-ce que tu veux, Sabine ?
Tu crois parler à qui ? Tu veux prendre lhabitude de me donner des ordres ? Je te rappelle que tu nas pas encore accouché, alors nessaie pas de me commander !
Ce nest pas ce que je veux
Tu nes rien ici, et ton morveux non plus ! Tu comprends ça ?
Sabine semblait follemment furieuse, lançant tout ce qui lui tombait sous la main en hurlant contre Claire. Cest alors que le patriarche Dubois accourut, arrachant sa fille à la pièce dans une tempête de colère. Claire, seule, caressa doucement son ventre arrondi et inspira profondément. Tout ira bien. Tout ira forcément bien…
