28février 2025
Cher journal,
Je me souviens de ce soir où la veuve du voisin, Madame Dupont, ma demandé pourquoi je restais seul tandis que les autres sentouraient. Elle ma rétorqué que lhomme ne doit jamais vivre isolé et que la femme devrait toujours compter sur un mari. Elle a conclu que, sinon, on finirait par être «invisible» à jamais. Jai souri, mais la vérité, cest que la solitude a son propre goût amer.
Plus tard, je me suis retrouvé au café du coin avec ma sœur, la petite Maud, qui, comme toujours, se plaignait de la chaleur de lété à Marseille. Elle a ri en me rappelant que lon ne pouvait pas «donner de leau à un poisson assoiffé». Jai senti que, malgré les plaisanteries, elle cherchait un semblant de réconfort.
Catherine, ma vieille amie denfance, était déjà séparée depuis une décennie. Son exmari, un certain Luc, avait débarqué il y a dix ans, prétendant vouloir réparer les choses, mais nétant jamais revenu que deux fois, comme on revient à la boulangerie quand il ny a plus de croissants. Quand elle men a parlé, elle a expliqué que son mari lavait quittée en prenant leurs deux enfants et leurs quelques chèvres. Aujourdhui, le fils travaille à Lyon comme mécanicien, la fille sest mariée à un ingénieur et sest installée à Paris. Catherine, quant à elle, vit seule dans un petit deuxpièces du centre de Marseille, entourée de ses plantes, de son chat Minette et de quelques souvenirs.
Sa vie ne la dérangeait pas. Elle a trouvé un emploi dans une petite agence de communication, ce qui lui permet de subvenir à ses besoins et de soccuper de Minette comme dune petite fille. Elle lit, fait du yoga, pratique la natation et se rend parfois à des concerts de jazz avec ses amies. Elle est toujours en quête de nouvelles activités pour ne pas sombrer dans lennui. En somme, elle vit à son rythme, loin des drames familiaux.
Un jour, la sœur de Maud, Hélène, ma proposé daider Catherine à reprendre son vieux petit élevage de poules. «Un petit poulailler, du lait, des œufs, ça ferait du bien à la communauté,» a-t-elle lancé. Je nai pas refusé, même si lidée de moccuper danimaux me faisait un peu rire. Nous avons donc acheté un poulailler, quelques vaches, des cochons et même un âne, tout cela à prix coûtant grâce à un petit prêteur à la banque de Montpellier.
Nous avons nommé lentreprise «Ferme du Sud», vendant du lait, des œufs et de la charcuterie. Le tout, bien sûr, en euros. La ferme a rapidement trouvé ses clients : les marchés du quartier, les restaurants qui cherchaient du produit local, les familles qui voulaient des aliments sains. Catherine a mis la main à la pâte, gère les comptes et soccupe de la logistique, pendant que je moccupe de la production animale. Cest un travail dur, mais les sourires des clients compensent largement la fatigue.
Cependant, la vie ne se résume pas quà travailler. Ma soeur Maud ma rappelé que je devais préparer le dîner de ce soir pour ma femme, Caroline, qui venait de rentrer dun voyage daffaires à Bruxelles. Jai donc acheté du poulet fermier, des pommes de terre, du fromage de chèvre et du vin rouge, tout en veillant à ce que la maison reste impeccablement rangée. Cest là que jai compris que, même si la ferme apporte une certaine sécurité financière, elle ne remplace pas les moments simples partagés autour dune table.
En repensant à tout cela, je me suis demandé pourquoi je maccroche à cette idée que lon doit toujours être accompagné. La solitude nest pas une tare, mais une occasion de mieux se connaître. Catherine a trouvé la paix en acceptant son état de célibataire, et moi, en créant une activité qui me passionne, jai découvert que la vraie richesse vient de léquilibre entre le travail, la famille et les loisirs.
Ce soir, après le dîner, jai sorti un vieux vin de la cave, jai ouvert la fenêtre sur le Vieux-Port et jai laissé le parfum de la brise méditerranéenne menvahir. Je me suis senti enfin en harmonie avec moi-même.
Leçon du jour: la solitude nest pas une punition, cest une chance de cultiver son propre jardin intérieur. Il ne faut pas chercher à combler chaque vide avec une présence extérieure, mais plutôt apprendre à apprécier la compagnie que lon se fait à soi-même, tout en restant ouvert aux belles rencontres qui, quand elles viennent, enrichissent naturellement notre existence.
