« Cest la honte de sortir avec quelquun de ton âge, papa ! » ma lancé mon plus jeune fils.
Ce nest pas évident dêtre un homme seul de soixante ans, sans épouse, avec des enfants adultes qui ont déjà bâti leur vie familiale. La solitude me pèse, mais mes fils ne semblent pas la comprendre. Jadis, nous étions peu proches, mais depuis quune femme est entrée dans ma vie, pour qui jéprouve de vrais sentiments et avec qui jespère vieillir paisiblement, ils ne cessent de me reprocher de laimer.
Avec mon benjamin, nous navons jamais eu une relation facile. Cest un garçon plein dorgueil, mais il reste bon au fond. Déjà adolescent, il attirait toutes les filles, et cela ne la jamais quitté. Avant même de rencontrer celle qui allait devenir son épouse officielle et la mère de sa famille, il avait déjà eu des enfants avec dautres femmes. Il garde tout cela secret, de peur que cela ne ternisse son image. Quant à moi, le fait que je fréquente une femme à mon âge le gêne tout autant.
« Tu es vieux maintenant, cest ridicule de sortir avec une femme de ton âge », ma-t-il dit lorsquil a appris mon bonheur retrouvé, autre que celui que javais vécu avec sa mère disparue. « Laisse-la tomber tout de suite et consacre-toi à tes petits-enfants ! »
Il ma mis au pied du mur : choisir entre sa famille et celle de son frère, avec mes petits-enfants, ou alors rester avec ma compagne. Aucun dialogue na été possible, aucun terrain dentente trouvé. Depuis, mes fils ne me donnent plus aucune nouvelle. Laîné était autrefois neutre, mais le cadet ne cesse de le monter contre moi aujourdhui, je sens que les deux me détestent.
Plus le temps passe, plus jai la sensation de trahir mes enfants pour cette femme que jaime. Comme si javais sacrifié leur affection pour mon bonheur personnel. Ma nouvelle compagne me réconforte, mais cela ne suffit pas toujours. Jaurais aimé avoir ma famille auprès de moi, partager des dimanches autour dun rôti et entendre mes petits-enfants rire dans le jardin Mais je sais bien que cela narrivera pas. Même avant sa rencontre, mes fils ne venaient pas vraiment me voir.
En écrivant ces lignes, je comprends quil ne faut jamais choisir entre le bonheur et lamour de sa famille, mais parfois la vie nous impose des choix douloureux. Jai appris, malgré la peine, que limportant est de rester fidèle à soi-même, même si tout le monde autour préfère détourner le regard.

