J’ai refusé d’aider mon ex-mari — ma belle-mère pense que j’en suis Responsable

«Pierre, mon pauvre, ne ressenstu aucune pitié pour ton exépouse?» sest lamentée Lucette Dubois, la mère de Mélusine. «Il disparaît sans toi, tu le sais, il nest plus rien sans ta présence.»

Je restai muet. De lautre côté de la cour, des gamins jouaient au foot. Une petite fille en veste rose, Mélusine, tentait de reprendre le ballon quils sétaient emparés. Ils riaient, la repoussaient, mais elle revint sans cesse, obstinée. Cétait sûrement son ballon volé.

Cette scène me rendit nostalgique, rappelant mes premiers pas vers Sébastien, qui, à lépoque, riait de moi, se mettait en colère et mentait souvent. Il me repoussait par ses actes, et moi je pensais toujours pouvoir le sauver, le réparer. Trois ans entiers, je lai soutenu, négligeant mes propres besoins. Tout ce que jattendais, cétait le soir où il reviendrait, où je le retrouverais tel quavant.

«Tu mentends, Pierre?» interrompit la voix de Lucette, venant me sortir de mes pensées. «Je ten supplie, parlelui encore une fois. Il ta toujours écouté. Tu pouvais encore linfluer.»

Je me retournai, elle était assise au bord du canapé, le sac à main couvrant ses genoux.

«Madame Dubois,» soupiraije. «Jai vécu trois ans avec Sébastien. Trois ans où je lai soigné, le suppléé, le convaincu, et où je pleurais. Il promettait, puis recommençait. Vous le savez bien.»

«Je le sais, mon cher, je le sais,» ricana la mère. «Mais il est au plus bas maintenant! On la viré de son emploi il y a deux semaines. Son appartement est méconnaissable. Il ne lave même plus la vaisselle, ne change plus ses draps. Je viens une fois par semaine, je nettoie, je cuisine, et il ne pense quà la bouteille et à ses copains. Tout ce quil me demande, cest: «Maman, donnemoi de largent.»»

Je hochai la tête, compréhensif. Lucette essuya ses yeux rouges et humides.

Dehors, Mélusine parvint finalement à reprendre son ballon et séloigna, le serrant contre son cœur, le visage rayonnant de victoire.

«Si tu reviens, il changera,» promit Lucette, la voix tremblante. «Il le fera pour toi. Il taime toujours.»

«Il aimait,» rectifiâmesje. «Quand il était sobre. Il laimait vraiment. Mais ivre, il jurait, jetait des assiettes Vous vous rappelez quand je suis arrivé chez vous en chemise de nuit, pieds nus, parce quil mavait caché les clefs et mavait laissé dehors? Jai crié, jai protesté contre son état, jai appelé tous mes amis, la clinique. Je ne suis pas de fer! Je me suis brisé, vous voyez? Quand on piétine tes sentiments chaque jour, ils sévaporent.»

Lucette détourna le regard, soupira profondément. Un silence lourd sinstalla ; elle jouait nerveusement avec la lanière fissurée de son sac.

«Il ne voulait pas. Il ne comprenait même pas ce quil faisait,» finitelle.

Quel autre mot auraitelle pu dire? Jai tout compris: une mère qui perd son fils, impuissante.

«Il ne comprenait pas,» acquiesçaije. «Je le savais. Je savais que vivre ainsi était impossible, chaque fois quil rentrait à trois heures du matin, que le désordre sinstalla. Je découvrais ses cachettes: dans les toilettes, le placard, derrière le radiateur. Il prenait de largent dans mon portefeuille sans demander. Ses copains, toujours bourrés, réclamaient quon le ramène chez eux. Jai tout compris, alors je suis parti.»

«Mais cest ton homme!», sécria la mèreinlaw. «Tu as juré de laimer dans la peine et dans la joie!»

Elle se leva brusquement, son sac tomba, renversant des papiers froissés, un vieux mouchoir en lin et une petite boîte de pilules. Nous ramassâmes ces maigres effets.

«Jai juré,» disje. «Mais la peine était trop lourde, Madame Dubois. La joie, elle, nexistait plus, pas une goutte.»

Elle saisit ma main dun grip froid.

«Pierre, il narrivera pas à survivre sans toi!Le médecin a dit que son foie lâchait. Encore un an, et cest fini. Tu veux vraiment cela?»

«Madame Dubois,» répondisje calmement. «Je ne le veux pas. Je le jure. Mais je ne compte pas me sacrifier non plus. Si je reviens, je mourrai avant lui, ou je deviendrai son infirmier à vie, à surveiller, à sauver, jusquà la fin. Et si nous avions des enfants? Comment les voyezvous vivre ainsi? Je veux des enfants sains, normaux.»

«Tu laimais aussi,» murmura-telle, les larmes coulant. «Tu laimais!»

«Je laimais,» concédaije. «Dans une autre vie, avant que je comprenne que lamour nest pas un sacrifice, nest pas un acte héroïque. Lamour, cest que les deux soient bien. Nous nétions jamais bien, Madame Dubois. Pas du tout.»

Elle se tut, essuya son visage, remit le mouchoir dans son sac.

«Alors tu ne laides pas,» lançatelle, à moitié affirmation, à moitié question.

«Je naiderai pas,» confirméje. «Je ne peux pas, physiquement. Je nai plus la force.»

Elle se leva, mit sa veste de travers, se dirigea vers la porte. Une boutonnière resta bloquée, mais elle ne le remarqua pas. En sarrêtant, elle chuchota: «Il a demandé de tes nouvelles hier, lorsquil était sobre. Ce nest pas fréquent maintenant. Il a dit: «Comment va Pierre?» Jai répondu: «Il va bien, mon fils, tout va bien pour elle.» Il a acquiescé, soulagé.»

Un sentiment de tristesse menvahit. Un voile de nostalgie recouvrit le souvenir de Sébastien, ce jeune homme joyeux, tendre, attentionné, avant que la bouteille ne sinterpose.

«Transmetslui mes vœux de rétablissement,» demandaije. «Vraiment. Mais sans moi. Quil se soigne seul. Je ne peux plus vivre pour lui.»

Lucette hocha la tête et sortit. Jentendis ses pas sestomper dans le hall, la porte claquer. Je me dirigeai vers la fenêtre. Elle avançait, voûtée, petite, vulnérable. Mon cœur se serra.

Je repensai à la scène de notre dernière soirée, où il criait que je lui avais brisé la vie, que cétait à cause de moi quil buvait. Que je ne le comprenais pas, que jétais égoïste. Je me rappelai avoir quitté le domicile avec une valise, pensant: «Heureusement quon na pas denfants.»

Aujourdhui, je vis seul dans un petit studio loué, je travaille, le soir je lis, je regarde des séries ou je vais à la salle. Le weekend, je retrouve des amis. Une vie simple, paisible, sans drames. Je ne veux plus retourner dans cet enfer où chaque nuit je crains que Sébastien ne rechute, quil gît ailleurs, inconscient.

Je ne reviendrai pas.

Jai choisi moimême, ma sérénité. Ce nest pas de légoïsme, cest du bon sens.

Sébastien a choisi la bouteille, il la fait bien avant moi. Je nai jamais compris les signaux, ou je les ai ignorés par amour. Sa responsabilité, son choix, sa vie. Mais pas la mienne.

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Que peut-on chérir davantage que l’argent ?